Je roule au bioéthanol coupable ou non coupable ?

Publié le 28 janvier 2013 par Idealmag @idealmag2
Rédigé par Sylvain Bdr le Lundi 28 Janvier 2013 à | Lu 56 fois

Est-ce que je participe au déséquilibre alimentaire en faisant un plein de bioéthanol, ou est-ce que je roule plus écologique et moins coûteux pour mon budget ?


Le bio éthanol de canne respecterait l'équilibre écologique et alimentaire de la planète

Bioéthanol Le Brésil, gros producteur de biocarburant, est doté de surfaces cultivables exceptionnelles : 

300 millions d'hectares cultivables
(contre un peu plus de 26 millions pour la France).

-6 millions d'hectares de terre dédiés à la culture de la canne à sucre (à part égale à destination de la production de sucre alimentaire et d'éthanol) ne représentent ainsi que 2 % du total des terres agricoles existant.

-Un climat très favorable, la richesse du sol, le réseau hydrographique. En effet, le Brésil peut connaître plusieurs récoltes par an, et 90 % de la production de canne à sucre (dans le Sud) n'a pas besoin d'être irriguée, tout en bénéficiant de longues périodes d'ensoleillement et de périodes de production étendues.

Ces atouts ont facilité le développement du bioéthanol issu de la canne à sucre, dans lequel le Brésil a acquis une expertise mondialement reconnue. Les chiffres, tant de production que d'exportation en attestent.

Les « atouts » du bioéthanol issu de la canne à sucre

Bioéthanol de la canne-à-sucre Le coût de production du bioéthanol brésilien est le plus bas du monde, estimé à 0,15 euro par litre; 40 % moins cher que l'éthanol de maïs américain et 70 % moins cher que l'éthanol de betterave et de céréales produit en Europe.

Il s'agirait du biocarburant qui offre le meilleur rendement énergétique :

 

1 ha de canne à sucre = 7.000 à 9.000 litres/ an

1 ha de betterave = 6.000 à 10.000 litres / an

1 ha de maïs = 3.000 à 4.000 litres / an

1 ha de céréales = 2.000 à 3.000 litres / an
 

D'après la commission sénatoriale des finances qui s'est rendue au Brésil en 2008, l'éthanol issu de l'exploitation de la canne à sucre ne serait pas en cause dans la crise alimentaire mondiale actuelle, contrairement à la production d'éthanol de maïs américain, qui concourt à l'augmentation non seulement du prix de la matière première mais aussi, par extension, de celui de la viande (le bétail se nourrissant de maïs). Ces analyses, même si elles ne présentent pas de caractère définitif, doivent, à l'évidence, être prises en compte.


Le souci du développement durable à tous les stades de la production

La culture de la canne à sucre serait de plus en plus respectueuse de l'environnement. Les entreprises visitées produiraient mieux et plus longtemps.

-la canne peut être cultivée durant cinq années et ne nécessite un replantage qu'au bout de la sixième année, ce qui a pour conséquence une diminution des passages des véhicules agricoles et donc de l'émission de CO². Au bout du compte, les experts estiment qu'il faut une unité d'énergie fossile pour produire huit unités d'éthanol, ce qui paraît constituer un ratio acceptable.
 

Mieux, des progrès technologiques sont aussi mis en oeuvre dans le sens du développement durable comme l'augmentation de la mécanisation au détriment du brûlage ou l'utilisation de la « bagasse » (le résidu fibreux de la canne à sucre) pour fournir l'électricité nécessaire à la production d'éthanol.


bioéthanol de 2ème génération étudié en France

Bioéthanol de 2ème génération Les brésiliens travaillent à l’élaboration de techniques permettant des produire du bioéthanol de 2ème génération,  déchets de cannes pressées pour l’extraction du jus servant à produire le sucre.

En France, suscitant de fortes attentes, le développement du bioéthanol de 2ème génération progresse rapidement et pourrait devenir une réalité industrielle dès la fin de la présente décennie. Cette filière technologique a l’avantage d’utiliser de nouvelles ressources de la biomasse et de les transformer dans les usines de bioéthanol existantes. Ainsi, les deux générations continueront à exister simultanément.

L'année 2011 a connu l'entrée en matière du "Projet Futurol"  dans sa phase « Pilote ». Leur recherche permettra d’évaluer si la fabrication de bioéthanol de seconde génération a véritablement un sens aux plans technique, économique et environnemental. Ce procédé vise une production commercialisable à l'horizon 2015.

Ce procédé vise à utiliser des déchêts forestiers et résidus agricoles, permettant une exploitation s'inscrivant dans le développment durable et respect de l'environnement.

La diplomatie du bioéthanol

Que vient faire, me direz-vous, la diplomatie dans la question bioéthanol ?

Hélas, et personne ne l'ignore, toute initiative visant à remplacer la dépendance énergétique au pétrole, est forcément sujette à la contre-attaque des lobby pétroliers, et provoquera indéniablement une réaction diplomatique, notamment à l'encontre des pays capables de produire cette nouvelle énergie à l'échelle mondiale, le Brésil et potentiellement l'Afrique.

En 2008, on parlait de Politique de coopération Sud-Sud initiée et promue par Lula, consistant à répliquer à l’Afrique le modèle de développement économique brésilien basé sur la valorisation de cultures industrielles de canne à sucre en bioéthanol pour l’accès à l’indépendance énergétique. Des filières de production industrielle de canne à sucre destinées à la production d’agrocarburants (le bioéthanol) ont été structurées dans un contexte global de développement de l’agro-industrie, permettant au pays d’accéder à la sécurité alimentaire et à l’indépendance énergétique. Depuis 2003 le Brésil a lancé la production à grande échelle du moteur « flex-fuel » fonctionnant aussi bien au bioéthanol qu’à l’essence conventionnelle. La production industrielle de bioéthanol est un succès au Brésil, son coût de production est inférieur à celui de l’essence, et actuellement, plus de 95% des véhicules vendus fonctionnent au biocarburant. Il s’agit d’une véritable révolution énergétique dans ce pays qui vante les mérites de son modèle tant sur les plans économique et social qu’environnemental.

Le bioéthanol de canne est selon les porte-paroles brésiliens le seul agrocarburant de première génération véritablement efficace sur le plan énergétique : une calorie fossile investie dans le cycle de production et de transformation du bioéthanol permet de récupérer entre 8 et 10 calories « renouvelables » de bioéthanol.  Par ailleurs, les déchets de production peuvent être valorisés en fertilisants naturels et en électricité « verte » via le processus de cogénération.

Les brésiliens mettent également en avant le fait que, contrairement aux autres agrocarburants, le bioéthanol de canne à sucre n’est pas responsable de la hausse des prix des denrées alimentaires car la production de cannes destinées au bioéthanol est spécifique à cet usage. La canne à sucre à destination énergétique est une matière première non substituable aux matières premières alimentaires dont la spéculation ne  serait pas corrélée à la production de canne à sucre énergétique.

Le Brésil souhaiterait répliquer à l'Afrique ce secteur agricole et générateur de croissance économique

Cette Afrique qui compte 1 milliard de consommateurs, puis 2 milliards en 2050, dont le pouvoir d’achat croit de 6% par an depuis bientôt 10 ans, en fait un débouché idéal et convoité des productions industrielles brésiliennes, indiennes ou chinoises. Cette Afrique toujours aux 60% de terres arables non cultivées de la planète, terrain d’expansion idéal d’une agro-industrie brésilienne pourvoyant aux besoins alimentaire et énergétique des 9 milliards de consommateurs prévus en 2050.

La réplication de son modèle en Afrique, dont le potentiel de production agricole est gigantesque, trahirait surtout l'ambition du géant sud-américain de devenir le leader mondial des producteurs de biocarburants et d’acquérir un poids diplomatique considérable dans un monde où le contrôle de l’énergie devient stratégique.

Certains apparatchiks du pétrole imposent une guerre économique sans merci à ceux qui osent proposer un modèle « alternatif » et le Brésil, malgré son poids économique, doit disposer d’appuis diplomatiques puissants pour réussir à créer un marché international du bioéthanol.

Si les dirigeants africains arrivaient à se tenir éloignés des ambitions néo-colonialistes opérées par les puissances étrangères, ce modèle brésilien  n’en demeure pas moins potentiellement bénéfique pour les intérêts africains.

En effet le Brésil, qui possède les mêmes conditions écologiques, pédologiques et climatiques qu’un grand nombre de pays africains, a su valoriser ces atouts naturels et baser son développement économique sur l’exploitation durable de ressources renouvelables.

Restent quelques zones d'ombres à régler, et non des moindres, en terme de droit des populations autochtones, encore loin d’être idéales au Brésil où les critères de développement « durable » sont largement perfectibles. Mais au moins, ce modèle a rendu le pays indépendant de la tutelle occidentale et a permis l’atteinte de l’indépendance énergétique et alimentaire.

Les usages non alimentaires de la biomasse - Coupables ou non coupables ?

Il semblerait que certains aspects du bioéthanol à partir de la canne-à-sucre, et plus intéressant encore le bioéthanol de 2ème génération, puissent répondre au besoin énergétique et  réduire la dépendance au pétrole tout en répondant aux exigences d'un développement durable.

Cependant, face à tous ces enjeux humains et énergétiques, il est encore évident que l'ombre de certaines multinationales peu soucieuses de l'humain et de l'environnement, à l'origine de nombreux conflits d'influence planétaires, sont capables de déstabiliser l'orientation écologique d'un usage non alimentaire de la biomasse, en poussant vers une productivité intensive non respectueuse.

Il reste à nos dirigeants à évaluer entièrement les processus de production sur la base, notamment, de bilans globaux comparés en termes de valeur ajoutée, d'emplois, et de carbone/GES ; d’analyser le cycle de vie des produits bio-sourcés, et surtout, de mettre en place des systèmes de gouvernance associant organisations professionnelles et autorités administratives pour la définition et le suivi des politiques bio-économiques.

La chemin est encore long. il conviendra donc à chaque individu, utilisateur et maillon important de la demande en bioéthanol, d'observer une certaine retenue, dans l'attente de solutions et recherches effectives en terme de bioéthanol de 2ème génération, conscients que certaines questions fondamentales de respect de la vie et de ses équilibres, ne sont pas encore pleinement prises en comptes à l'échelle industrielle planétaire.

Je reste pour ma part persuadé, de la promotion de la sobriété sous toutes ses formes pour faire évoluer les comportements alimentaires et énergétiques, et de l’utilisation efficace des bio-ressources notamment en luttant contre les diverses pertes et gaspillages.

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