My Bloody Valentine – MBV

Publié le 05 février 2013 par Hartzine

En 1991, j’avais 11 ans. Autant dire que la déflagration Loveless a eu lieu sans moi. On n’est pas sérieux quand on a 11 ans. D’ailleurs, à cette époque, la notion de découverte musicale se résumait pour moi à trifouiller dans les vinyles de mes parents. Bon, de ce côté-là j’ai eu de la chance, malgré le vague souvenir d’avoir côtoyé un disque de Vangelis, ils avaient plutôt bon goût. Et puis forcément, à 15-16 ans, les choses ne sont plus les mêmes. Parce qu’à cet âge, Nirvana, Dinosaur Jr ou Teenage Fanclub étaient passés par là. Je me sentais un peu esseulé dans mon environnement direct, mais j’étais dépositaire d’un secret qui n’appartenait qu’à moi : non mais qui, à part moi, pourrait apprécier ces disques à leur juste valeur ? J’avais découvert – essentiellement, il faut le dire, avec le Grand Prix de mes Écossais préférés – que guitare noisy et romantisme, violence et délicatesse pouvaient faire bon ménage. Une bande-son qui pouvait à la fois résonner avec les affres du romantisme adolescent et le besoin physiologique de se défouler. Enfin, j’avais découvert… Forcément, pour les découvrir, j’avais eu besoin d’un passeur. Et à l’époque, je lisais frénétiquement Les Inrockuptibles, qui eux aussi – époque bien lointaine et surtout définitivement révolue – représentaient à mes yeux une sorte de subversion. Et à force de les lire, il fallait bien un jour que je m’intéresse au cas de My Bloody Valentine. Apparemment, j’avais raté quelque chose de Huge… Un disque qui me ferait oublier tous les autres. Là, c’est sûr, on me promettait du rêve : non seulement mon petit cœur allait se serrer, mais en plus j’allais me vriller les tympans comme il se doit. J’allais décoller le papier peint de ma chambre. Promesse tenue. Enfin, pas complètement : quelques années ont passé, et je n’ai pas oublié Teenage Fanclub, loin de là. Mais il n’empêche : Loveless, je l’avais pris en pleine poire, et des étoiles, j’en avais vu tourner des galaxies entières, étourdi par tant de beauté vénéneuse, de violence sourde, de fragilité maladive. Alors si pour moi, l’attente aura été moins longue que pour ceux qui avaient assisté, médusés, à la naissance de Loveless, elle n’en aura pas moins été interminable. J’ai vieilli, écouté des tonnes de disques, découvert des artistes incroyables, mais la sortie d’un nouveau My Bloody Valentine, là, quand même, ça mérite une petite seconde d’hystérie introspective. Mais la question principale est bien de savoir, avant écoute, quoi en attendre. Mon désir est-il de retrouver le groupe là où je l’avais laissé à l’époque ? Ou ai-je le secret désir de voir à quel point Kevin Shields a pu évoluer en vingt ans, alors que des cohortes d’héritiers plus ou moins lointains et talentueux sont passés par là, ont continué le travail d’exploration sonore et de mutation de textures alors inédites ? Ai-je envie que ce m b v soit un nouveau choc esthétique, faisant s’écrouler, comme jadis, les fondations d’un genre qui fut alors propulsé dans une autre dimension ? En somme, est-ce que j’attends quelque chose de nouveau de la part du groupe ? C’est finalement dès les premières notes du nouvel album que j’aurai ma réponse : le frisson dû à mes retrouvailles avec cet univers inimitable dépasse largement celui provoqué parfois par la nouveauté. Car il faut bien le reconnaitre, rien n’a foncièrement changé en vingt ans chez My Bloody Valentine : on se retrouve en territoire éminemment connu, avec ces textures supersoniques, ce chant intemporel de la sirène Bilinda Butcher, cette toxicité sournoise. Et c’est bon, sacrément bon, de retrouver tout ça. Des chose ont évolué, quand même : les rythmes semblent plus marqués, sans aller jusqu’à dire qu’ils seraient martiaux, comme sur l’étonnamment pop new you, réponse à la planante is this and yes et ses orgues cosmiques. Mais avant d’entrer dans le détail de ces 9 nouveaux titres tant espérés, il faudra encore bien du temps. Laisser le temps à l’esprit de reprendre le pas sur le corps, transpercé si aisément par ces nouvelles saillies. Laisser la raison l’emporter sur les émotions. Parce que pour le moment, on se dit juste qu’on a de la chance d’avoir ce nouvel os à ronger, et que la concurrence, si d’aventure il en existe une, ne s’en remettra pas. Non seulement parce qu’on a retrouvé tout ce qu’on avait finalement perdu, mais aussi parce que Kevin Shields se paye  le luxe, avec nothing is et surtout wonder 2, hallucinante tempête sonique, d’explorer des territoires sonores encore jusque là inexploités par son cerveau malade, ni par aucun autre, d’ailleurs. À l’image de l’artwork de ses albums, My Bloody Valentine, s’il ne change pas vraiment de style, change toutefois de coloris. Une fois n’étant pas coutume, on se sentira donc proche de l’anecdotique Sébastien Tellier : oui, en 2013, My God Is Blue.

Audio

Tracklist

My Bloody Valentine – m b v (2013)

01. she found now
02. only tomorrow
03. who sees you
04. is this and yes
05. if i am
06. new you
07. in another way
08. nothing is
09. wonder 2