On croit souvent tout connaître des monuments de la littérature, surtout lorsque, comme Charles Baudelaire, ils sont morts depuis près d’un siècle et demi. Cependant, des archives dorment, parfois dans des collections particulières, parfois dans des musées. De ces fonds ignorés, jaillissent, à la faveur d’une succession ou d’un inventaire, des documents inconnus ou que l’on croyait perdus. Tel semble être le cas aujourd’hui, avec la découverte (révélée par Le Figaro de ce matin) par Caroline Lenfant, conservateur à la Cité de l’architecture et du patrimoine, d’un portrait de l’auteur des Fleurs du Mal présenté comme un autoportrait inédit.
Baudelaire faisait partie, avec, entre autres, Antonin Artaud, de ces écrivains dessinateurs qui griffonnaient avec un réel talent sur des pages blanches et des albums. On connaît ainsi de sa main une bonne douzaine d’autoportraits auxquels s’ajoutent des croquis représentant Champfleury, Asselineau, Proudhon, Jeanne Duval, Bébé (sœur de Madame Sabatier) et plusieurs autres personnages masculins et féminins. On retrouvera des reproductions fidèles des principaux, notamment, dans le catalogue de vente de la collection Armand Godoy (12 octobre 1988).
Il se pourrait donc que ce dessin se confonde avec celui, perdu, qu’évoque Claude Pichois. On remarquera que ce dessin est entouré de petits croquis. Seraient-ils, eux aussi, de la main de Baudelaire ? On ne peut l’exclure, car le poète avait l’habitude d’accumuler sur une même page des séries de dessins, souvent réalisés en quelques traits, parfois très travaillés en hachures, à la manière d’un graveur. Reste à authentifier définitivement la pièce. Et l’on attend avec impatience les résultats d’une confrontation d’experts, puisque Thierry Bodin (qui fut expert de la vente Godoy précitée) y voit une copie de la gravure de Braquemond tandis que Jean-Paul Avice, spécialiste reconnu de Baudelaire qui collabora avec Claude Pichois, pense qu’il s’agirait d’un autoportrait original. Si tel était le cas, ce serait en effet une belle surprise pour les amateurs de baudelairiana.
Illustration : Dessin découvert à la Cité de l'architecture et du patrimoine, ©Fonds Geoffroy-Dechaume, MMF/CAPA - Gravure de Braquemond ayant servi à illustrer Charles Baudelaire, sa vie et son oeuvre, de Charles Asselineau.