[anthologie permanente] Benjamin Fondane

Par Florence Trocmé

Les éditions Parole et Silence ont réuni récemment, sous la direction de Monique Jutrin, des textes épars de Benjamin Fondane, publiés dans des revues ou abandonnés dans des manuscrits.  
Encore une journée qui s’en va, une journée carnivore 
et l’ai-je retenue ? J’ai dormi. Et pendant mon sommeil, j’ai vieilli. 
Ma paresse, ce vieux serpent qui me conseille 
m’a dit, comme toujours : « Attendons à demain. 
Ces changements sont lents, si lents, on a le temps –  
les forces sont inégales,  
bouger, c’est dépenser cette énergie exacte 
dont tu auras besoin, demain, pour te lever 
et rayonnant, forcer les anges du néant.  
Demain, il est encore temps, allons dormir : 
cette journée qui s’en va fera place à une autre, 
à une autre qui point, qui vient, qui sera là, 
et qui, dans sa beauté explosive, sera  
ta journée de réveil, terrible et décisive 
• 
Solitude de cette nuit – de cette lampe 
un peu de sel aux lèvres, une amertume au lit,  
vas-tu crever enfin de bonne mort, coolie ? 
la vie, ça te connaît comme une vieille crampe 
la guerre quelque part – et des étoiles molles 
la terre quelque part s’ouvre sous les vivants… 
Et le vide agite dans les vans 
l’avoine des années qui sont devenues folles…. 
Solitude infinie des êtres. Et de moi-même. 
J’ai soif. Qu’elles sont loin les sources du poème !  
que tu es lasse ô voix qui crie dans les déserts : 
meurt-on sans le savoir sur la cuisse des anges ?  
la chanson nauséeuse des îles est-elle blanche ? 
Ulysse, sur le pont, a-t-il les yeux ouverts ?  
Benjamin Fondane, Poèmes retrouvés 1925-1944, édition sans fin, présentation de Monique Jutrin,  Parole et Silence, 2012, p. 44 et72 
Benjamin Fondane dans Poezibao :  
Bio-bibliographie, "Lecture" poésies du cri 1, extrait 1, extrait 2 (Poésies du cri), Benjamin Fondane ou la révolte existentielle, par Olivier Salazar-Ferrer ( présentation), Benjamin fondane et le mal des fantômes, par O. Salazar-Ferrer, extrait 3, Ou l’irrésignation, Benjamin Fondane (livre de Jérôme Thélot), ex. 4