La démission révolutionnaire du pape Benoît XVI : sans précédent depuis près de six siècles !

Publié le 11 février 2013 par Sylvainrakotoarison

Accusé d’être d’une autre époque, le pape actuel, au contraire de son prédécesseur, donne sa marque dans une pratique révolutionnaire, moins sacralisée et plus libre, plus honnête et plus modeste, de son ministère : élu à vie, le renoncement à la papauté a été extrêmement rare dans l’histoire du christianisme. Il est le troisième pape à avoir renoncé à ses fonctions.
Une conception moderne de la monarchie encourage l'abdication en raison du grand âge. C'était d'ailleurs ce que venait de faire la Reine des Pays-Bas Beatrix à 75 ans le 28 janvier 2013, annonçant son abdication pour le 30 avril 2013 en faveur de son fils aîné Willem-Alexander.

Le pape Benoît XVI a ainsi annoncé sa démission au Vatican avec ces mots : « Après avoir examiné ma conscience devant Dieu, à diverses reprises, je suis parvenu à la certitude que mes forces, en raison de l’avancement de mon âge, ne sont plus aptes à exercer adéquatement le ministère pétrinien. Je suis bien conscient que ce ministère, de par son essence spirituelle, doit être accompli non seulement par les œuvres et la parole, mais aussi, et pas moins, par la souffrance et par la prière. Cependant, dans le monde d’aujourd’hui, sujet à de rapides changements et agité par des questions de grande importance pour la vie de la foi, pour gouverner la barque de saint Pierre et annoncer l’Évangile, la vigueur du corps et de l’esprit est aussi nécessaire, vigueur qui, ces derniers mois, s’est amoindrie en moi d’une telle manière que je dois reconnaître mon incapacité à bien administrer le ministère qui m’a été confié. C’est pourquoi, bien conscient de la gravité de cet acte, en pleine liberté, je déclare renoncer au ministère d’Évêque de Rome, Successeur de saint Pierre, qui m’a été confié par les mains des cardinaux le 19 avril 2005, de telle sorte que, à partir du 28 février 2013 à vingt heures, le Siège de Rome, le Siège de saint Pierre, sera vacant et le conclave pour l’élection du nouveau Souverain Pontife devra être convoqué par ceux à qui il appartient de le faire. » (11 février 2013).

Le 4 juillet 1415, le pape Grégoire XII donnait sa démission de pape à l’âge 90 ans. Élu pape le 30 novembre 1406 dans un contexte de grande division de l’Église (avec des antipapes à Avignon et à Pise), il renonça à la papauté pour réunifier l’Église catholique après la déposition de l’antipape Jean XXIII (pas celui du Concile Vatican II) le 29 mai 1415. Son successeur Martin V, accepté par tous, ne fut élu que le 11 novembre 1417, soit quelques semaines après la mort de Grégoire XII.

C’était la dernière fois qu’un pape avait donné sa démission. L’actuel pape Benoît XVI donnera lui aussi sa démission de pape le 28 février 2013. L’information a été annoncée ce lundi 11 février 2013 à midi et a étonné le monde entier par sa détermination et sa fulgurance.

Benoît XVI est le successeur de Jean-Paul II, ce qui fut un lourd héritage tant médiatique que politique.


Il a été élu 265e pape dans un grand consensus le 19 avril 2005 à 17h56. Né le 16 avril 1927 en Bavière, ordonné prêtre le 29 juin 1951, docteur en théologie le 11 juillet 1953, consacré évêque le 28 mai 1977 et créé cardinal le 27 juin 1977 par Paul VI, Joseph Ratzinger était, à la mort de Jean-Paul II, le plus ancien des cardinaux présents au conclave, l’un des deux cardinaux survivants nommés par Paul VI. Il fut aussi le pape le plus âgé depuis Clément XII (élu le 16 juillet 1730 à 78 ans) et le premier pape allemand depuis Victor II (mort le 28 juillet 1057).

Malgré son grand âge (élu trois jours après son 78e anniversaire), Benoît XVI n’aura pas été un pape de transition, avec presque huit années de pontificat. Aspirant à préserver le dogme de l’Église (sujet qu’il a étudié toute sa vie), il n’est jamais vraiment parvenu à retrouver le charisme de son prédécesseur même si les foules l’attendaient régulièrement à ses déplacements, même à Paris ou à Cologne.


Un peu extérieur de la société moderne, peu porté par le goût du pouvoir, Benoît XVI n’a pas hésité pourtant à se montrer audacieux en condamnant à la fois le communisme et le capitalisme, en se focalisant sur la pauvreté, sur la faim et sur la paix dans le monde. Ses trois encycliques montrent à la fois une très grande densité intellectuelle mais aussi une très grande tolérance et ouverture vers le monde des plus humbles : "Deus Caritas Est" (Dieu est Amour) le 25 décembre 2005, "Spe Salvi" (Sauvés dans l’Espérance) le 30 novembre 2007, et "Caritas in Vertitate" (L’Amour dans la Vérité) le 29 juin 2009.

Benoît XVI ne démissionne pas pour des raisons schismatiques comme Grégoire XII. Sa décision peut apparaître en revanche d’une grande sagesse et permettre une modernisation des institutions catholiques qu’attendent beaucoup de fidèles.

Son prédécesseur Jean-Paul II, souffrant d’une maladie douloureuse qui avait rendu médiatique le fait qu’il n’était pas indigne d’être malade, avait refusé obstinément de démissionner car il considérait ses fonctions comme un devoir de Dieu et il voulait attendre, pour s’en décharger, que Dieu le rappelât à Lui.

Cela n’était cependant pas sans contradiction avec la règle qui veut qu’un évêque doit être mis à la retraite le jour de ses 75 ans et qu’un cardinal de plus de 80 ans ne peut ni être électeur ni être éligible pour devenir pape.

Benoît XVI a peut-être pris sa décision parce qu’il avait 85 ans, l’âge de Jean-Paul II à sa mort. Ne pas vouloir aller au-delà, servir aussi, par ce précédent historique, de modèle à ses successeurs. Car il sera de plus en plus courant, désormais, de mourir au-delà de 90 ans voire 100 ans et ce n’est pas raisonnable que l’Église puisse être animée par une personnalité d’un autre âge, d’une autre époque.


Le porte-parole du pape, le père Frederico Lombardi, a précisé que le nouveau pape devrait être élu pour Pâques, à savoir le 31 mars 2013. Benoît XVI ne participera pas au concile et après un séjour dans la résidence d’été des papes de Castel Gandolfo, près de Rome, il se retirera dans un monastère dans l’enceinte du Vatican.

À ce jour, le Sacré Collège qui rassemble l’ensemble des cardinaux, compte 209 cardinaux depuis le décès du cardinal polonais Josef Glemp (le 23 janvier 2013) et celui du cardinal italien Giovanni Cheli (le 8 février 2013), dont 118 cardinaux électeurs (moins de 80 ans). La majorité de deux tiers est indispensable pour être élu, soit 80 voix.

Je salue cet acte courageux et plein de bon sens, celui de ne pas attendre d’être complètement inapte pour arrêter d’exercer ces hautes responsabilités. Pour la première fois, le nouveau pape sera élu alors que son prédécesseur sera toujours vivant.

Sa devise papale était : « Nos ergo debemus sublevare huiusmodi, ut cooperatores simus veritatis » qu’on peut traduire par : « Nous devons aider de tels hommes et être avec eux les artisans de la vérité » (3 Jean 1.8).

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 février 2013)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
50 ans après Vatican II, la nécessité d’un nouvel aggiornamento.
Benoît XVI et le préservatif : premier pas (22/11/2010).
Jean-Paul II : N’ayez pas peur… de pardonner !
Le pape Benoît XVI à Paris : une foule inattendue aux Invalides (15/09/2008).
Expérimentation sur l’embryon humain.
La Passion du Christ : petites réflexions périphériques.
Caritas in Veritate (2009) par Benoît XVI.
Spe Salvi (2007) par Benoît XVI.
Deus Caritas Est (2005) par Benoît XVI.


http://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/la-demission-revolutionnaire-du-130497