A côté

Publié le 31 janvier 2013 par Theatrummundi


Je regarde la langue française lentement s’éloigner. Après tout, suis-je parfois tenté de dire en haussant les épaules, il arrive à la prose ce qu’il est arrivé au vers. Ah, ça devait arriver ! pourrais-je dire avec la conviction que donnent les prophéties a posteriori. Et de cela

Tout le monde il est très content, qu’est-ce que vous voulez ma bonne dame faut vivre avec son temps. Et puis se satisfaire de ce dont on n’a pas le choix, bien sûr, il pleut

Remettez-moi  un demi. A l’école pas trop mauvaise où j’allais, il était devenu difficile de faire du latin, le grec était déjà aux oubliettes. Tandis que de bonnes âmes déplorent encore la disparition des humanités, et on peut, bien sûr, on peut, c’est le français classique qui s’en va. Je veux dire, le français du XVIIème siècle. Il s’éloigne. Enfin, s’il est permis de le dire

On l’éloigne. On l’aura bientôt en livres avec version moderne en regard. Comme celui du XVIème. C’est comme ça. Ça sera plus moderne et plus mieux. On comprendra sans effort. Alors que non, on ne comprendra pas,

Pas vraiment. On comprendra… mais moins. Grâce à quelque tablette électronique, j’aurai bientôt accès à ce qu’on appellera la réalité augmentée. J’y aurai accès dans un français appauvri. Je pourrai y lire des textes brefs, écrits dans une langue simple. Peut-être certains ne seront-ils pas moins précis. Je l’espère. Qu’espérer d’autre ? sans se faire

Trop d’illusions ? Je ne sais pas trop pourquoi j’écris ces notes, ni pourquoi je reviens presque aléatoirement à la ligne. Peut-être pour, même ironiquement, me porter la contradiction, après tout… Je n’écris presque plus

Sur ce blog. J’écris à côté. Pourtant, il me permet de publier ce que je veux, quand je veux, comme je veux. Et j’écris toujours à côté. Toujours plus, toujours plus

A côté. Je peux risquer une explication, même si elle risque fort de ne rien expliquer du tout. Quand, à côté de mon blog, j’écrivais du théâtre, et que je montais ces pièces, je me disais que le blog ne pouvait pas servir à publier des pièces entières, que la forme dramatique lasserait vite

Ma poignée de lecteurs. Quand j’ai arrêté d’écrire du théâtre, et surtout d’en mettre en scène, j’ai pensé développer plus considérablement ce blog. J’ai pensé en détails à la façon de le développer et

Je ne l’ai pas développé. J’ai même cessé, par exemple, d’y écrire des critiques. Le lecteur lit en silence, le critique veut faire admirer sa lecture. (Les critiques pissent des américanismes, louent le XIXème siècle, parfois pleurnichent sur le bon dieu.) Au bout d’un an environ, j’ai recommencé d’écrire à côté de mon blog. Des textes non dramatiques. Enfin, je crois.

Que je ne monterai pas au théâtre, en tout cas. Et que, au vu de leur forme, je n’enverrai sans doute pas aux maisons d’édition. Pourquoi faire ? Un livre ? Je ne trouve pas très malin de publier des livres. Conscient de l’exagération, je suis parfois tenter de trouver ça un tantinet pervers, mais j’avoue que je peinerais à justifier

Cette assertion violente. Plus modérément, je dirais que publier un livre est de nos jours une activité parfaitement dérisoire. Je ne veux pas dire qu’il soit dérisoire de traduire Horace ou Shakespeare, entendons-nous. Je trouve dérisoire de se dire, tiens, moi, Machin qui n’ai rien à dire, je vais faire un livre, et comme je n’ai rien à dire je vais raconter ma vie en la travestissant un peu pour pouvoir appeler ça

Roman. Si je savais le latin, je crois que j’écrirais en latin. Mais je ne connais pas le latin. Rien en soi, je tiens à le préciser, ne m’empêche de l’apprendre. Mais j’ai la flemme. Il eût été tellement plus simple de me le faire apprendre, enfant, sans me demander mon avis. Je vais peut-être écrire dans une langue qui s’éloigne, qui peut-être n’est plus que le spectre d’elle-même. (Si j'avais l'esprit à faire de la politique, ce qu'à dieu ne plaise, je dirais qu'il est fort logique que le français classique né de l'Etat moderne soit précisément éloigné de nous aujourd'hui.) Tout cela,

Me fait penser à cette émission de radio au générique de laquelle on entend Marguerite Yourcenar dire : « Le coup d’œil sur l’Histoire, le recul vers une période passée ou, comme aurait dit Racine, vers un pays éloigné, vous donne des perspectives sur votre époque et vous permet d’y penser davantage, d’y voir davantage les problèmes qui sont les mêmes et les problèmes qui diffèrent ou les solutions à y apporter. » Peut-être même vais-je écrire en vers, allez savoir, et vous seriez poli de ne pas me parler de ce que mes contemporains, tous très gentils au demeurant, bien sûr, appellent de la poésie. Ne nous

Fâchons pas. Je crois juste que je vais continuer d’écrire à côté. Je n’ai pas fini de me demander pourquoi j’ai trouvé bon de venir vous signaler ça. Mon côté dérisoire, vaguement

Pervers, peut-être. En tout cas à côté.


Je regarde la langue française lentement s’éloigner. Après tout, suis-je parfois tenté de dire en haussant les épaules, il arrive à la prose ce qu’il est arrivé au vers. Ah, ça devait arriver ! pourrais-je dire avec la conviction que donnent les prophéties a posteriori. Et de cela

Tout le monde il est très content, qu’est-ce que vous voulez ma bonne dame faut vivre avec son temps. Et puis se satisfaire de ce dont on n’a pas le choix, bien sûr, il pleut

Remettez-moi  un demi. A l’école pas trop mauvaise où j’allais, il était devenu difficile de faire du latin, le grec était déjà aux oubliettes. Tandis que de bonnes âmes déplorent encore la disparition des humanités, et on peut, bien sûr, on peut, c’est le français classique qui s’en va. Je veux dire, le français du XVIIème siècle. Il s’éloigne. Enfin, s’il est permis de le dire

On l’éloigne. On l’aura bientôt en livres avec version moderne en regard. Comme celui du XVIème. C’est comme ça. Ça sera plus moderne et plus mieux. On comprendra sans effort. Alors que non, on ne comprendra pas,

Pas vraiment. On comprendra… mais moins. Grâce à quelque tablette électronique, j’aurai bientôt accès à ce qu’on appellera la réalité augmentée. J’y aurai accès dans un français appauvri. Je pourrai y lire des textes brefs, écrits dans une langue simple. Peut-être certains ne seront-ils pas moins précis. Je l’espère. Qu’espérer d’autre ? sans se faire

Trop d’illusions ? Je ne sais pas trop pourquoi j’écris ces notes, ni pourquoi je reviens presque aléatoirement à la ligne. Peut-être pour, même ironiquement, me porter la contradiction, après tout… Je n’écris presque plus

Sur ce blog. J’écris à côté. Pourtant, il me permet de publier ce que je veux, quand je veux, comme je veux. Et j’écris toujours à côté. Toujours plus, toujours plus

A côté. Je peux risquer une explication, même si elle risque fort de ne rien expliquer du tout. Quand, à côté de mon blog, j’écrivais du théâtre, et que je montais ces pièces, je me disais que le blog ne pouvait pas servir à publier des pièces entières, que la forme dramatique lasserait vite

Ma poignée de lecteurs. Quand j’ai arrêté d’écrire du théâtre, et surtout d’en mettre en scène, j’ai pensé développer plus considérablement ce blog. J’ai pensé en détails à la façon de le développer et

Je ne l’ai pas développé. J’ai même cessé, par exemple, d’y écrire des critiques. Le lecteur lit en silence, le critique veut faire admirer sa lecture. (Les critiques pissent des américanismes, louent le XIXème siècle, parfois pleurnichent sur le bon dieu.) Au bout d’un an environ, j’ai recommencé d’écrire à côté de mon blog. Des textes non dramatiques. Enfin, je crois.

Que je ne monterai pas au théâtre, en tout cas. Et que, au vu de leur forme, je n’enverrai sans doute pas aux maisons d’édition. Pourquoi faire ? Un livre ? Je ne trouve pas très malin de publier des livres. Conscient de l’exagération, je suis parfois tenter de trouver ça un tantinet pervers, mais j’avoue que je peinerais à justifier

Cette assertion violente. Plus modérément, je dirais que publier un livre est de nos jours une activité parfaitement dérisoire. Je ne veux pas dire qu’il soit dérisoire de traduire Horace ou Shakespeare, entendons-nous. Je trouve dérisoire de se dire, tiens, moi, Machin qui n’ai rien à dire, je vais faire un livre, et comme je n’ai rien à dire je vais raconter ma vie en la travestissant un peu pour pouvoir appeler ça

Roman. Si je savais le latin, je crois que j’écrirais en latin. Mais je ne connais pas le latin. Rien en soi, je tiens à le préciser, ne m’empêche de l’apprendre. Mais j’ai la flemme. Il eût été tellement plus simple de me le faire apprendre, enfant, sans me demander mon avis. Je vais peut-être écrire dans une langue qui s’éloigne, qui peut-être n’est plus que le spectre d’elle-même. (Si j'avais l'esprit à faire de la politique, ce qu'à dieu ne plaise, je dirais qu'il est fort logique que le français classique né de l'Etat moderne soit précisément éloigné de nous aujourd'hui.) Tout cela,

Me fait penser à cette émission de radio au générique de laquelle on entend Marguerite Yourcenar dire : « Le coup d’œil sur l’Histoire, le recul vers une période passée ou, comme aurait dit Racine, vers un pays éloigné, vous donne des perspectives sur votre époque et vous permet d’y penser davantage, d’y voir davantage les problèmes qui sont les mêmes et les problèmes qui diffèrent ou les solutions à y apporter. » Peut-être même vais-je écrire en vers, allez savoir, et vous seriez poli de ne pas me parler de ce que mes contemporains, tous très gentils au demeurant, bien sûr, appellent de la poésie. Ne nous

Fâchons pas. Je crois juste que je vais continuer d’écrire à côté. Je n’ai pas fini de me demander pourquoi j’ai trouvé bon de venir vous signaler ça. Mon côté dérisoire, vaguement

Pervers, peut-être. En tout cas à côté.