Le premier mardi c'est permis (15) : Le boucher

Publié le 02 avril 2013 par Litterature_blog
Marre de la clit lit. Pas envie non plus de me plonger dans un pseudo guide sur la sexualité ou un essai bancal. Pas davantage tenté par un retour vers les grands classiques de la littérature érotique qui m’ont jusqu’alors laissé sur ma faim. Ok, mais il reste quoi ? Et bien il reste un petit roman publié avant la mode du Mommy Porn. Un texte qui ne surfe sur aucune vague, paru en 1988. Un premier roman qui a fait grand bruit à l’époque et remporté le Prix Pierre Louÿs. Surtout, pour moi qui me plains sans cesse de ces éphèbes en tous points parfaits que l’on se coltine dans les trilogies d’E.L James ou Sylvia Day (Gidéon, si tu lis ces lignes, sache que je ne t’aime pas, mais alors pas du tout…) voir un boucher source de fascination érotique, ça me plait. Ben oui quoi, le boucher, c’est un peu comme le professeur-documentaliste, c’est loin d’être l’icône glamour par excellence. Du coup ça me fait du bien de croiser des gens comme moi (euh, je précise juste en passant que  je suis documentaliste, pas boucher, même si c’est un métier tout à fait respectable).
La narratrice tient la caisse dans une boucherie. C’est un job d’été. Le boucher la trouble au plus haut point. Voir s’étaler sous ses yeux la chair du boucher et celle du bœuf a pour elle quelque chose de fascinant : « Qui a dit que la chair est triste ? […] la chair est notre guide, notre lumière noire et dense, le puits d’attraction où notre vie glisse en spirale, sucée jusqu’au vertige ». Le boucher lui parle de sexe toute la journée, il lui promet la lune : « Tu verras comme je prendrais soin de toi… J’ai les mains habiles, tu sais, Et la langue longue, tu verras. » Si écœurant et si doux. Elle l’a surpris une fois dans la chambre froide avec la bouchère : « La bouchère s’était agrippée des deux mains à deux gros crochets de fer au-dessus d’elle, comme on le fait dans le métro ou dans le bus pour garder l’équilibre. Sa jupe était remontée et roulée autour de la taille, découvrant ses cuisses et son ventre blanc, avec la touffe noire qui, de profil faisait une tache en relief. Derrière elle se tenait le boucher, le pantalon aux pieds et le tablier entortillé autour de la ceinture, la chair débordante. » Pas ragoutant le boucher, et pourtant elle ne pourra résister à son charme si particulier : « J’eus envie de lui. Il était laid, avec son gros ventre moulé dans le tablier taché de sang. Mais sa chair était aimable. » Leurs ébats vont s’étaler sur une vingtaine de pages, dans une succession de scènes d’un érotisme torride. Chaud bouillant !   
Alina Reyes ne cherche pas à faire fantasmer la ménagère. Alliant poésie et sauvagerie, elle traduit avant tout la conscience du corps qui s’éveille et s’abandonne jusqu’à à atteindre le seuil d’une certaine forme de folie. Troublant et dérangeant.
Entendons-nous, c’est un très bon roman mais ce n’est pas non plus un titre exceptionnel qui va me faire grimper au rideau. J’ai quand même eu l’impression de lire de la littérature, ce qui n’est pas si courant ces derniers temps dans le cadre du rendez-vous deStephie.       
Le boucher d’Alina Reyes. Le Seuil (Points), 1995. 90 pages. 4,60 euros.


Prix Pierre Louÿs 1988