311ème semaine politique: allo ? C'est le grand soir ?

Publié le 20 avril 2013 par Juan

Nicolas Sarkozy créait des diversions.
François Hollande les subit.
 
Ainsi l'affaire Cahuzac. Certains, de mauvaise foi ou d'intelligence politique minorée, doutent encore qu'Hollande n'ait découvert la fraude de son ministre que trop tard. Qui peut croire qu'Hollande aurait eu un intérêt à nommer puis maintenir un socialiste, de surcroît strauss-kahnien, dans tel contexte ? Lundi, les ministres se prêtent au jeu de la transparence des patrimoines. Tout est publié sur le site du gouvernement. Une certaine twittosphère s'emballe, ricane et s'amuse;  quelques "journalistes assis" décortiquent et commentent. C'est une nouvelle écume, une agitation hors norme pour un sujet anecdotique, un nouvel effondrement de la crédibilité médiatique. Cette transparence, courante en Europe, ne méritait pas tant. Plus intéressant est l'analyse du Monde sur les pratiques de la banque UBS et les 353 riches français qu'elle aurait tenté de motiver à l'exil. Plus sérieuse est la lutte contre la fraude fiscale, ses moyens et ses limites. Plus politique est la réforme fiscale - renvoyée sine die pour cause de récession à l'automne. Plus ambitieuse est cette idée à creuser d'une confiscation partielle des avoirs bancaires étrangers plutôt qu'une austérité malheureuse.
Mardi, ledit Cahuzac se livre à un bel exercice de télé-réalité, confessions intimes sur BFM et démission de l'Assemblée. Il manque la larme ou la voix étranglée par les sanglots du remord. Le journaliste Jean-François Aqili a le regard compatissant et le dos droit comme un Mireille Dumas au masculin. L'exercice est aussi pathétique et trouble encore le débat politique.
Jean-Marc Ayrault répond en souffrance à ces diversions, comme devant l'un des intervieweurs matinaux, Patrick Cohen. On le sent fatigué. Il lance quelques incantations au besoin de réforme, "sans clivage ni violence". L'homme a pris plus que son lot de critiques.
La violence est dans la rue.
Quelques excités fascisants se saisissent de l'adoption de la loi sur le mariage homosexuel pour "casser du pédé" (ou du journalistes) un peu partout en France. Nos flashes d'actualité sont inondés de ce spectacle pitoyable et violent. Pas un jour depuis des semaines sans que l'on tende le micro et la caméra pour recueillir d'improbables témoignages de quelques activistes braillards qui n'avaient rien dire contre les expulsions de sans-papiers, les chômeurs qui s'immolent, les pauvres qui s'entassent aux Restos du Coeur.
Ce printemps français agite une minorité d'extrémistes qui effraient jusqu'à l'UMP.  Quelques ténors de la droite comprennent le danger du boomerang. L'UMP se transforme en Tea-Party. Mais à l'Assemblée, pour ces dernières heures d'un débat qui n'a que trop durer, quelques députés jouent les prolongations pour des séances honteuses. L'un accuse le gouvernement de tenter "d'assassiner les enfants" avec cette loi. Un autre, le lendemain, brandi une ballerine dans l'hémicycle pour "prouver" que les manifestants anti-mariage gay n'étaient que de jeunes pacifistes bien éduqués. Un troisième, enragé par une grimace de l'un des collaborateurs de la Garde des Sceaux, hurle et menace jusqu'au poing: "ce n'est pas le lobby LGBT qui gouverne !"
Qu'on en finisse. Vendredi, la loi est votée, définitivement.
La non-violence, fut-elle verbale, ne paye pas en période de crise. Quelle différence de traitement entre un Sarkozy agité et un Hollande bonhomme ? Aucune, sinon pire. La presse que Sarkozy jugeait de gauche et outrancièrement hostile fait du Hollande-Bashing depuis l'été dernier. Sans clivage ni violence, Hollande suit sa ligne de crête impossible. "Il faut qu'il fasse quelque chose. Il faut qu'il bouge" confie un proche, anonyme, au Monde.
En France, l'éparpillement politique explique la virulence des critiques. Contre Hollande, personne ne rassemble. D'obscurs sondages refont le match, sans que la chose n'ait quelque sens. A droite, ni François Fillon ni Jean-François Copé n'a profité de cette première année d'opposition pour émerger. Le premier est jugé trouillard ou faible. Le second fieffé tricheur et aux multiples conflits d'intérêt. Alors certains allument encore des cierges pour le retour de l'ancien Monarque. Le Front de Gauche tente de creuser un sillon qui effraye un centre en cours de fragile reconstitution.
Mardi, on enterre Thatcher, physiquement, réellement. L'ancienne première ministre britannique, décédée voici 10 jours, a droit aux honneurs du Royaume reconnaissant, protégée de quelque 4.000 policiers. Car certains, heureusement, n'ont pas cette mémoire si courte qui permet à d'autres de réécrire l'histoire aussi vite qu'elle se déroule. Thatcher fut un drame social et sanitaire outre-Manche.
En France, coïncidence de l'histoire, une nouvelle séquence de TINA(*), ce feuilleton économique d'il-n'y-a-pas-d'autres-politiques reprend à la faveur de fuites dans la presse sur les nouvelles prévisions de croissance de la France cette année. Le Haut Conseil des Finances Publiques prévient que le pays risque la récession (sans rire ?); le FMI ajoute que cette dernière est quasi-certaine. Du coup, nos éditocrates favoris renchérissent: mais comment donc tenir l'objectif d'équilibre des comptes dans 4 ans ? On aurait pu croire qu'ils se préoccupaient davantage du chômage. On aurait pu, mais il ne fallait pas. Le lendemain, Pierre Moscovici livre une première réponse: l'objectif d'équilibre est ... enterré. Mais officiellement, la rupture budgétaire n'est pas pour aujourd'hui.
"Nous avons une dette invraisemblable" rappelle Hollande à ses ministres en plein conseil.
Il faudra mieux, d'autant que l'une des plus fameuses études économiques servie en exemple par le FMI voire Bruxelles pour justifier l'austérité a été fusillée: les savants calculs de deux économistes américains de Harvard, par ailleurs anciens cadres du FMI, qui "prouvaient" que l'endettement public affectait la croissance, étaient ... faux. Fichtre !
L'autre actualité judiciaire concernant l'ex-clan sarkozyste. L'ancien monarque est visé par une nouvelle instruction, sur le financement éventuel de sa campagne présidentielle de 2007 par la Libye. C'était l'un de feuilletons du précédent quinquennat. Le parquet de Paris a ouvert une information contre X pour "corruption active et passive", "trafic d'influence", "faux et usage de faux", "abus de biens sociaux", "blanchiment, complicité et recel de ces délits". Rien que ça...

Et Christine Lagarde, actuelle directrice du FMI devra s'expliquer à la fin du mois de mai devant la Cour de Justice de la République sur la procédure arbitrale qui permis à Bernard Tapie de remporter quelque 450 millions d'euros dans son litige contre l'ancien Crédit Lyonnais.

On attend la réaction d'Henri Guaino, si prompt à fustiger l'institution judiciaire quand elle s'attaque à son son mentor déchu.
A suivre...
Crédit illustration: DoZone Parody
(*) There Is No Alternative