Salle 5 - vitrine 5 : tepemânkh - 6. du concept de la table d'offrandes

Publié le 26 février 2013 par Rl1948

   Paroles dites par N. quand il adore la corporation divine qui est dans la double Campagne des Félicités.

Qu'il dise : "Salut à vous, maîtres des subsistances ! 

Je suis venu dans de bonnes dispositions à vos campagnes pour recevoir des aliments ; faites que je parvienne au grand dieu et que je reçoive les offrandes alimentaires que donne continuellement son ka, en pain, bière, viandes, volailles." 

dans Paul  BARGUET,

Le Livre des Morts des anciens Égyptiens 

Début du Chapitre 110,

Paris, Éditions du Cerf, 1967

p. 143

 

 

   Après cette belle émotion suscitée par la très intéressante découverte à laquelle, de conserve avec les inventeurs de la pyramide de Khaye, je vous ai conviés la semaine dernière, amis visiteurs, quittons pour un temps la colline de Gournah et rentrons en Europe, plus précisément à Paris, au Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre où, dans la haute vitrine 5 de la salle 5, nous attend, sur ce bloc de calcaire E 25408 que nous envisageons depuis la rentrée de janvier, la scène du repas funéraire de Tepemânkh.

   Au sein même de mes interventions mais également des réponses apportées à vos commentaires, j'eus l'occasion d'insister sur l'énorme importance accordée, dans les peintures ou reliefs présents sur les parois murales des mastabas d'Ancien Empire, aux besoins de nourriture exprimés par le défunt de manière à garantir sa survie dans l'Au-delà.


   Je vous ai ainsi fait remarquer que, par pure précaution contre une interruption toujours possible du culte familial, cette figuration du premier repas servi le jour de l'inhumation et que, parfois, les égyptologues nomment "banquet", mais aussi la représentation et la liste des aliments ("menu") ainsi qu'une formule d'offrandes parfois plusieurs fois répétée, auguraient pour son Ka, sa "force vitale" - magie de l'image, magie des mots - un perpétuel ravitaillement.
   Enfin, au cas où tout cela n'eût pas encore été suffisant, une dernière éventualité consistait à représenter la même scène dans un encadrement au-dessus de la stèle fausse-porte que les égyptologues appellent "tableau" ; stèle à propos de laquelle, à l'automne 2008, dans la rubrique Décodage de l'image, je vous avais longuement entretenus quand nous avions visité, dans la salle 4 précédente, la chapelle funéraire du mastaba d'Akhethetep.

   C'est en relation avec ce monument de première importance que je voudrais aussi ce matin succinctement évoquer la table d'offrandes.

   En effet, salle 4, dans une alcôve vitrée aménagée dans le mur à la droite de l'entrée de la chapelle d'Akhethetep, nous avions remarqué, exposée devant quelques objets de vaisselle funéraire, sa propre table d'offrandes,

pièce imposante initialement disposée au pied de la fausse-porte par où, remontant du caveau dans lequel il avait été inhumé, le défunt était susceptible de venir recueillir les vivres que membres de sa famille et amis, à dates régulières, se devaient d'apporter.

   Si ce matin, je fais à nouveau allusion à cette pierre de granite rose, c'est simplement pour signaler que ce qu'il est convenu de nommer "table d'offrandes" prit, au cours de l'histoire égyptienne, non seulement des formes et des formats différents mais aussi fut fabriqué dans divers matériaux : en bois, pour les plus anciennes, en métal aussi parfois, et surtout en pierre. 
   Il est toutefois pratiquement certain que dans les tombeaux primitifs, c'était sur une simple natte - celle que l'on retrouve dans le hiéroglyphe de l'offrande (
R 4 dans la liste de Gardiner)

que vous apercevez gravé au centre du bloc ci-dessus - et sur laquelle avait été déposé un pain qui, à lui seul, symbolisait le repas du mort dans sa maison d'éternité.
   Avec le temps, l'évolution des moeurs et des croyances religieuses, cette natte, dont les Egyptiens s'étaient probablement rendu compte qu'inévitablement elle se détériorait, fut remplacée, aux toutes premières dynasties pharaoniques, par un plateau circulaire.

   Et c'est la représentation de ce type de table que nous retrouvons à l'envi sur les murs des tombeaux dont, ici devant nous, celui de Tepemânkh, qui nous retiendra plus particulièrement mardi prochain, le 5 mars, puisque j'escompte placer l'éclairage tout à la fois sur ce qui est posé dessus, en rapport direct avec le début du chapitre 110 du Livre pour sortir au jour que j'ai choisi aujourd'hui en guise d'exergue à mon intervention, et sur ses différentes composantes ...

   A mardi ?

(Cherpion : 1989,  25-82 ; Legros : 2008, 231-52Vercoutter : 1978, 81-100 ; Ziegler : 1990, 258-60)