Zero Dark Thirty : Polémique de l’année

Publié le 10 février 2013 par Unionstreet

Zero Dark Thirty c’est le nouveau film de Kathryn Bigelow, réalisatrice revenue de loin lors du triomphe aux Oscar de son précédent film : Démineurs. Et une chose est sûre, Démineurs a changé sa manière d’appréhender un film, une actualité. Bien loin de Strange Days et Point Break, Kathryn, auréolée de l’Oscar du meilleur réalisateur (première fois décerné à une femme) se lance dans un scénario ô combien brûlant : la traque d’Oussama Ben Laden.

Rarement le cinéma américain n’avait osé se mouiller sur un sujet sensible et si récent. Elle tente à chaque moment de ne montrer que la vérité, rien que la vérité, en dressant un portrait sans concession et sans aucun points de vue. Et rien n’arrêtera la réalisatrice, puisque durant le tournage elle apprend l’assassinat du terroriste par un commando américain. Tant pis, elle remaniera son film mais il sortira en salles en incluant la mort de l’ennemi numéro un des USA. Et tant pis si le film sera l’oeuvre d’une immense polémique. Car si l’on doit reconnaître une qualité à madame Bigelow il faudrait retenir sa ténacité. Son tournage n’a pas été de tout repos, puisque une partie des décors ont été reconstruit grandeur nature en Inde et ont été l’objet de manifestations locales se plaignant du tournage. Puis le film a été taxé d’être pro-Obama. Enfin, les scènes de tortures ont crée un tollé aux Etats-Unis, la presse accusant la réalisatrice d’affabuler sur les pratiques de la CIA, notamment le Waterboarding, torture présentée dans le film. Pourtant sous Bush cette pratique a été maintes fois utilisée pour faire parler le numéro 3 d’Al-Quaida. Pratique qu’un ancien directeur de la CIA (entre 2009 et 2011) a reconnu.

Mais comment le film peut agir sur le public français qui, a priori, sera moins enclin à crier au scandale. Car Zero Dark Thirty n’est rien d’autre que le « Le récit de la traque d’Oussama Ben Laden par une unité des forces spéciales américaines…« . Une longue traque. Le film commence fort avec de vrais enregistrements de victimes lors des attentats du 11 Septembre 2001. Ecran noir et ambiance très dure dès les premières secondes. Le ton est lancé, la réalisatrice va surprendre et ne pas utiliser des images trop vues. Aussitôt nous passons à une scène de torture. Le film commence donc de manière forte avant de devenir un long film d’enquête qui se fixe sur le personnage interprété par Jessica Chastain : Maya. Son voeux le plus cher ? Faire tuer Oussama Ben Laden. Jessica Chastain joue une femme qui met sa vie entre parenthèses une dizaine d’années afin de traquer le terroriste. Elle aura l’information qui permettra de le retrouver. Jamais la réalisatrice tente de mettre en lumière le passé ou les relations externes à la CIA de son personnage. Nous ne sommes confrontés qu’à l’enquête et rien d’autre. Maya est pourtant un personnage essentiel puisqu’il est le rouage qui va amener à la scène finale. Au final cette idée est la bienvenue puisque film gagne en puissance et va à l’essentiel.

Alors nous savons tous comment le film se termine, et je ne parlerai pas de la lenteur de l’enquête ponctuée de quelques attentats (ceux de Londres notamment), pour revenir au travail de la réalisatrice. Ses images numériques sont belles mais sa mise en scène n’est en rien transcendante. Sauf pour la dernière demie heure avec une scène de prise d’assaut en vision nocturne, presque en temps réel, à couper le souffle et qui fait naître une tension dingue chez le spectateur. Une scène dont on reparlera à la fin de l’année dans plusieurs tops. Sa mise en scène et son travail mérite à coup sûr d’être récompensés pour cette attaque finale qui vaut tout les autres films d’action. Une efficacité totale qui fera date.

Du fait, on pardonne bien volontiers à Kathryn Bigelow d’avoir fait baisser notre attention durant le film. Et nous saluons le courage de réaliser un film traitant d’un tel sujet ainsi que le travail du scénariste Mark Boal. Un film polémique que certains jugent non nécessaire mais que d’autres, comme moi, trouvent passionnant. Le plan final sur Jessica Chastain rentrant chez elle en larme restera en tête des spectateurs lessivés par une telle aventure, si confidentielle, qu’elle paraît ne pas être inspirée de faits réels. Sensation ahurie comme quand les soldats regardent dans l’hélicoptère la bâche recouvrant la carcasse d’Oussama Ben Laden. Trop gros pour y croire. Et pourant…

Aventurant son film entre documentaire brûlant et fiction passionnante, Kathryn Bigelow ne vivra sûrement pas un second sacre aux Oscar, mais qu’importe : elle tient le film le plus important de sa carrière, et un film de guerre moderne déjà majeur. Et il est fort à parier que Jessica Chastain remporte l’Oscar de la meilleure actrice.

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