Cinéma : « Kinshasa Kids » un film dont on ne sort pas indemne.

Publié le 03 avril 2013 par Diesemag @diesemag

26 mars 2013 - 20h – MK2 Quai de seine. J’y étais et vous?

Bienvenue à l’avant-première du film «  Kinshasa Kids » du réalisateur belge Marc-Henry Wajnberg.

Le pitch ? Des enfants considérés comme des sorciers par leurs familles se retrouvent dans les rues et décident de monter un groupe de musique pour s’en sortir.

Si je dois avouer que j’étais mitigée à l’idée d’aller à un énième film où la musique est le salut de petits africains, encore une bluette remplie de bons sentiments, finalement, la bande annonce pleine de vie et d’interludes drôles a piqué ma curiosité et les extraits de la bande originale ont achevé de me convaincre. Qui peut résister à l’appel de Pépé Kallé ?

Tout n’a pourtant pas bien commencé. En effet, nous avons dû attendre un petit moment à cause de quelques problèmes techniques, ce qui n’a pas manqué de provoquer des grincements de dents typiquement parisien et même un départ très courroucé d’un homme d’un certain âge qui ne s’est pas gêné pour faire entendre son mécontentement. « C’est une honte ! » s’est-il exclamé en nous libérant de sa présence. À la fin du film, il n’aura été que l’élément subversif qui a rendu l’évènement plus excitant.

Le réalisateur, accompagné de Pierre Haski, cofondateur du site rue 89, s’est chargé de nous faire passer le temps en se présentant à coups d’anecdotes, ponctués de name-dropping, nous révélant ainsi l’étendue de son fan-club présent dans la salle. On a pu découvrir son parcours de réalisateur de films, de documentaires, d’un nombre incroyable de courts- métrages (plus de 3000 lui valant apparemment une petite nomination dans le livre Guinness des records), le tout avec pour fil conducteur un intérêt particulier pour la musique et  de façon plus générale pour l’art sous toutes ses formes.

Autant dire qu’une très bonne ambiance s’est installée grâce à la simplicité et au grand sens de l’humour de Marc-Henry, mais surtout à son amour évident pour le pays évoqué dans le film, à savoir le Congo Kinshasa.

Tous ces rires ne nous préparaient pas du tout au bouleversement que nous allions connaître. Difficile de ne pas, pour reprendre les mots du réalisateur, « déflorer » l’énigme pour vous  inciter à aller voire ce petit bijou d’1h25. S’il adopte tout d’abord des allures de documentaire par son réalisme,  pouvant faire penser à une plongée dans le monde réel des « shégués » et la vie à Kinshasa en mode « enquête exclusive », heureusement, il nous est épargné la voix off pleine de pathos et le défilé en slow motion de l’imperturbable Bernard de la Villardière !!!

Non, il s’agit ici bel et bien d’une fiction comme a tenu à préciser le réalisateur au début du film. Et on se laisse très vite prendre d’affection pour chacun des personnages dont on découvre l’histoire et le quotidien rocambolesque tout au long du film,  avant que leurs différents destins ne s’entrecroisent.

La force de ce film réside dans ses non-dits. En effet, le réalisateur prend le parti de nous présenter les faits tels qu’ils sont, dans un quartier bien défini, et dans un univers bien posé. Il nous laisse totalement libre de réagir face aux différentes situations extrêmement drôles ou carrément tragiques que vivent les protagonistes. La musique qui a une grande place dans le film n’est pas là pour diriger nos émotions. Autrement dit, au lieu d’un trémolo de violon justement inséré pour nous tirer des larmes, on aura droit au plus parlant des silences clairement plus efficace. Les acteurs n’expriment pas leurs émotions dans des grands monologues, on les imagine et on les vit avec eux.

La musique représente un point lumineux dans la rigueur du quotidien, une façon de vivre pour Bebson alias l’artiste maudit qui trouve le moyen de jouer même lorsque les aléas de la vie semblent se liguer contre lui. La musique devient aussi une échappatoire pour  Emmanuel, Rachel, José, ou encore ce fan absolu de Michael Jackson, oubliant tous leurs malheurs quand ils chantent, avant qu’ils ne décident de s’en servir pour retourner la fatalité et monter leur groupe appelé ironiquement « Le diable n’existe pas ». Ironiquement, car comme on vous l’expliquait dans l’article « Kinshasa Kids ou l’histoire des shégués », ces enfants se retrouvent dans la rue, pour la plupart injustement accusés de sorcellerie par leur famille…

En résumé, on rit beaucoup, on tape du pied au rythme de la musique, on a souvent le cœur serré et il est difficile d’en sortir indemne.

Si certains le vivront comme un conte de fée un peu tarabiscoté, d’autres se prendront en pleine gueule leur statut de privilégié. Certains se sentiront touchés pendant quelques heures …avant de se remettre à râler parce qu’ils sont trop serrés dans le métro, d’autres auront vraiment envie de faire bouger les choses et vont  s’y atteler.

Leçon d’optimisme ? Hymne à la vie envers et contre tout ? Ode au pouvoir de la musique ? Sonnette d’alarme pour attirer notre attention sur ces milliers d’enfants qui vivent des situations extrêmes dans un cadre qui ferait passer les soi-disant ghettos de la banlieue pour le pays d’Oz ?

Marc-Henri Wajnberg  se contente de nous offrir un labyrinthe plein de surprises  et à la finesse de nous laisser trouver notre sortie.

Rendez-vous dès le 3 avril pour trouver la vôtre…

#Shona