De la place du porno dans le quotidien de l’homme moderne

Publié le 30 janvier 2013 par Artetmanieres @ArtetManieres

crédit photo NPA Hérault

Après des décennies à tenter d’agiter frénétiquement une passoire devant les premiers samedis du mois de Canal+ en crypté, technique dont il est aujourd’hui avéré qu’elle ne permet en aucun cas d’obtenir une image en clair, nous sommes officiellement entrés dans l’ère du « coïtus publicum », où des exploits sexuels peuvent suffire à construire une notoriété internationale !

Le porno ne se cache plus

Et dire que 3615 ULLA, avec ses silhouettes en pixels verts entremêlés et ses animatrices au langage fleuri avait suffi à nourrir l’imaginaire de générations d’ados en période de découverte de leur anatomie. Il semble aujourd’hui que même la nudité vaporeuse d’Emmanuelle servie dans un écrin d’osier ne suffise plus sustenter l’appétit libidineux des amateurs de films de genre.

Pour les vidéos amateur, c’est pareil. Alors que mon copain JD avait dû redoubler d’ingéniosité pour positionner un caméscope dans l’entrebâillement de sa porte de placard dans le but de se doter d’un Dorcel « home made » à l’insu de sa partenaire, prenant le risque d’être démasqué, que tous ses potes découvrent qu’il pratique l’amour semi-habillé (chemise et chaussettes) ou pire, que sa cassette chrome 30 minutes soit trop courte si d’aventure il dépassait le classique « 5 minutes douche comprise », la mode du « fait-soit-même » ne se satisfait plus de suggestion. Il faut montrer ! « Du cul, du cul, du cul » comme avait dit Ruquier dans une revue de presse.

Déjà que la créativité en berne des publicitaires les avait conduits à nous infliger des filles nues pour nous faire croire que « si tu as la voiture, tu auras la femme » (voir mon billet précédent), il est aujourd’hui avéré qu’en télé, en pub, en mode comme en tant d’autres domaines, pour que ça marche, il faut du sexe. Comme si le sperme était devenu le carburant universel. Cool ! On va pouvoir dire aux chercheurs qu’ils arrêtent de se faire chier avec les énergies renouvelables, les véhicules électriques et la fission nucléaire. On la tient notre énergie du futur.

Les fabricants de papier toilette bientôt côtés au CAC40

Et comme le privé devient public, que les sexualités s’exhibent et quittent le douillet cocon de la chambre (ou de la table du salon), les plus secrets des plaisirs qu’on s’offre à soi-même peuvent enfin être dévoilés au grand jour. Exit les canards de bain pour enfant, le nouveau modèle fonctionne avec deux piles LR6 et glissent des mains pour se loger entre les cuisses ! L’éternel adolescent, héros de Bref scotché à la souris de son ordinateur comme une cliente de la Redoute à la télécommande de son masseur à joue de la page 157, ne fait, lui, pas de détail sur ses visionnages répétés sur youporn. Le rouleau de sopalin fait partie de ses amis intimes.

La téléréalité nous offre les meilleurs moments. Toutes les émissions sont prétextes à programmer du sexe. Les héroïnes de « Pocahonteuse » ou du classique « Viens dans mon slip, on est d’jà quatre » doivent se retourner dans leurs guêpières en latex devant les prestations inachevées des sextapes de Britney Spears, Laure Manaudou ou encore Loana et Jean-Édouard dans la piscine ! Franchement, quitte à faire des films X, autant les faire bien. Alors que tant de sociétaires de la Comédie Française en puissance tentent de se faire remarquer en exhibant leurs ébats et pénétrer le joyeux monde du coït à la chaîne, les pros, eux, rêvent d’en sortir. Qu’on se le dise, les héros du X sont des gens comme les autres. Brigitte Lahaie prône la fidélité, Katsuni commande des rouleaux de printemps sur alloresto après une partouze et Rocco Sifredi tente d’équilibrer sa filmographie riche de 500 pornos avec des films où son texte est enfin plus long que son pénis. Bon ok, y’a encore un peu de travail. Il en a fait 5…dont 2 de Catherine Breillat. Ça compte quand même ?

L’éducation sentimentale, où quand Dorcel remplace Balzac au programme de 3ème

La femme mûre aussi a droit à son émotions. Sa consommation de chair fraîche n’ayant pas encore atteint un niveau décent malgré les 50 nuances de Grey et ses étreintes passionnées, le grand Marc Dorcel a décidé de conquérir ce nouveau marché. Avec dorcelle.com (vous avez vu la nuance, il a mis « lle » pour féminiser son nom), les filles ont enfin leur portail du sexe. Il y a juste un petit problème. La variété des rubriques n’est pas encore au rendez-vous. Là où les hommes disposent d’une menu plus étoffé qu’au Mac Do, les filles n’ont pas encore trouvé l’équivalent des « perles d’Afriques », « teens », « gang bang », « amateur » ou « gonzo ».

Qu’à cela ne tienne, on est sur le bon chemin pour enfin convaincre les jeunes que le porno c’est la vraie vie et que si à 50 ans tu n’as pas ton escort attitré au Carlton de Lille, t’as raté ta vie. Et ça commence tôt ! En Seine-Maritime, bravant le puritanisme de façade des parents d’élèves, une enseignante a subtilement remplacé le dessin animé prévu à la projection pour les maternelles par une classé X dont les 5 minutes de diffusion ont certainement plus fait pour enfin apporter une réponse à la sempiternelle question de « comment on fait les bébés ? » que des années d’explications alambiquées à base de fleur, d’abeille, de choux et de roses. Quand on sait que ladite enseignante avait téléchargé le film sur internet, on en sait plus sur le contenu de sa vidéothèque personnelle… Même le puritain Apple y est allé de son application spéciale « sex for teens » avec Vine, appli dédiée aux vidéos courtes que les premiers utilisateurs se sont empressés de transformer en foire aux sextapes.

La nouvelle génération est prête, n’en doutons pas. Si les films de famille se bornaient trop souvent à l’accouchement, on peut penser que les visionnages du dimanche devraient rapidement nous proposer des images de la conception