Notre Mère

Par Jlhuss
Quatre ans déjà !

Les enfants vieillis se plaisent à rêver que leur mère morte continue de veiller, qu’elle n’a toujours pas mieux à faire que de leur inspirer le brusque dégoût du tabac, les prévenir de ce camion tueur à droite, les diriger à gauche dans le dédale des allées vers la boutique où les attend l’objet rare qu’ils cherchent !
Quelques secondes, ils se figurent que c’est elle.
Non pas elle à trente ans, ou cinquante ou soixante, souveraine ; ni la déchue que l’âge cruel mange à petites bouchées, qu’il faut nourrir de même, langer, et qui trouve la grâce de sourire si doucement dans les humiliations.
Elle sans visage, juste Elle. Elle de toujours et de nulle part, et telle qu’il est réconfortant d’imaginer que nous la reverrons sans yeux.

Arion