Médiapart a cinq ans : un abonné témoigne…

Publié le 11 avril 2013 par Sergeuleski

   Hormis le fait de nous dévoiler de temps à autre les noms de ceux qui ont piqué dans la caisse ou de ceux qui ont mis un peu de blé de côté, après cinq ans d’abonnement, force est de constater qu’il ne se passe pas grand-chose d’autre sur Médiapart :

Rien sur une gauche alternative.

Rien sur la géo-politique.

Rien sur le « Printemps arabe » et la superficialité des dites « révolutions »… excepté un soutien béat qui n’explique rien et n’entrevoie rien.

Rien sur l’Europe et sa mise en cause : à qui sert cette Europe ? A quoi et qui ?

Rien sur "Le pouvoir" et "Les Pouvoirs" et leurs nouvelles structures, centres de décision, organisation, exécution, relais... : qui décident quoi, qui dirigent qui ? - profil, antécédents, formation, biographie...

Aucune mise en perspective régionale sur la Syrie ou tout autre conflit.................................................................... 

Refus du débat contradictoire ou bien simplement pluraliste.

Dans les faits, Médiapart semble n’avoir qu’un intérêt, louable au demeurant : les frasques de la caste politique, médiatique et économique ; et un engagement : contribuer à la moralisation de la vie politique et économique en mettant fin à toutes les corruptions.

Rien moins !

   Coté Club - sorte de forum des abonnés en accès libre : tout un chacun peut donc s’y rendre sans être abonné -, on retrouve la même politique : on privilégie des abonnés qui se contentent le plus souvent de valider, tels des ventriloques, les articles qui sont mis en ligne.  Des abonnés qui ont, bon an mal an, renoncé à chercher à savoir ce qu’ils ignorent. Peu nombreux mais récurrents, ils sont une quinzaine, petite meute proche de la rédaction, très solidaires, ils n’hésitent pas à trainer dans la boue  - dans toutes les boues -, les abonnés dissidents ou dissonants ; et quand ce sont des salariés de la rédaction qui se joignent à eux, la suppression de leurs commentaires est monnaie courante ainsi que les insultes.

Le Club de Médiapart reste un laboratoire fascinant côté soumission et flagornerie d’une petite classe moyenne née au début des années 50, adulte en Mai 68, aujourd’hui totalement larguée politiquement mais qui s’accroche mordicus à des schémas qui ne concernent déjà plus, depuis 20 ans maintenant, une réalité d’une complexité inédite derrière laquelle se cache un ordre et une logique d’une perversité sans précédent.

   A sa création, il est vrai que Médiapart a réuni des compétences de journalisme d'investigation :  ils ont les hommes et le temps qui permettent d’épingler un tel ou une telle de la classe politique ou économique, pour avoir « piqué dans la caisse » et de forcer la justice à y mettre son nez… même si cette dernière n’en a finalement aucune envie ; pour un juge, il n’y a que des coups à prendre et aucune perspective d’avancement, pour ne rien dire des retours de bâtons  à chaque changement de majorité.

Des mises en examen "esbroufe" pour épater le prolo et faire peur aux bourgeois, faire diversion, en attendant un blanchiment quasi certain (voir Aubry à ce sujet !)...

Quelques compétences en économie avec Laurent Mauduit même si les compétences de ce dernier sont utilisées aux fins de critiquer les économistes et leurs relais médiatiques - à juste titre !

Pour le reste…

Pas grand-chose.

Après réflexion, et sans rire, il semble que Médiapart souffre d'une absence de culture politique de la part de ses fondateurs et de son équipe. Certes, Plenel est un ancien trotskiste... mais... une fois que l'on a grandi, une fois adulte, une fois que l'on est sorti de ce qui n'aura été finalement qu'un endoctrinement parmi beaucoup d'autres, endoctrinement qui aura fait de vous un être borné entre l'âge de 17 et 25 ans....que vous reste-t-il ? Quelle culture pour démêler toutes les stratégies de domination et de diversion ?

Je ne connais qu'une culture politique : celle acquise au contact de l'Histoire.

Et là...

Médiapart donne l’impression d’une rédaction pétrifiée ; sur l’actualité internationale… même RFI fait cent fois mieux . Alors, on se réfugie dans l’émotion, des images de sang, de haine… parce que… jamais personne ne les vous reprochera et puis, avec ces images-là, on ne risque pas de se tromper : ces images n’expliquent rien du passé et rien de l’avenir. Quant aux véritables enjeux….

Sur la politique intérieure ou européenne aucune couverture de ceux qui pensent autrement, plus loin… ailleurs…

Alors fatalement on finit par interviewer Bayrou.

 

   Médiapart a fait à peine la moitié du chemin qui aurait dû être le sien en terme de journalisme : la contre-information ou l'information dissidente (appelez-la comme vous voulez !).... Médiapart ne s'y est jamais mis tout simplement parce que ses fondateurs n'en ont pas la culture ; quoi qu'ils puissent penser et dire, on ne sort pas indemnes d'une vie consacré à un journalisme de grands-médias même au journal Le Monde que personne ne lisait déjà plus, du moins ceux qui, plus tard, seront intéressés par une autre information.

Internet a tout remis en cause même s'il a permis la création de "Médiapart" puisqu'avec Internet on peut lancer un journal avec une mise de fonds minimale.

Avec Internet, la fausse dissidence payante (Arrêt sur Images) est condamnée à l'heure où la vraie dissidence est gratuite partout ailleurs... une dissidence conduite par des experts et des universitaires en rupture de ban, des documentaristes auto-produits, des acteurs  issus de la société civile, des artistes, des  intellectuels bannis des médias de masse.......

Dure dure la concurrence !

Médiapart n'a pas joué la carte de la rupture avec tous les anciens modèles du journalisme. Etant donné l'âge de ses fondateurs, Médiapart ressemble plus à un projet de fin de carrière qu'à une vraie dynamique avec un futur assuré parce que... en avance sur son temps. Et c'est sans doute trop tard aujourd'hui. En dehors de Plenel qui porte Médiapart à bout de bras, aucune individualité n'a émergé de Médiapart en 5  ans.

 

   A l’heure où Médiapart annonce le lancement en Espagne d’un nouveau journal en ligne, infoLibre avec l’ambition de  « faire du journalisme indépendant, rigoureux et libre » et d’un mensuel imprimé, tintaLibre

On sera vraiment tentés d’espérer que ce nouveau journal soit un outil de diffusion qui, à partir d’une actualité donnée, un fait de société, une préoccupation d’ordre politique ou économique, une question qui toucherait à l’éthique, se proposera de nous présenter toutes les analyses disponibles émanant d'acteurs avisés et informés, y  compris celle du journal en question pour peu que sa rédaction l'ait jugé approprié.

Pour le dire autrement… on appellera de nos vœux une presse qui nous présentera tout ce qui se pense sur un sujet en particulier et pas simplement ce que la rédaction du journal souhaite donner à penser à ses lecteurs.

Car à bien y réfléchir, les journaux indépendants financièrement ou pas (après tout, le groupe médias Lagardère est lui aussi financièrement indépendant), sont libres de tout sauf de l’opinion de ceux qui les dirigent, lesquels sont à l’origine de tous les choix éditoriaux qui sont faits. Or, des choix éditoriaux n’ont jamais fait avancer l’information quelle qu’elle soit sur quelque sujet que ce soit car, si un journal peut être libre, il ne l’est sûrement pas de sa propre propagande – choix par avance biaisé donc parce qu’en faveur d'une information aux couleurs du drapeau de la rédaction du journal.

L’avenir n’est pas à « une information libre » qui n’est qu’un slogan (1)… non, l’avenir est bien à toute l’information disponible sur un sujet donné ; une information qui, à un instant T, reprendrait toutes les analyses produites. Et cet avenir-là, qu’on le veuille ou non, souhaitable ou pas, c'est Internet et son temps réel qui l’a déjà sculptée et rendue quasiment inévitable.

  

   L'audience d'Internet en tant qu'outil de diffusion d'une contre-information opposée aux médias dominants et d'après les recoupements qui ont pu être faits... c'est un "marché " d'un million de francophones, et seulement un million. Ce qui sous-entend que tous les autres sont bon an mal an plutôt satisfaits. Et ce n'est pas une surprise car sur ces mêmes médias on retrouve un peu près les mêmes attentes et donc les mêmes réticences et aversions quant à l'exposition d'un point de vue dissident ou dissonant. Et si les auditeurs ou les téléspectateurs n'attendent pas particulièrement de tous ces médias une autre approche, un autre contenu... c'est sans doute aussi  parce qu'au fond, ils pensent que l'information c'est le métier des journalistes et pas le leur ; ce qui explique l'absence de mobilisation critique ; et là, on retrouve ce que j'ai pu écrire à propos des documentaires de Fourest : une documentariste pour une audience somnolente.

Aurait-on alors les médias que l'on mérite ?

Médiapart n’échappe à la règle : on retrouve le même refus d'un regard et d'une mobilisation critiques de la part de ses abonnés ; ceux qui s'y risquent s'attirent très vite les foudres d'un lectorat totalement inféodé à la rédaction de Médiapart car il semblerait que... très vite, tout abonné qui pense avoir trouvé son journal comme d'autres leur programme de télé, fasse rapidement le choix de se réfugier dans une acceptation quasi totale de ce qui lui est à la fois donné à lire et de ce qui ne lui est jamais donné à découvrir et à comprendre, sans doute dans le souci d'une tranquillité d'esprit et d'un meilleur confort mental car, il est vrai que rien n'est plus anxiogène que la dissidence quand on n'y est pas préparé soit en tant qu'acteur ou soit en tant que témoin-lecteur-téléspectateur.

Il faut bien se résoudre à faire le constat suivant : la contre-information intéresse peu de gens. On peut le déplorer pour une seule raison : moins ils sont nombreux à souhaiter défendre cette contre-information plus la liberté d'informer et de penser est en danger.

Certes ! Il y a Internet qui est plutôt un miroir aux alouettes : déformant la réalité, comme une loupe ou un verre grossissant, il laisse penser qu'il existe dans le domaine de la contre-information une communauté importante... alors qu'il n'en est rien.

Certes, les journalistes des grands médias sont discrédités (toutes les études le montrent), n'empêche... tout comme cette classe politique impuissante et sans pouvoir, sinon dans les marges... marges très étroites, les élections mobilisent quand même une majorité du corps électoral, et les médias dominants - surtout radios et télés -, une audience de loin majoritaire qui s'évalue entre 15 et 20 millions en cumul.

   Médiapart reste donc très en deçà de tout ce qu'on pouvait légitimement attendre... mais force est de conclure que... sans Internet, et même si la censure s'y porte bien, il n'y aurait aujourd'hui plus aucune diffusion de la liberté d'expression de tout ce qui se pense.


Mais alors, est-ce à dire qu'il y aurait un ange qui veille sur nous, nous tous... de bonne foi et de bonne volonté, non résignés ?

Décidément, personne n'aura ce qu'il veut : ni eux qui ne veulent rien pour nous, ni nous qui voulons tout face à ce rien qui nous est proposé et promis.

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1 - Questionnez un journaliste, une rédaction : tous vous diront qu'ils sont libres. En revanche, demandez-leur s'ils ont fait le tour de tout ce que se pensait et de tout ce qui était pensé sur un sujet donné... là, vous pourrez sans difficulté les prendre en faute.