[reportages et rencontres] « Le partage des voix », Annecy, 15 et 16 mars 2013 /I, autour de Béatrice Bonhomme

Par Florence Trocmé


 
Jacques Ancet présente Béatrice Bonhomme 

Un événement organisé dans le cadre du Printemps des poètes par la Maison de la poésie d’Annecy et la bibliothèque d’agglomération Bonlieu, en partenariat avec les Musées de l’agglomération d’Annecy. 
Les rencontres sont animées par Jacques Ancet et Michel Dunand.  
Jacques Ancet poète, écrivain et traducteur. Il réside près d’Annecy. Michel Dunand poète, dirige la maison de la poésie et anime, depuis 1984, la revue «Coup de Soleil» (poésie et art). 
Présentation : Jacques Ancet, le vendredi 15 mars, lors d’un récital a présenté l’œuvre de Béatrice Bonhomme : 
    
 
C’est comme si la mer 
s’était posée 
un instant 
sur tes yeux 
 
Il semble que de cet instant dépende toute l’aventure d’écriture de Béatrice Bonhomme. 
Bien sûr, Béatrice Bonhomme vit à Nice entre montagne et mer, et elle est née à Alger d’un père peintre qui lui donne le goût de la lumière, des couleurs, de la beauté des paysages qui l’entourent et d’une mère conteuse qui, elle, lui donne le goût des mots. Mais ces éléments biographiques s’ils éclairent en partie sa poésie ne suffisent pas à l’expliquer. « Devant le papier l’artiste se fait », disait Mallarmé, et Béatrice Bonhomme s’est faite dans ses livres, une quinzaine à ce jour, poèmes surtout mais aussi récits théâtre et journaux. Sans parler d’un abondant travail d’essayiste (elle enseigne la littérature à l’université de Nice) et the last but not the least son activité de directrice de revue, la revue NU(e) fondée avec Hervé Bosio en 1994 et qui, à chacune de ses livraisons qui sont au nombre de 52 à ce jour, présente un poète contemporain. 
C’est dire l’importance de la présence de Béatrice Bonhomme dans l’espace de la poésie contemporaine d’aujourd’hui et c’est pourquoi nous sommes heureux de l’accueillir ce soir. 
Tout commence donc par la mer et les paysages qui lui sont associés. Mais on pourrait dire aussi bien que tout commence par le bleu : celui de la mer et du ciel, de la terre, de la lumière et des corps. Et avec ce bleu originaire, la nudité — le « nu » comme dit Béatrice, ce Nu qui donne son nom à sa revue. Face aux poètes du noir, Béatrice Bonhomme choisit les poètes du bleu : « je choisis le nu bleu, dit-elle — et je ne sais si dans ce choix joue en moi une réminiscence d’un tableau de Matisse — pour moi le nu est bleu et au matin souvent tout bleu, l’azur demeure ». 
On comprend, dès lors, que la poésie de Béatrice Bonhomme soit une poésie « amoureuse ». Je veux dire par là que l’amour sous toutes ses formes la traverse : amour du ciel et de la mer, amour d’une terre lumineuse et charnelle, amour des corps, amour du langage. Amour, désir de coïncidence. Et le poème, parce qu’il est recherche de cette coïncidence, est aussi inévitablement rencontre du manque, du dessaisissement, comme l’énonce le beau titre d’un petit livre de Béatrice, Le dessaisissement des fleurs. 
D’où la passion, l’intensité érotique de cette poésie. D’où sa sensualité violente parce que toujours menacée qui parfois s’inscrit dans la lignée de la mystique érotique de Pierre Jean-Jouve sur lequel Béatrice a écrit sa thèse : 
la mer crie dans ta bouche, sur les pierres plates, les rochers et l’aller-retour, le va-et-vient de toi dans le hurlement silencieux de nos corps 
la mer est pleine, bleue d’odeurs 
amour acidulé de cerise et de pêche 
 
Amour, désir de réparer notre blessure fondamentale. Celle de naître et de mourir. Et c’est sur cet affrontement à la mort qu’il faut terminer. Mort du père bien aimé, l’initiateur aux arts et à la lumière, Mario Villani, à qui Béatrice Bonhomme écrit un émouvant hommage sous le beau titre de Passant de la lumière 
A Pompéi, tu t’assois sur la pierre des années. Les enfants jouent à la marelle. Le ciel est bleu d’éternité. Je sais que tu vas mourir. 
 
À suivre, par un dialogue entre James Sacré et Béatrice Bonhomme