La transparence fiscale chez les élus

Publié le 15 avril 2013 par Raphael57

Depuis maintenant 10 jours, l'onde de choc de l'affaire Cahuzac (cliquez ici si vous n'avez rien suivi...) ne cesse de faire des dégâts, tant au niveau de l'opinion publique qui incline désormais vers le "tous pourris" :

[ Source : Le figaro.fr ]

qu'au sein de la classe politique où François Hollande est désormais fortement chahuté. Pour tenter d'apaiser le malaise grandissant, le président de la République a fait des annonces le 10 avril pour prévenir de pareilles dérives à l'avenir :

* transparence de la vie publique :

Une Haute Autorité indépendante va remplacer la Commission pour la transparence financière de la vie politique, créée en 1988. Elle exigera des ministres, mais aussi d'un nombre plus large de personnes (parlementaires, responsables d'exécutifs locaux, membres des cabinets ministériels, chefs d'entreprises publiques,...), notamment une déclaration de patrimoine et d'intérêts.

Bien qu'ils avaient jusqu'au 15 avril pour publier l'état de leur patrimoine, certains ministres ont pris de l'avance et livré de nombreuses informations qui recèlent parfois quelques pépites. Ainsi, apprend-on qu'Aurélie Filippetti possède un T-shirt de papy David Beckham, qu'Arnaud Montebourg dispose d'un fauteuil Charles Eames acheté 28.000 francs, que le président du Conseil régional de Languedoc-Roussillon Christian Bourquin ne possède pour seul patrimoine qu'un âne catalan de 8 mois, qu'Eva Joly possède des kayaks et des meubles Ikea, que Cécile Duflot a un deuxième véhicule polluant en plus de sa Twingo (une 4L).

En définitive, nos ministres et élus sont d'une pauvreté affligeante (sic !)... sauf certains qui sont millionnaires d'après les informations publiées ce lundi sur le site du gouvernement (cliquez sur la photo du gouvernement pour voir les déclarations de patrimoine publiées sur le portail du gouvernement) :


François Fillon, quant à lui, a dévoilé son patrimoine au journal télévisé de 20h sur France 2, acte que l'on peut aussi interpréter comme une déclaration de guerre contre Jean-François Copé (ce dernier refusant de publier l'état de son patrimoine s'il n'y est pas obligé par la loi) :


François Fillon dévoile son patrimoine sur... par francetvinfo

* règles de non cumul : actuellement, le principe est que les parlementaires peuvent exercer toutes les activités professionnelles à l'exception notable de fonctions de direction dans un établissement public ou dans des sociétés privées bénéficiant d'avantages publics. Normalement, les parlementaires ne peuvent pas non plus exercer le métier d'avocat si cela les amène à plaider contre l'État par exemple, afin d'éviter les conflits d'intérêt.

La proposition de François Hollande inverse cette logique et dispose que l'exercice de toute activité professionnelle serait interdite aux parlementaires, sauf exceptions. Le risque est bien évidemment d'aboutir à un Parlement constitué uniquement de fonctionnaires (ce qui est déjà bien engagé puisque 55 % des députés sont fonctionnaires, la plupart d'entre-eux étant en détachement pendant la durée de leur mandat afin de garder leurs droits à avancement et à la retraite...). Bref, la question du statut de l'élu reste donc ouverte tant au niveau national que local. 

* fraude fiscale et corruption : un parquet financier à compétence national va être créé, alors qu'il existe déjà de telles structures au niveau régional qui manquent cruellement de moyens. De plus, faut-il rappeler que pour l'instant seul le ministère du budget peut engager des poursuites pénales, après avis favorable de la Commission des infractions fiscales ? Il a également été annoncé la création d'un office central de lutte contre la fraude et la corruption.

Ces annonces ne devraient pas nous faire oublier que le précédent gouvernement avait lui aussi commandé un rapport sur la question, suite à l'affaire Bettencourt. Intitulé  Pour une nouvelle déontologie de la vie publique, le rapport de la Commission présidée par Jean-Marc Sauvé avait conclu que les règles de déontologie applicables aux ministres sont "souvent imprécises et dispersées, quand elles ne sont pas inexistantes". Résultat ? Le rapport fut enterré ! De même, la commission sur "la rénovation et la déontologie de la vie publique", présidée par Lionel Jospin, avait rendu fin 2012 un rapport très intéressant intitulé Pour un renouveau démocratique, où il était préconisé de lutter notamment contre les conflits d'intérêts et le cumul des mandats. Résultat ? Peu d'empressement à changer quoi que ce soit ! En fin de compte, cette moralisation voulue de la vie politique dépendra de nombreux facteurs : moyens de contrôle réellement à la disposition de la nouvelle Haute Autorité et du parquet financier national, possibilité ou non d'éviter une déclaration exhaustive du patrimoine, etc. Mais le plus important reste la morale personnelle de l'élu, ce qui inévitablement me fait penser à ces mots d'André Malraux : "on ne fait pas de politique avec de la morale, mais on n'en fait pas davantage sans". Ainsi, je ne pense pas que ces mesures auraient pu éviter l'affaire Cahuzac, pas plus qu'elles ne permettront d'éviter les fraudes à l'avenir... Elles risquent surtout de déboucher sur un grand voyeurisme, qui ne fera que renforcer le fossé qui existe entre les élus et le peuple. Cette semaine, j'ai profité de mon passage sur Mirabelle TV pour évoquer l'évasion fiscale et les paradis fiscaux, dont j'avais déjà parlé dans ce billet. C'est à voir d'ici quelques heures dans le Grand rendez-vous du lundi :

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