Qu'est-ce qui nous fascine tant dans les simulacres de Ron Mueck?

Publié le 27 avril 2013 par Alexia Guggémos @alexia_guggemos


EXPOSITION - Griffures sur la chair potelée d'une femme portant un fagot de bois, ridules de la peau sur le visage d'un homme âgé, plis du manteau d'une jeune mère portant son enfant sur sa poitrine... Ron Mueck marque le trait, au sens propre comme au figuré. Jusqu'au 29 septembre, à la Fondation Cartier à Paris, le sculpteur australien de 55 ans nous livre ses dernières créatures.

"C'est la première fois que Ron Mueck joue autant avec la couleur", m'a confié Gautier Deblonde. Le photographe français, installé à Londres, a posé sa caméra pendant 18 mois dans son atelier. Cet ancien correspondant de presse a gagné la confiance de l'artiste séduit par la discrétion de son regard.

Le film de 52 minutes intitulé Still Life: Ron Mueck at work ("nature morte", 2013), est projeté en boucle dans l'exposition qui a lieu actuellement à la Fondation Cartier. Un documentaire pratiquement sans paroles, avec pour rares sons, la radio ou le frottement des pinceaux. L'occasion unique de pénétrer dans l'univers de celui qui s'est fait connaître avec Dead Dad ("Père mort", 1997), une représentation du corps de son père, fabricant de jouets en bois, dans une version hyperréaliste et miniaturisée de 1,10 mètre.

(Photo: AG - Couple Under An Umbrella, 2013. Matériaux divers, 300 x 400 x 500 cm)

Parmi les touches de couleur déposée par l'artiste sur ces personnages, de l'orange, dans les deux sacs plastiques portés à bout de bras par un petit bout de femme à la présence troublante. Ces paquets semblent si lourds, son effort si las...

Nous voilà face à nous mêmes, dans l'abîme du quotidien qui s'expose, comme si nous devenions nous-mêmes l'objet de l'exposition. Et ce miroir nous trouble.

Pourquoi les sculptures de Ron Mueck nous touchent-elles plus que celles d'un Duane Hanson, maître américain de l'hyperréalisme? Par la dimension des personnages, bien sûr, taille agrandie ou en réduction. Mais aussi, et surtout, par leur humanité. Avec sa ménagère en bigoudis poussant son caddie, Duane Hanson dénonce la société de consommation. Avec sa mère à l'enfant, Ron Mueck ne caricature pas: il souligne le poids de nos responsabilités, avec empathie. L'émotion, au-delà du cérébral.

(Photo: AG - Woman With Shopping, 2013. Matériaux divers. 113 x 46 x 30 cm)

Inutile de décrire les trois sculptures réalisées au cours de ces 12 derniers mois. Il vous faut faire l'expérience d'une simulation, celle de rencontrer ces simulacres de la réalité, faire la connaissance du couple de retraités sous leur parasol multicolore et des deux ados, vous découvrirez leur lourd secret. Dans "Simulacre et simulation", Jean Baudrillard analyse comment notre société postmoderne a perdu le contact avec la réalité. Par ses représentations, Ron Mueck nous y plonge de plain-pied. L'imaginaire, mobilisé.

» Infos pratiques: http://fondation.cartier.com