Tombstone blues, un dernier verre pour Doc Holliday

Publié le 14 février 2013 par Petistspavs

Juste pour le plaisir, parce que je rentrais des courses heureux, avec ce titre en tête, entre les oreilles, le rock de Dylan coulant en moi comme du feu.

Well, I might look like Robert Ford
But I feel just like a Jesse James.

Dylan reviendra sur le mythe des Frères James ("the ghost of BelleStar...") dans Tombstone blues, sur l'album suivant, Highway 61 revisited. Tombstone où eût lieu la célébrissime "fusillade d'OK Corral" ou encore Gunfight at the OK Corral (en français, Réglement de comptes à OK Corral), que je viens de revoir sur TCM, dans une impeccable version HD. A mon avis, la remastérisation numérique des films en HD passe beaucoup mieux à la télévision qu'au cinéma, le gommage numérique des blessures de la pellicule ayant un effet lifting sur l'image projetée sur un grand écran, mais ce n'est qu'un avis.
OK Corral est un de ces films qui ont animé mon enfance, qui m'ont fait jouer aux cow-boys, je me souviens, c'était un dimanche après-midi et en revenant dans le jardin de Créteil, j'étais tous les personnages positifs du film, je tirais à coup sûr, j'anéantissais les salauds, comme il m'arrive d'avoir envie de le faire encore aujourd'hui.


Des nombreux films évoquant le fameux gunfight, celui de John Sturges est mon préféré, malgré le très beau La poursuite infernale (traduction française de My Darling Clementine...) de John Ford dans lequel Henry Fonda (qui fut le Young Mister Lincoln pour le même John Ford, probablement plus convaincant que le Daniel Day) fut un Wyatt Earp plus que convaincant. Il est vrai que, malgré un regard bleu acier qui accroche incroyablement la lumière des studios, Burt Lancaster est un Earp un peu sage et singulièrement mal coiffé. Heureusement, son brushing ne résiste pas au combat final. Kirk Douglas est, de son côté, un Doc Holliday mythique. Il est le vrai Doc Holliday (l'interprétation de Victor Mature, trop sain pour faire croire à ce magnifique héros fitzgeraldien, alcoolique, sanguin et philosophe, suicidaire mais sans affectation, était le maillon faible du très grand film de Ford). Kirk Douglas, tyrannique sur le plateau, selon la légende, ne dédaignait pas les rôles ambigus. Et il est un Doc Holliday particulièrement ambigu.

Ce film qui signe une sorte de crépuscule du western américain (en 1956, de nouveaux réalisateurs doués s'emparaient du genre - dont John Sturges, également Delmer Daves, Henry Hataway -, sans le génie de leurs prédécesseurs, Ford, Hawks, Walsh, Mann etc.) n'est pas sans évoquer, dans certains moments forts, le somptueux Hign noon ( Le train sifflera trois fois) dont il a été question ici il y a quelque temps. Des images précises d'OK Corral évoquent précisément High noon (une femme refusant que l'homme qu'elle aime aille jusqu'au bout de son devoir, un

combat difficile pour le droit, une arme, une étoile jetés au sol, au grand désespoir de John Wayne et, dans les deux films, la lancinante musique de Dimitri Tiomkin qui épouse le développement du drame), mais le film de Sturges n'a en rien la densité lourde de sens du film de Fred Zinneman. Et Burt Lancaster n'est pas Gary Cooper. C'est assez drôle de penser que les deux acteurs se sont retrouvés, sous la direction de Robert Aldrich dans un western tout à fait atypique, Vera Cruz (image de gauche) dans lequel Lancaster, si sage en Wyatt Earp, incarnait un beau sauvage, tout vétu de noir, au sourire ravageur et aux cheveux fous, près d'un Cooper raisonnable, bien coiffé, quoique pris par l'ivresse de l'or.

J'aime infiniment le cinéma, j'aime infiniment le cinéma de genre, notamment le western et le film noir, autant dire que j'aime infiniment le cinéma hollywoodien et que c'est pour moi une souffrance quotidienne de constater ce que les banques et les multinationales qui se sont payé Hollywood au prix d'un hamburger sont en train d'en faire (oui, en faire rime avec enfer). Le film qui banalise le grand Hitch en exploitant le personnage que Sir Alfred avait imaginé, sans doute pour vaincre ses complexes, me fait vomir. Je ne relis pas, j'envoie.

Quoique, rien à voir,
Mais à voir

Pourquoi un bonheur, comme revoir OK Corral, arriverait seul ?