Un héritage africain

Publié le 15 février 2013 par Detoursdesmondes


Début février 2012. Salvador de Bahia se prépare pour le carnaval. Le Pelourinho se pare de couleurs bigarrées et les musiques commencent à emplir le fond sonore des ruelles et des places.
Pourtant au calme, derrière une imposante façade de la place Terreiro de Jesus, sommeille la faculté de médecine qui fut la première du Brésil et qui abrite aujourd’hui trois musées : Le mémorial de médecine, le musée d’ethnologie et d’archéologie et le musée afro-brésilien.


C’est dans ce dernier musée, bien modeste, que nous allons retrouver des objets, témoins des racines culturelles communes du Brésil et de l’Afrique.
La diversité des religions afro-brésiliennes est en effet la marque des apports hérités des cultures Fon, Yoruba et Kongo.
Peu de belles pièces Fon et de pâles copies Kongo sont présentées dans le musée mais les masques Yoruba emplissent l’espace avec leurs couleurs presque neuves.
Les Yoruba constituent un peuple encore important de nos jours qui vit dans la partie Ouest du Nigeria et au sud-est du Bénin ; et le Brésil, qui est le pays qui reçut le plus grand nombre d’Africains pendant la traite, compte de nombreux descendants d’esclaves Yoruba. Précisément à Salvador de Bahia, la religion d’origine Yoruba est restée très complète sur le plan mythique et rituel et son panthéon avec ses orishas, ancêtres déifiés se déploient sous la forme brésilienne de dizaines d’entités orixas.
Dans le musée, de nombreux objets les évoquent : des bâtons de danse Oxe Xango rappelant le violent et coléreux roi d’Oyo, devenu « dieu » du tonnerre ou encore de curieux ornements formés de petits personnages d’où pendent des cauris et des pièces de monnaie en l’honneur d’Exu, personnage ambigu et espiègle, apparaissant pour provoquer les hommes et les questionner afin de trouver la vérité. Il est le messager d’Ifa qui constitue une divinité majeure car elle sait le passé, le présent et l'avenir. Or la divination Ifa, si elle est encore très présente au sein des communautés Yoruba d'Afrique, elle l’est aussi dans les croyances afro-brésiliennes (Lukumi, Candomblé…).
Mais ce sont les masques Gelede qui retiennent l’attention.
Pas de lien direct avec les mascarades qui vont se dérouler à l’extérieur, mais une croyance fortement ancrée sur les deux continents : celle de la dangerosité des femmes.
Les Gelede sortent dans le cadre de mascarades dédiées aux femmes dans leur dimension maternelle, celles-ci étant (aux yeux des hommes) des êtres ambivalents. Peut-être parce qu’elles détiennent cet extraordinaire pouvoir de donner la vie, apparaissent-elles comme des sorcières en puissance !
Les mascarades Gelede ont donc pour but de restaurer l’harmonie sociale que les « Mères » pourraient troubler par leur exceptionnelle énergie vitale, les ancêtres sollicités amadouent alors la partie féminine de la société. Elles sont précédées de grandes cérémonies de nuit au cours desquelles la parole est libre et qui sont, de nos jours, des fêtes où se jouent comédies et satires.
La culture brésilienne est totalement empreinte de cet esprit de fête, et à Salvador de Bahia, plus qu’ailleurs, pratiques artistiques et religieuses rappellent tous les jours l’héritage africain comme un marqueur fort de l’identité du Brésil.
Photos de l'auteure : Salvador de Bahia, février 2012.