[Critique] PASSION

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : Passion

Note:
Origine : France/Allemagne
Réalisateur : Brian De Palma
Distribution : Noomi Rapace, Rachel McAdams, Karoline Herfurth, Paul Anderson, Rainer Bock, Benjamin Sadler, Michael Rotschopf…
Genre : Thriller/Remake
Date de sortie : 13 février 2013

Le Pitch :
Isabelle travaille pour Christine, une jeune femme autoritaire, au sein d’une multinationale spécialisée dans la publicité. Fascinée par sa patronne, Isabelle est néanmoins choquée le jour où cette dernière s’approprie les mérites de son travail, pour le compte d’une marque de téléphonie mobile. Commence alors un jeu de manipulation et de faux-semblants entre les deux femmes…

La Critique :
Les années 2000 n’ont pas été tendres avec Brian De Palma. Un génie, héritier du grand Alfred Hitchcock, qui a bien du mal à s’imposer depuis les échecs successifs de Mission to Mars, Femme Fatale et Le Dahlia Noir. Des échecs artistiques et commerciaux qui poussèrent nombre de ses fans à se désintéresser de ses nouvelles productions. Et cela même si son récent Redacted, sorte de suite indirecte d’Outrages, a quelque peu nuancé favorablement la chose.
Un constat accablant qui encourageait une certaine méfiance envers Passion. Une méfiance renforcée par une bande-annonce pas folichonne, un titre digne d’un roman de Barbara Cartland et une affiche qui relève de l’amateurisme. Le film, pour sa part, confirme dans l’ensemble nos craintes…

Alors soyons clair. Passion n’est pas un immonde navet non plus. Les actrices notamment, sont toutes les deux très convaincantes. Noomi Rapace est comme à son habitude excellente, tout comme Rachel McAdams, qui laisse la vulnérabilité au placard, pour endosser les frusques d’un personnage dictatorial et manipulateur. Leur jeu, parfois outrancier, n’est probablement dû qu’à une direction d’acteurs un peu à la ramasse et de tout façon, c’est cohérent. Aussi séduisantes qu’investies, les deux comédiennes font ce qu’elles peuvent et arrivent à s’en sortir avec les honneurs. Ce qui n’est pas forcement le cas des autres comédiens, à commencer par Rainer Bock, qui semble tout droit sorti d’un épisode de Derrick.
Et d’ailleurs, en parlant de Derrick, difficile de ne pas penser à l’inspecteur allemand à la vision de ce film. L’intrigue, adaptée du film d’Alain Corneau, Crime d’amour, est cousue de fil blanc et de toute façon De Palma semble s’en moquer tant il traite les ressorts (éculés) scénaristiques de Passion par-dessus la jambe. En témoigne le dernier plan, un peu aux fraises quand même. Derrick toujours, pour ce qui est de l’une ambiance, digne d’un téléfilm érotique de troisième partie de soirée. Seule la réalisation de De Palma, portée par ses fameux gimmicks immuables (le split screen et compagnie), prouve que le film n’est pas signé par un tâcheron de seconde zone. Le reste n’est que froideur chirurgicale et effets de lumière à côtés de la plaque. La lumière justement, parlons-en. Dans Passion, elle souligne les tonalités. Quand les choses vont mal, les protagonistes évoluent dans des pièces éclairées au travers de stores et quand la sexualité des rapports ambigus devient palpable, l’écran est baigné d’une clarté flagrante. Avec ses ampoules, De Palma indique de manière grossière au spectateur comment il doit prendre la chose, au cas où ce ne serait pas assez clair. Et clair, ça l’est pourtant.
Avec Passion, De Palma semble vouloir imposer une œuvre révolutionnaire, alors qu’en fait, il ne fait que du recyclage. Il recycle non seulement un métrage français de Corneau, mais aussi l’intégralité des effets qui ont bâti sa légende. Le tout au sein d’un film qui malgré tout apparaît déjà daté et souvent à la ramasse. Un peu comme si il voulait bien nous confirmer qu’il a encore la patate et qu’il est bien le seul à pouvoir encore aujourd’hui se targuer d’être le digne héritier d’Hitchcock.
La manœuvre est grossière et même franchement agaçante, en fin de bobine quand le film devient poussif et ennuyeux.

Bloqué dans les années 70/80, où, avec des films comme Pulsions, Blow Out ou Body Double, il régnait sur un genre qu’il maitrisait à merveille, De Palma est aujourd’hui en pilotage automatique. Sa dernière réalisation est trop désincarnée. Pas assez sulfureuse également, surtout si on se fie à la campagne promo. Le maitre reste sage, effleure tout juste ses thématiques et, on le répète, de toute façon, donne franchement l’impression de s’en foutre comme de son premier travelling.
Financé par Apple et par Panasonic (beaux placements de produits), Passion ne déclenche pas vraiment les passions (hum hum…). A contrario, il éprouve l’image de son auteur, même si tout n’est pas mauvais. N’oublions pas de qui on parle. Même si ce n’est pas évident, Passion est un film de Brian De Palma. Le mec de Scarface, Carrie et L’Impasse. Un grand. Un génie… à la retraite.

@ Gilles Rolland

Crédits photos : ARP Sélection