Itw C. Hoolans : entrevue autour du catalogue Kana

Publié le 14 décembre 2012 par Paoru

Après avoir relancé les interviews éditeurs avec Ototo le mois dernier, c’est une autre « première fois » avec un nouvel éditeur que j’ai pu réaliser début novembre : l’interview de Christel Hoolans, directrice éditoriale chez Kana et Dargaud. Elle est l’une des clés du célèbre éditeur car Christel Hoolans est présente depuis les débuts de l’aventure de Kana, en 1996. Elle y travaille depuis avec Yves Schlirf, qui en est le directeur général.

Comme tout nouvel éditeur dans l’escarcelle du chocobo, cette interview fut l’occasion de faire les présentations et surtout d’aller au delà de Naruto, la série a laquelle on résume souvent cet éditeur, alors qu’il possède foison d’autres titres. Nous avons discuté, avec de nombreux chiffres à l’appui, des séries qui fonctionnent et celles qui ne marchent pas ou peu,et du fossé qui sépare ainsi les ventes françaises des japonaises, analysées par votre chocobo la semaine dernière dans son étude annuelle.

Je vous laisse découvrir tout ça par vous-même, bonne lecture

C. Hoolans et Kana : les présentations

Bonjour Christel Hoolans…

Bonjour !

Pour commencer, est-ce que vous pouvez nous décrire votre travail de directrice éditoriale au jour le jour ?

Tout d’abord mon travail c’est de choisir les titres que nous allons mettre dans le catalogue, ce qui signifie suivre au quotidien les magazines que nous recevons du Japon, faire de la veille internet, discuter et échanger avec l’équipe… Ensuite, il faut monter les dossiers, faire les offres et négocier les licences avec les éditeurs du pays d’origine.

C’est aussi le suivi au quotidien des livres que nous avons acheté et que nous éditons. Nous avons pas mal de titres qui sortent chaque mois donc il faut s’assurer de la qualité de la traduction et de l’ouvrage dans son ensemble, du choix du papier à celui des jaquettes, souvent au plus proche de l’original mais pas toujours donc il faut savoir s’adapter. Tout ça je ne le fais évidemment pas toute seule.

D’ailleurs, Kana, c’est une équipe de combien de personnes ?

En interne sur l’éditorial cela représente cinq personnes, Yves et moi compris. Évidemment à côté de ça, il y a tout un département de fabrication qui fait en partie du manga mais pas uniquement, puis les départements transverses comme les finances, etc. Enfin nous travaillons avec une flopée de gens indépendants : traducteurs, adaptateurs, lettreurs, correcteurs, etc. Tout ça représente donc beaucoup de monde même si Kana au sens strict c’est cette petite équipe, comme je l’ai dit plus haut.

Pour beaucoup de gens Kana est l’éditeur de Naruto, mais vous allez beaucoup plus loin que ça. À l’heure actuelle, quelle est votre ligne directrice ?

Nous avons assez peu dévié de notre ligne de départ qui était de faire découvrir un panel le plus large possible de ce qu’il y a au Japon.

Au début nous avons commencé avec les shōnens, pour s’installer et parce qu’il n’y avait pas tellement d’éditeurs sur ce créneau. Une fois que nous avons commencé à avoir des revenus suffisants nous avons ouvert le catalogue aux shōjo et aux seinen. Ensuite, nous avons créé la collection Made In qui est plus une collection « d’auteur » comme on dit en franco-belge, un label plus underground.

Plus récemment, nous avons rajouté la collection Sensei dans laquelle sont classés les ouvrages des grands maîtres japonais, fondateurs du manga. Vous y retrouvez Shirato Sanpei, Ishinomori, Tezuka, Kamimura, Otomo, etc.

Nous avons donc rapidement élargi notre offre, sans faire pour autant de sorties massives et en laissant nos séries se terminer avant d’en démarrer d’autres.

Qu’est-ce qui vous distingue des autres éditeurs leaders du marché que sont Glénat et Pika finalement ?

Pas facile ça… (Réfléchit)

Si on nous compare avec Glénat, on peut y voir pas mal de points communs : des grosses licences au premier plan et de nombreuses œuvres variées au second plan, avec un catalogue, du fait de son âge, qui possède un fond assez vaste. Après en y regardant de plus près, les goûts et les envies sont assez différents finalement. Mais il y a des similitudes, c’est indéniable.

Nous nous éloignons sans doute un peu plus de Pika, même si je respecte totalement leur travail. Nous avons une base semblable que sont les shōnen, bien sûr. Mais ils ont des goûts éditoriaux très différents.

Mais il y a toujours tellement d’œuvres à faire découvrir dans le manga qu’il y a de place pour tout le monde. Il n’y en a peut-être plus pour faire du blockbuster à 200 000 exemplaires  par tome mais il reste tout de même de quoi faire !

Si on en vient à la composition de votre catalogue d’automne on voit qu’il se compose de 70-75% de shōnen et le reste se répartit entre le shōjo et le seinen de manière assez équivalente. Ce sont les proportions optimales ?

La difficulté en manga c’est qu’une fois qu’une série est signée il faut la suivre, sans savoir combien de tomes la série fera. Et comme nous ne voulons pas augmenter le nombre de titres au catalogue pour ne pas sortir davantage de titres – au contraire, nous voudrions plutôt calmer le jeu – il est assez délicat de piloter cet équilibre.

Par exemple nous avons signé Gintama, lorsqu’il n’y avait que quelques tomes. À l’époque, nous ne savions pas que nous étions partis pour plus de 40 tomes. La gestion de catalogue ne peut se faire que sur la longueur.

Nous n’avons pas forcément la volonté de ne faire que du shōnen mais ça reste la base de notre catalogue donc nous restons fidèle à cette logique. De plus lorsqu’on regarde les tops des ventes, ce sont des shōnens qui occupent les premières places, même s’ils ne sont plus tout jeunes pour certains.

Nous éditons depuis très longtemps du seinen mais nous n’avons eu que très rarement des hits dans ce domaine, malgré une offre très variée et peu de titres semblables. Or d’un point de vue économique si on veut survivre il faut bien avoir quelques succès commerciaux. Grâce à Monster ou Pluto d’Urasawa nous avons pu faire des jolies ventes mais pour le reste c’est tout de suite plus compliqué même si ça ne nous empêche pas de continuer à en publier. Par exemple, en début d’année nous avons édité I am a Hero qui pour moi est un coup de poing colossal, je suis totalement fan et je trouve ça vraiment extra. Mais, pour l’instant, ça n’a pas encore décollé. C’est très long à venir.

Donc nous ne pouvons pas nous permettre de faire 50% de shōnen et de seinen par exemple, nous ne tiendrions pas très longtemps à ce rythme-là.

Le shōnen et le lancement de nouvelles séries…

Si on parle du shōnen… On commence par Naruto. En termes de vente que représente cette série par rapport aux autres ?

Elle représente une part énorme, forcément. Les ventes francophones de Naruto représentent un sixième des ventes de l’œuvre dans le monde entier. Cela reste la série qui se vend le mieux à la nouveauté. La moyenne de tirage shōnen sur le marché francophone doit tourner autour des 8000 exemplaires, là où le tirage de Naruto est à 200 000 exemplaires.

L’année dernière votre responsable commercial Nicolas Ducos nous expliquait que Kana était en recul pour 2011 en parts de marché mais que, hors Naruto, Kana avait plutôt tendance à progresser. Qu’en est-il pour 2012 ?

Pour l’instant ça suit la même voie. Nous avons été handicapé au premier semestre du à l’absence de Naruto mais ce sera lissé en fin d’année puisqu’au final, nous aurons publié nos 3 tomes annuels. Mais hors Naruto nous sommes toujours en progression en 2012 avec le reste du catalogue.

Nous avons fait quelques sorties dont nous sommes très fiers comme Bonne nuit Punpun ou I am Hero, même si ce ne sont pas encore des best-sellers. Les sorties comme Buster Keel se comportent bien, chaque tome se vend plus que le précédent donc nous sommes en bonne voie.

Buster Keel est l’occasion de parler des séries qui débutent (le tome 5 est arrivé début décembre, NDLR)… Le succès d’un titre se fait-il sur ses premiers tomes ?

Oui et non.

Oui parce que beaucoup de libraires ont des gros problèmes de trésorerie du à la masse de nouveauté à gérer par mois, et ils font leurs calculs sur douze semaines de vente. Donc si votre titre n’est pas vu et vendu dans ce laps de temps, vous démarrez mal puisque le tome 2 sera commandé à la hauteur des douze semaines de vie du tome 1, etc.

Quand vous avez un shōnen qui sort tous les deux mois, vous vous retrouvez très vite handicapé s’il est sorti au mauvais moment, s’il n’a pas été lu à sa sortie ou n’a pas été suffisamment soutenu. Donc très vite les chiffres du début nous défavorisent pour bien placer un titre.

Cependant, on a pu voir des séries décoller au troisième ou au quatrième tome donc il est possible d’attendre jusque là. Après il faut une force de diffusion qui permette d’insister et de placer des titres là où le libraire nous dit « non il ne marche pas ton titre, je n’en veux plus ».

Mais une fois passé ces quatre ou cinq premiers tomes si ça ne décolle toujours pas, c’est mort.

Ce n’était pas le cas avant… Certains mangas sont placés très haut aujourd’hui alors qu’ils ont mis plus de cinq tomes à décoller. Maintenant chaque semaine les nouveautés sont balayées pour laisser place à d’autres nouveautés !

Et du coup vous attendez combien de tomes au Japon pour licencier une série ?

Aujourd’hui, nous n’avons plus le temps d’attendre. Avant nous lisions jusqu’au troisième ou quatrième tome sorti au Japon pour avoir une très bonne idée de ce que valait la série. Maintenant si vous n’avez pas de bons contacts avec les éditeurs qui vont vous expliquer le dessous des cartes, vous êtes coincés.

Vous êtes obligés de faire savoir que ça vous intéresse dès le premier chapitre et dès la sortie du tome 1 vous devez acheter, car le marché japonais ne se porte pas très bien non plus et qu’au contraire le marché des droits à l’international, notamment chez nous, s’en sort plutôt bien.

Et pourtant il y a quelques années les éditeurs japonais ne voulaient pas vendre le titre au tome 1, ils trouvaient que c’était trop tôt. Mais maintenant ils reçoivent tellement d’offres sur leur bureau que la plupart d’entre eux cèdent et vendent.

C’est dommage car, comme vous le savez, un tome 1 ne fait pas une série et on voit régulièrement des séries bifurquer totalement à partir d’un tome 3 ou 4. Par exemple, sur Black Butler, les premiers titres nous présentent un shōnen up gothique, que nous avons mis dans notre label Dark parce qu’il y a quelques scènes un peu « hard » mais à partir du tome 7 il nous a fallu rajouter la mention Public Averti  si nous ne voulions pas risquer de problèmes ! (Rires)

Et ça c’est imprévisible avec un tome 1.

Et du coup le lecteur lui aussi choisit de plus en plus vite ?

La plupart du temps il se renseigne avant d’aller en librairie, sur internet par exemple. Mais parfois il veut attendre un peu, jusqu’au tome 2 ou 3, pour se faire un avis et voir où l’histoire l’emmène quitte à le lire chez un ami. Le problème c’est que le libraire n’attend plus jusque là… Du coup, le tome n’est pas recommandé, donc le livre est introuvable et c’est là que démarre la spirale infernale.

Du coup, le lecteur se replie sur les valeurs sûres et ce sont toujours les mêmes bonnes vieilles séries qui occupent les premières places des tops des ventes.


Parlons également des séries longues qui ont dépassé les 20 volumes, car il y en a quelques unes dans votre catalogue, que ce soit Conan, Gintama, Inu-Yasha, Prince of Tennis, etc.

Quelques unes comme Conan sont dans le top 200 des ventes GFK 2011 mais pour la plupart elles n’y sont plus… Si c’était à refaire vous les signeriez à nouveau ?

Tant qu’elles ne nuisent pas à la santé de la maison, bien sûr ! J’assume et apprécie toutes les séries que nous avons éditées.

Des longs shōnens à perte ça arrive quand même je suppose ?

Ah ça oui, je peux vous dire qu’on en a ! (Rires)

Ceux que vous avez cités plus haut (Gintama, Prince of Tennis, Inu-Yasha) sont des échecs commerciaux. Ils partent à quelques centaines d’exemplaires en général et nous sommes contents quand nous arrivons à en écouler 2 000 exemplaires alors que ce sont des stars au Japon.

Est-ce que vos plus jeunes shōnens comme Buster Keel, Deadman Wonderland, Psyren ou Ratman prennent la voie du succès et la place de potentiel remplaçant ou sont-ils étouffés par les blockbusters ?

Alors, il y a plusieurs choses à dire à ce propos.

Je pense que dans l’état actuel du marché, il devient difficile de faire un succès à la hauteur d’un Naruto ou d’un One Piece. Ces séries sont installées depuis longtemps et elles avaient de la place et de la visibilité au moment de leur sortie.

Aujourd’hui toutes les sorties s’étouffent les unes les autres. Nous avons la chance d’avoir deux titres « middle-sellers » forts, dans notre catalogue, Black Butler et Bakuman qui se vendent bien et qui continuent de monter. Commercialement ces titres marchent très bien.

Pour les plus récents c’est un peu tôt pour se faire une idée après moins de douze mois de vie.

Pour prendre l’exemple de Psyren, c’est un super bon shōnen mais qui ne marche pas du tout à la hauteur de ce que nous aurions pu espérer. Nous en avons vendu 95 000 ex à date. Tous ceux qui le lisent ou le chroniquent en disent vraiment beaucoup de bien mais il se fait totalement étouffer par la masse.

Buster Keel comme je le disais plus haut, marche bien, chaque volume se vend de plus en plus et le fond continue de se vendre à 500 exemplaires par semaine, ce qui est un miracle ! C’est le deuxième meilleur lancement shōnen sur le marché français en 2012 à date. Nous sommes donc plutôt contents ! (Rires)

Mais Buster Keel ne fera sans doute pas les chiffres d’un Naruto. Tout comme Deadman Wonderland dont nous sommes très contents et qui est une excellente vente (147 000 exemplaires vendus à date), mais qui ne pourra jamais atteindre de tels sommets.

Le shōjo, le seinen et la communication

Si on parle un peu de shōjo et si on se concentre sur la France, comment se comporte le shōjo ces dernières années ?

Il y a eu une explosion de l’offre, certains se sont spécialisés là dedans et ça s’est vu. C’était une bonne chose, ça a permis pour certains de s’y intéresser, d’avoir une vraie belle visibilité et d’avoir une place consacrée aux shōjos dans les librairies.

Ensuite, même si on reste très loin des chiffres de ventes des shōnens, tous les shōjos que nous avons lancés chez Kana sont au moins tous rentables… Alors que ce n’est pas toujours le cas en shōnen.

En 2012, on a sorti Akuma to love song et c’était le deuxième meilleur lancement shōjo sur le marché français en 2011. Nous avons faits des ventes plus qu’honorables donc ça nous encourage sur cette voie.

En privilégiant plutôt un nombre de titres réduits ?

Oui car je pense qu’il n’y a pas un lectorat super vaste non plus. Autant 50% du lectorat shōnen est féminin, autant ce n’est pas transposable au shōjo, en tout cas pas si facilement. Par exemple nous avons eu beaucoup de lecteurs sur Le Sablier, mais c’est un shōjo particulier, pas guimauve : il y a deux héros, un masculin et un féminin, dans une approche plus mixte. Mais pour le reste le shōjo n’est pas aussi universel et se coupe donc d’une partie du public.

Si on regarde le top 200 des ventes 2011 de l’institut GFK on s’aperçoit que les seinen sont mieux placés que les shōjos ce qui n’était pas du tout le cas ces dernières années… Est-ce que ce sont les shōjos qui sont passés derrière ou plutôt les seinens qui sont passés devant selon vous ?

Ah oui, bonne question !

Je pense que ces dernières années on a vu exploser quelques titres seinen, pas forcément chez nous d’ailleurs, et l’offre s’est progressivement élargie. Je ne pense donc pas que les shōjos soient passés derrière mais que l’offre seinen s’est agrandie. Cela a plutôt bien marché et du coup, cela a renforcé son segment. Le shōjo ne recule pas chez nous, loin de là… Il est plutôt stable en fait.

Autre point en leur faveur : certains de ces seinens, comme Thermae Romae ou Les vacances de Jésus & Boudha réussissent à dépasser le lectorat manga…

C’est vrai. Chez nous les œuvres d’Urasawa ont touché d’autres lecteurs que les lecteurs de manga, voire même certains lecteurs de BD… Cela donne évidemment plus de visibilité au genre et nous nous retrouvons dans d’autres journaux, moins spécialisés, plus grand public. C’est bien.

Ajoute, toute fière : Nous sommes dans Télérama avec ce genre de titres ! (Rires)

Ce genre de titres semble se multiplier chez nous, est-ce que c’est quelque chose de nouveau finalement, même au Japon ?

Au Japon, à mon avis, ils ne réfléchissent pas en ces termes-là. Ils s’intéressent à l’international depuis peu, pour des raisons financières, car leur marché est en train de ralentir. Mais pas sur un plan éditorial. En tout cas pas dans les grosses maisons.

Mais ce type de manga n’est pas nouveau et c’est pour ça que nous avons lancé, il y a de nombreuses années,  la collection Made In, avec des auteurs comme Taniguchi, Matsumoto Taiyo, par exemple. Car nous sommes aussi éditeurs de BD et ces passerelles nous semblent évidentes.

La particularité chez nous, c’est que nous avons choisi de garder le sens de lecture japonais pour respecter le travail de l’auteur. Du coup, cela peut être une barrière pour les non lecteurs de manga. Au début, cet obstacle du sens de lecture semblait insurmontable. Aujourd’hui, nous avons l’impression que les gens sont passés outre cette barrière parce qu’ils ont lu des Monster ou Sommet des Dieux ou d’autres titres et qu’ils sont désormais prêts à « lire à l’envers » (Rires).

C’est assez étonnant car je suis maintenant entourée de gens qui vont me demander un Kamui-Den ou La plaine du Kanto qui ne sont pas forcément ce qu’il y a de plus abordable au démarrage ! C’est évidemment très bien comme ça.

Nous parlions de la communication sur les titres… Ki-oon choisit de mettre le paquet sur le tome 1, d’autres travaillent plus sur la longueur. Comment fonctionnez-vous chez Kana ?

La recette n’existe pas en fait ! (Rires)

Nous nous adaptons au titre et donc au public que nous voulons toucher et en fonction nous définissons les outils marketing. Nous avons tendance à mettre beaucoup de moyens dès la sortie pour les raisons évoquées plus haut. Il faut quand même soutenir les débuts du titre, avant d’enterrer la hache de guerre.

Par contre, nous ne nous focalisons pas uniquement sur le tome 1 et nous essayons de faire un plan sur les 3 premiers tomes pour les titres qui démarrent bien. Pour un titre qui a été mal compris ou que nous avons mal lancé, nous ferons une piqure de rappel au tome 4 ou 5, ou alors nous attendrons la fin d’un arc et l’ouverture d’un autre pour relancer un peu la série.

Du côté des intégrales et des rééditions vous en avez fait plusieurs : Monster, Samurai Deeper Kyo, Yu-Gi-Oh !… Comment se porte ce format ?

Nous avons fait deux essais ces dernières années. Essais assez différents et à ne pas confondre.

Le premier est d’avoir créé des doubles volumes, pour faire une sorte d’intégrale au même format, mais moins cher à l’achat, pour les séries finies. Ce fut le cas chez nous pour Kyo, toujours en cours actuellement, avec des couvertures inédites, même au Japon, ou Yu-Gi-Oh ! Ce sont des créations puisque cette édition en double volume n’existe pas au Japon.

Le deuxième essai a consisté à éditer des versions « deluxe » de certaines séries, elles aussi finies. Ce sont donc des versions qui existent au Japon et qui font l’objet très souvent d’ajouts, de corrections de l’auteur, etc. C’est édité à un format généralement plus grand que l’original, un volume représente plus d’un volume original, et le livre fait l’objet d’une nouvelle maquette avec généralement des nouvelles illustrations, voir l’ajout de pages supplémentaires. C’est le cas chez nous, des éditions de Monster et St Seiya, par exemple.

Dans le premier cas, cela n’a pas marché. Ces éditions doubles ne trouvent pas leur public. Nous en vendons, mais nous sommes bien loin d’être rentable. C’est 3000 exemplaires vendus au tome environ. Du coup nous ne renouvellerons pas l’expérience. En tout cas pas sous cette forme.

Ça vient d’une réflexion sur le fond du catalogue Kana, qui est énorme depuis le temps que nous existons. Nous voulions remettre en avant des titres un peu oubliés des lecteurs d’aujourd’hui et qui, pour nous, ont vocation à devenir des classiques.

Nous nous demandons s’il faut oublier cette idée de classique dans le monde du manga -  ce qui me rendrait assez triste – ou alors s’il faut changer notre façon de faire et proposer autre chose au public manga.

Il y a aussi un problème qui est que nous sommes, sur ces titres, en concurrence avec le marché de l’occasion, qui vend les titres pour rien et avec lequel on ne peut pas lutter.

Dans le second cas (les éditions deluxe de séries finies), l’expérience est plus rentable déjà. Mais les ventes se font sur la longueur plutôt.

Pour en finir sur les thématiques qui ne fonctionnent pas il y a un genre souvent décevant en termes de vente : le furyô. Dans votre catalogue on croise par exemple Bakuon Rettô ou, à la frontière avec le sport, Angel Voice… Quel bilan ?

Le résultat est mitigé. Je crois que tout le monde à voulu refaire un Racaille Blues ou quelque chose dans le genre mais ça a échoué.

Pour Angel Voice nous aimons bien ce mélange sport-furyô. Nous l’avions sorti au bon moment a priori – la dernière coupe du monde de football – mais ça n’a pas fonctionné. C’est un peu moins de 3000 exemplaires vendus au tome. Pour Bakuon Retto, le dessinateur est une bête de dessin mais… Que dalle. Enfin nous en vendons un peu, à un public fidèle, mais c’est très peu. C’est moins de 1000 exemplaires au tome.

Mais est-ce que vous pensez que le furyô n’a donc pas d’avenir chez nous ?

Nous ne nous coupons d’aucun sujet. Si nous tombons amoureux d’un titre, nous nous disons que d’autres personnes seront sans doute séduites aussi ! (Rires).

Nous avons pas mal d’exemples comme ça dans notre catalogue, car nous ne cherchons pas uniquement à gagner des sous mais aussi à se faire plaisir et à faire découvrir toute la richesse de la création japonaise. Quand vous voyez un Kamui-Den ou Plaine du Kanto, vous vous doutez bien que nous n’allons pas en vendre des quantités astronomiques. Mais avoir Kamimura dans votre catalogue c’est quand même quelque chose !

Nous ne serons pas rentables sur ces titres mais nous pouvons nous le permettre parce que nous avons la chance d’avoir des locomotives comme Naruto qui nous donne les moyens de le faire.

Comment, maintenant ou dans un futur moyen à long terme, faire sans la Shueisha ? Est-ce que ça change quelque chose pour vous ?

C’est vrai qu’au début ça a été un choc!  Mais nous avons ensuite beaucoup discuté avec eux pour comprendre la différence entre ce qui a été dit et la réalité.

En définitive, Kazé aura la priorité, ça c’est certain, mais pas sur les auteurs que nous éditons déjà, quand même. Cela dit Kazé ne va pas pouvoir faire à lui seul tous les titres de la Shueisha, c’est quand même le plus gros éditeur de mangas au monde. Ou alors ils ont des équipes secrètes dans des caves ! (Rires) Parmi tous les bons titres, il en restera donc.

Et puis avant ça, pour rappel, nous n’avons jamais été prioritaires chez Shueisha. Nous avons toujours été en concurrence avec d’autres. Elle sera maintenant un peu plus dure, c’est tout.

Cependant nous ne nous sommes pas encore vu refuser de titre, donc nous allons voir. Si un jour, Shueisha nous refuse 3 ou 4 titres à la suite, nous l’aurons sans doute mauvaise mais ce n’est pas dit que ça arrive. Kazé n’a pas toujours les mêmes goûts que nous et nous ne voudrons pas forcément éditer les mêmes choses.

Sur le même sujet, certains se demandent si Shueisha n’aurait pas mieux fait de s’installer directement à son compte…

C’est compliqué de s’installer tout seul. Surtout dans un marché où le manga est ancré comme chez nous. Nous ne venons pas de débuter dans le secteur, nous sommes quand même le deuxième marché manga derrière le Japon. Comme leur marché va moins bien, les Japonais doivent faire de l’argent ailleurs et sont arrivés chez nous mais de là à s’installer tout seul… C’est franchement casse-gueule.

7 questions à Christel Hoolans

Pour finir, voici un petit questionnaire manga pour mieux connaître Christel Hoolans :

1. À quel titre devez-vous votre premier souvenir de mangas ?

Alors c’est assez banal mais mon plus gros coup de poing, pas mon premier souvenir mais mon plus fort et qui me marquera à vie, c’est Akira. C’est LE livre qui m’a fait me dire que je devais lire du manga non-stop et découvrir cet univers et d’autres titres pour revivre ces sensations…

2. Quel manga donneriez-vous à lire à votre pire ennemi ?

(Rires) C’est vache ça !

I’m a Hero parce que cela l’empêchera de dormir la nuit… Mais en même temps, c’est la série que je donnerais à mon meilleur ami aussi. Car c‘est vraiment gé-ni-al !!

3. Quel manga faudrait-il lire pour mieux comprendre Christel Hoolans ?

Les titres d’Inio Asano.

4. Quel est le blockbuster sur lequel vous n’avez jamais accroché ?

One Piece. (Rires) Il y a tous les ingrédients qu’il faut pour que ça marche mais je n’accroche pas.

5. À l’inverse quel est le flop que vous trouvez vraiment injuste ?

Zippang qui est une excellente série seinen de Kawaguchi et qui n’a jamais trouvé son public malgré ses qualités.

6. Quel est le manga publié chez un autre éditeur que tu aurais aimé avoir dans ton catalogue ?

Les trois Adolfs, chez Tonkam.

7. Quel manga attendez-vous avec la plus grande impatience ?

La suite de I am Hero, j’adore ce titre !

Un vrai coup de cœur de toute l’équipe ce titre !

Complètement. Nous nous sommes tellement éclatés à Japan Expo avec notre stand maquillage zombie. Nous avons eu énormément de retours positifs de nos lecteurs, des journalistes, mais aussi de lecteurs moins mangaphiles à la base, que nous en attendons beaucoup !

Merci beaucoup Christel Hoolans !

Merci à vous !

Merci à Christel Hoolans, pour son temps, sa bonne humeur et ses nombreux chiffres ! Vous pouvez la régulièrement retrouver sur son Twitter. Retrouvez également l’éditeur Kana sur son site web, son Facebook ou sur Twitter !

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Manga

Doki-Doki (mai 2012)

Glénat (mars 2009, décembre 2012)

IMHO (avril 2012)

Kana (novembre 2012)

Kazé Manga (avril 2011 – janvier 2012)

Ki-oon (avril 2010 - avril 2011 – janvier 2012)

Kurokawa (juin 2012)

Ototo – Taifu (octobre 2012)

Tonkam (avril 2011)

Japanimation

Black Bones (décembre 2012)

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