Témoignage d’Olivier, père d’une nageuse de compétition sur la relation entre parent et sportif

Publié le 17 février 2013 par Sportpsy @sportpsy



Après mon article « Le sportif et ses parents: une relation complexe », je vous propose un témoignage d’un père d’une nageuse de compétition qui nous raconte son expérience et ses difficultés à se positionner par rapport au projet sportif de sa fille Olivia, 14 ans. Je précise que ce témoignage est anonyme et que les prénoms ont été modifiés pour conserver cet anonymat.

Quel est votre parcours sportif? Et avez-vous transmis cela à vos enfants?

J’ai été un bon joueur de football, passionné par le sport en général et dans ma famille on m’a toujours transmis les valeurs du sport. J’ai eu deux filles, qui ont deux années d’intervalle et je ne les ai pas poussé à faire du sport de compétition particulièrement. J’ai inscrit ma plus grande fille en natation pour une raison pratique de savoir nager et puis elle a aimé cela. Alors sa petite soeur Olivia, a démarré de la même manière mais elle a très vite montré plus d’intérêt et aussi une aptitude particulière selon son entraîneur.

Quel est le parcours sportif de votre fille?

Je dirais qu’il est classique. Après les premières compétitions, elle a très vite eu des bons résultats et ensuite elle s’est dirigée au collège vers un sport-études, bien que j’étais réticent au départ puisque j’avais peur de la cadence et aussi du niveau d’étude. Mais j’ai été assez vite rassurée. La difficulté était plutôt qu’elle était interne et je ne la voyais plus que le week-end.

Comment avez-vous vécu personnellement ses résultats? 

Par procuration! J’étais heureux qu’elle réussisse et je la voyais s’épanouir dans la natation, même si je me rendais compte que c’était un sport hyper exigeant. Je la suivais dans les compétitions dès que je le pouvais et très vite je me suis pris au jeu et me suis mis à fond dans son projet.

Avait-t-elle comme projet de poursuivre le sport à haut niveau?

Je ne sais pas vraiment. Elle ne le disait pas clairement mais au vu de ses résultats et puis aussi de ses entraîneurs qui me disaient qu’elle avait du potentiel, j’avais vraiment confiance en elle et j’étais prêt à sacrifier du temps et de l’argent pour qu’elle réussisse.

Est-ce que la natation est devenu un projet familial?

En quelque sorte. Enfin, j’étais le seul de la famille à m’impliquer plus personnellement. Ma femme était en dehors de cela car elle n’était pas spécialement sportive et mon autre fille avait arrêté assez tôt la compétition de natation car elle n’était pas assez passionnée.

Le week-end, quand Olivia était là, je la bombardais de questions sur ses entraînements, sur son quotidien, sur son entraîneur, son suivi alimentaire. Je m’inquiétais un peu car elle était loin et je ne pouvais pas directement l’observer. Puis lors des compétitions, nos conversations tournaient essentiellement autour de la natation.

A quel moment vous êtes vous rendu compte qu’Olivia avait des difficultés avec votre implication?

C’est venu au fur et à mesure. Je ne me suis pas réellement rendu compte que j’étais trop impliqué dans son sport. Je me disais passionné avant tout et puis la compétition est quelque chose de grisant aussi! Puis un jour son entraîneur m’a appelé pour prévenir qu’Olivia pleurait après chaque séance, et même qu’elle avait refusé de s’entraîner plusieurs fois.

Comment avez-vous pris cette nouvelle?

Mal. Je me disais que ma fille qui avait du talent allait peut être arrêter la natation alors qu’elle avait un bel avenir devant elle. Je ne comprenais pas pourquoi elle allait mal d’un coup et puis les performances ont aussi commencé à être moins bonnes.

Avez-vous discuté avec elle?

Oui. Je lui ai demandé ce qui n’allait pas, si le rythme était trop dur, si elle avait envie d’arrêter. Mais le dialogue était difficile. En lui posant ces questions, je pense que je l’embêtais encore plus alors qu’elle n’avait peut être pas envie de m’en parler à moi. Elle ne m’écoutait plus vraiment et je n’arrivais pas à trouver le bon message pour la faire réagir.

Qu’avez-vous décidé de faire pour gérer ce problème?

Nous avons été voir un médecin pour voir s’il n’y avait pas de problèmes médicaux particuliers et il nous a dit qu’elle était dans un état de grande fatigue, ce qui pouvait expliquer qu’elle pleurait souvent et qu’elle avait moins envie de s’entraîner. L’entraîneur, qui peut être connaissait mieux son mal être que moi, m’a conseillé de l’arrêter pendant deux semaines et de couper par rapport aux entraînements pendant les vacances de Pâques.

Comment avez-vous donc réagi pendant ces deux semaines?

Disons qu’elle m’a fait une demande sous forme de consigne «de ne pas parler de natation pendant ces deux semaines». J’ai pris cela assez mal dans un premier temps et puis après quelques jours je me suis dit que c’était un message «clair» de sa part, qu’elle n’avait peut être plus envie que je m’immisce dans son sport. J’ai réussi à tenir ce pari bien que c’était assez compliqué pour moi.

Pourquoi était-ce si compliqué pour vous?

Parce que je me suis rendu compte que nos discussions tournaient toujours autour de la natation, des résultats, de son comportement et que je n’avais pas d’autre lien que celui du sport depuis plusieurs années. C’était un constat assez amer aussi pour ma part. De me rendre compte que je n’avais vécu qu’avec ma fille à travers son sport. C’était une remise en question.

Qu’avez-vous tiré comme leçon de cette période?

Que je n’étais pas à ma place! J’avais tenté sûrement d’occuper la place du coach, de lui donner des conseils dans un sport que je ne connaissais pas vraiment. Et surtout que je n’avais pas réussi à être un père, celui qu’elle aurait sûrement aimé avoir dans les moments plus difficiles, à l’écouter parce qu’elle n’allait pas bien par exemple. Je me préoccupais bien sûr de son bien être, mais c’était principalement à travers le sport. J’ai compris qu’il fallait que je sois là pour les autres choses que le sport et j’ai ouvert le dialogue avec elle.

Que vous a-t-elle dit alors?

Elle m’a confirmé mon constat! Elle avait ressenti d’un seul coup beaucoup de pressions sur ses résultats, qu’elle pensait qu’elle n’avait pas le droit à l’erreur et puis surtout ce qui a été le plus dur à entendre et qu’elle se disait que la vie de famille tournait autour d’elle. Elle se rendait compte que l’ambiance était moins bonne dès qu’elle ne réussissait pas et que c’était donc plus un plaisir de vivre dans cette ambiance. A la limite, elle ne voulait pas rentrer à la maison si elle n’avait pas réussi. Et c’est justement en faisant des mauvaises performances qu’elle a réussi à nous faire prendre conscience de cela.

Est-ce que vous avez cherché de l’aide à l’extérieur?

Oui et non, j’ai surtout discuté avec l’entraîneur et puis un ami qui voyait ça de l’extérieur a utilisé une image qui a été parlante pour moi! Il m’a dit que c’était comme si j’offrais un super cadeau à Olivia pour Noël et qu’au final que je ne lui laissais pas jouer avec! Et que ce super cadeau qui était un plaisir à la base devenait en quelque sorte frustrant car je me l’accaparais! Je crois que c’est une bonne image!

A-t-elle décidé de continuer la natation?

Oui. Après ces deux semaines de repos et des discussions, elle a décidé de réintégrer le centre d’entraînement. Mais je crois qu’elle avait besoin de cette mise au point entre nous pour avancer. D’ailleurs je pense que l’entraîneur voulait aussi provoquer cette discussion et que ces deux semaines étaient nécessaires pour passer à une autre étape. J’ai compris que je devais lui faire confiance et même si c’est parfois compliqué pour moi à vivre, je me suis détaché de son projet sportif et je suis heureux qu’elle s’épanouisse plus dans son sport.