Festival Chorus II. Portrait de Keren Ann.

Par Anne-Laure Bovéron
D’un pas décidé, entourée de ses trois musiciens, Keren Ann se faufile jusqu’au devant de la scène. Prise de possession de la scène entière, immédiate. Mais sans prétention. La musique démarre dans la foulée, comme pour ne pas perdre une seconde, une miette d’un seul couplet. En débardeur noir, jean et créoles scintillantes, la chanteuse pose les premiers couplets de « The Harder Ships of the World». Le public l’ignore encore, mais elle le convie ce soir à une échappée anglophone, un voyage entre son dernier album « Keren Ann » et « Not Going Anywhere » (2004). Deux entorses cependant à la langue de Shakespeare. L’envoûtant « Que n’ai-je ? » de l’album « Nolita ». Puis le mot du cœur : le titre « Jardin d’hiver » en hommage à Henri Salvador, qui devait initialement clôturer le festival le 12 avril. La jeune femme lui avait écrit cette chanson pour l’album « Chambre avec vue » qui a assuré son retour gagnant en 2001.
Keren Ann oscille entre morceaux mélancoliques, langoureux et chansons po rock, rythmées et vivifiantes. Durant la première partie du concert, le temps se suspend aux lèvres souriantes de la jeune trentenaire. Peut-être est-ce sa coupe de cheveux, plus courte, ou l’aboutissement de ses créations, toujours est-il qu’elle semble plus mûre, plus en accord avec elle-même, plus sereine. Et sa tranquillité transparaît dans sa voix, posée, claire et profonde. Sa folk mélancolique berce la salle. Bien décidée à ne pas laisser les spectateurs s’engourdir, l’interprète les harangue « Vous êtes sages… Ne soyons pas trop sages » avant d’entamer “Sailor and Widow” de l’album « Not Going Anywhere » (2004). Les arrangements musicaux très présents sur ce morceau et le flot de la voix de Keren Ann emportent le public, qui bat la mesure du pied ou de la tête. Mission accomplie !
Avec Keren Ann tout n’est que promenade sous un ciel irlandais, tour à tour bleu clair et gris menaçant. Elle déambule avec simplicité, aisance en embarquant dans son sillage les spectateurs. Harmonica et guitare sèche, puis électrique, délires psychédéliques du claviériste, entre les notes et les mots, langueur et nostalgie, douceur d’observer la vie, l’homme. « Not Going Anwhere » frôle avec l’acoustique. Keren Ann et ses trois musiciens ne boudent pas leur plaisir et rivalisent de talent pour enchaîner les accords. Dans ce concert de fin de tournée la chanteuse d’origine israélienne joue de tous ses atouts avec simplicité et bienveillance. Visiblement prête à donner le meilleur d’elle-même et de son groupe, elle donne le la à une pause musicale endiablée nourrit de rock. « Allez, enlevez tous vos vêtements ! On va faire du rock !! » rit-elle. Leurs envolées musicales ne sont pas sans évoquer les morceaux d’anthologie de Pink Floyd. Une heure, un rappel et une évasion toutes en douceurs et en puissance pour les centaines de personnes saisies par le filet de voix de Keren Ann.

Photos
: Claire Berthelemy. Tout droits réservés.