Ill Manors : l’Enfer de Plan B

Publié le 04 avril 2013 par Unionstreet

À Londres, un soir, plusieurs âmes vont se croiser : Kirby, ancien dealer qui vient de faire sa peine, Ed la tête brûlée, Michelle, une prostituée et le vraiment jeune Jack empêtré au sein d’un gang local. Chris est déterminé à se venger et Katya cherche désespérément à fuir ce trouble voisinage. Sans oublier Aaron, qui essaie juste d’être un type bien et intègre.

Pour le réalisateur Ben Drew, le génial rappeur PlanB, chacun est le fruit de son environnement. C’est l’environnement dans lequel nous sommes élevés qui fait de nous un homme bien ou un mauvais homme. Certains vivent dans leur environnement. D’autres, survivent. C’est ce qu’on appelle la jungle, la loi du plus fort. Et c’est ce que nous allons voir deux heures durant dans un versant de Londres bien différent de celui qui est montré par les médias durant les Jeux Olympiques. Derrière cet événement sportif il y a les laissés pour compte. Et il faudra attacher vos ceintures, comme vous le conseillera le narrateur dès le début du film.

L’originalité du film tient justement en sa narration entièrement rappée. Nous devons la BO à PlanB, réalisateur donc, pour un rendu qui forme un tout très intéressant avec sa mise en scène. Il mêle suspense de thriller et humour noir dans une ambiance glauque qui n’est pas sans rappeler les débuts de grands réalisateurs britanniques. Il n’épargne rien au spectateur et sa galerie de personnages est remplie de gars sans scrupules : faire le tour des kebabs du coin pour vendre les services d’une prostituée afin de se racheter un portable, forcer un gamin à tabasser son ami … Le film est rempli de situations qui découlent les unes des autres et qui dégénèrent.

Cela donne deux heures très violentes au rythme très soutenu et marquées par les compositions de PlanB. Et nous nous étonnons parfois de rire lorsque les protagonistes s’occupent d’un bébé ou lors d’une scène d’incendie. On s’indigne souvent, ayant du mal à croire que le film présente un quotidien réel pour une catégorie de la population londonienne. Les personnages sont donc difficilement attachants. Mais le charme agit concernant le personnage d’Aaron, qui tente de faire le bien comme il peut, tentant de venir en aide. Une sorte d’ange perdu dans un enfer total. Il redonne à la fin une lueur d’espoir à Ill Manors qui est globalement noir.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Ben Drew marque les esprits dès son premier film coup de poing. Il fait déjà parti de la liste des réalisateurs dont on attend avec impatiente le prochain projet. Il possède une force narrative et visuelle (malgré un budget dérisoire) qu’il met à disposition de son scénario. Il s’est inspiré de sa vie et de faits divers lus dans les journaux afin de venir à bout de ce projet long de trois ans qu’il a quasiment auto produit. Avec des comédiens amateurs et professionnels, des scènes d’une violence éprouvante, un humour noir détonnant et une introduction où Aquarium de Camille St Saens est repris en rap, Ill Manors est un premier film qu’il faut voir afin d’être témoin de la naissance d’un nouveau talent du cinéma. Et une chose est sûre : l’environnement dans lequel Ben Drew a été élevé aura été favorable à la qualité de ce film.

Certains diront qu’il y a du Guy Ritchie et du Danny Boyle des débuts. Moi je préfère voir du Nicolas Winding Refn de Pusher.

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