jeune femme étrangère au jour écrit des chansons cousue de nuits blanches ( Jules Laforgue - 4ème jour, à la bourre)

Par Absolut'lit @absolute_lit

Lorsque le soleil parvient à glisser un rayon dans la rue aussi haute qu'étroite, celle-ci se met à frémir comme une fourmilière assiégée, les étals des camelots scintillent, les terrasses palpitent un café pour la douze ! Alors, comment... ? Bonjour M'dame Rochin !
Portes à clochettes, sonnettes et klaxons improvisent un joyeux carillon.
Au-dessus les intérieurs se dévoilent, ...


... taies et draps frais fleurissent les balcons et s'égouttent insouciants sur les auvents des marchands entre deux « dépêche-toi de r'monter, on mange ! », « alors M'dame Bertoux, cette hanche ? » ou encore « chuuuut, on pourrait nous entendre.. »
Aux derniers étages, ceux qui caressent les étoiles d'une nuit très profonde, qui promettent une vue prenable sur la lune, une jeune femme au jour étrangère en temps ordinaire, c'est-à dire aux jours gris, unit sa voix à cette sonate en rue majeur  :

Si mon Air vous dit quelque chose,
Vous auriez tort de vous gêner ;
Je ne la fais pas à la pose ;
Je suis La Femme, on me connaît.
Bandeaux plats ou crinière folle,
Dites ? quel Front vous rendrait fou ?
J'ai l'art de toutes les écoles,
J'ai des âmes pour tous les goûts.
Cueillez la fleur de mes visages,
Buvez ma bouche et non ma voix,
Et n'en cherchez pas davantage...
Nul n'y vit clair ; pas même moi.
Nos armes ne sont pas égales,
Pour que je vous tende la main,
Vous n'êtes que de naïfs mâles,
Je suis l'Eternel Féminin !
Mon But se perd dans les Etoiles !....
C'est moi qui suis la Grande Isis !
Nul ne m'a retroussé mon voile.
Ne songez qu'à mes oasis....

Cette jeune femme étrangère au jour écrit des chansons cousue de nuits blanches. Elle croise les rimes sur ses jambes décroisées, réduit en strophes paillettes et strass, habille en vers les larves noctambules.

Elle sait qu'un jour elle en fera une corde, de ses nuits blanches, qu'elle jettera par la fenêtre et par laquelle elle redescendra dans la vie de tout le jour.

Si mon Air vous dit quelque chose,
Vous auriez tort de vous gêner ;
Je ne la fais pas à la pose :
Je suis La Femme ! on me connaît.
(*)

Prépare-toi, Stella, le rideau se lève bientôt..


(* : Notre Petite Compagne)