Interview éditeur : Kim Bedenne, du nouveau chez Pika ?

Publié le 26 avril 2013 par Paoru

C’est au dernier Salon du Livre de Paris que j’ai pu rencontrer Kim Bedenne, la « nouvelle » directrice éditoriale des Éditions Pika, en place depuis un an maintenant. Elle est responsable de la sélection et de l’achat des licences et remplace sur ce point Pierre Valls, qui a quitté la maison Pika l’an passé.

Kim Bedenne est assez nouvelle dans le paysage hexagonal du marché du manga, et les directeurs éditoriaux ne sont pas si nombreux, donc une petite présentation s’impose : née dans les années 80 et faisant partie de la génération Dorothée, elle souhaite depuis toujours travailler au Japon et s’embarque pour des études de journalisme à Sciences Po, car en plus d’être une grande école, cette dernière proposait des échanges avec le Japon. A travers deux stages sur place elle finit par gagner une petite place chez Kodansha, en tant que journaliste dans leur magazine Courrier Japon (la version nippone de Courrier International). Le rédacteur en chef va ensuite l’aiguiller vers le service des droits internationaux de cette grande maison…

C’est donc avec ces informations et d’autres, glanées sur son interview au Mangacast, que je suis allez à sa rencontre en compagnie de Laure Peduzzi, l’attachée de presse de Pika, pour aborder de nombreux sujets : la relation avec les japonais, le choix des licences et les magazines nippons de prépublication, le catalogue, la recherche des hits dans un marché nippon difficile mais en évolution, la gestion des titres difficiles en France, les auteurs phares de l’éditeur… Une entrevue d’une bonne demi-heure pour la première interview éditeur entre Pika et Paoru.fr.

Je vous laisse donc en profiter, bonne lecture

Présentation : Kim Bedenne, un nouveau Pika ?

Bonjour Kim,

Tu es arrivée chez Pika il y a environ un an …

Oui j’ai intégré l’équipe juste avant le Salon du Livre de Paris de l’année dernière. Ça a été assez intense puisque j’ai enchaîné ce salon et celui du Livre Jeunesse à Bologne. Il m’a donc fallu un peu de temps pour prendre mes marques.

Et si on revient sur ton recrutement justement, comment tu es arrivée là ?

En fait on m’a recruté parce que je parlais Japonais et que je travaillais déjà dans le milieu du manga. Ensuite je précise que je ne suis pas venu « remplacer » Pierre Valls puisqu’il effectuait un travail beaucoup plus étendu que le mien, il s’occupait de beaucoup de chose alors que je me concentre vraiment sur le choix des séries et l’achat des licences. De plus le fait que je sois arrivée au moment où lui est parti n’a pas de lien direct, c’est plus une histoire de timing qu’autre chose.

Quels sont tes objectifs à ce poste ?

Sur un plan personnel je cherchais une évolution dans ma carrière, chose que je ne pouvais pas forcément obtenir au Japon. Je ne sais pas si tu connais un peu, mais pour obtenir un CDI au Japon il faut passer un concours d’entrée chez Kodansha et c’est extrêmement difficile, même les Japonais ont beaucoup de mal.

Je me posais donc des questions sur mon avenir et c’était aussi le cas pour Pika, qui faisait face à un marché de plus en plus compliqué avec des lecteurs de plus en plus exigeants et ils avaient besoin de savoir exactement ce qu’ils sortaient, une expertise précise de leurs titres.

Donc ils m’ont recruté et m’ont expliqué que je travaillerais avec Pierre Valls, qui était encore là à l’époque, pour rechercher des titres intéressant sur le marché français. Donc j’y ai beaucoup réfléchi – ça faisait tout de même 7 ans que je vivais au Japon – et je me suis lancée !

Mes objectifs pour Pika sont de développer la partie seinen du catalogue, puisque c’est un domaine qui prend de plus en plus d’ampleur en France, de trouver des nouveaux titres sans refaire ce qui a déjà été fait. Des mangas qui sont intéressants à travailler.

Comme j’ai travaillé longtemps au Japon j’ai déjà l’habitude de rechercher des séries aux bons endroits : les bons magazines, les bons sites webs… C’est aussi pour ça qu’on m’a embauchée, et aussi pour faciliter les échanges lors des meetings avec les Japonais.

Justement, sur le fait que tu sois bilingue. Il y a encore quelques années, très peu d’éditeurs et de directeurs éditoriaux savaient parler Japonais : on peut citer Ahmed Agne et Cécile Pournin chez Ki-oon, Grégoire Hellot chez Kurokawa mais c’est tout. Cependant depuis peu, plusieurs maisons d’éditions installent des éléments bilingues dans leur staff, pour le choix des licences… Tu es l’un de ces exemples. Est-ce que c’est un petit plus où c’est essentiel selon toi ?

C’est essentiel. Nous sommes dans un marché ultra-concurrentiel avec des lecteurs qui ont déjà vu beaucoup de choses. De plus, en période de crise, ils ont tendance à se réfugier sur des titres qui sont déjà plébiscités, et c’est une tendance à ne pas encourager.

Je pense qu’il faut éviter les copies, les titres qui sont comme un Fairy Tail par exemple, mais qui serait moins bon. Il faut vraiment chercher des choses très fortes ou presqu’aussi fortes, mais différentes. Et pour trouver ça les fiches restent trop justes pour comprendre toute la substance d’un titre.

Acheter une licence c’est une décision très difficile. La responsabilité est énorme et on s’engage parfois sur des années, on ne peut pas s’arrêter en plein milieu.

Dans un marché où la décision doit souvent se prendre sur le premier volume japonais, c’est difficile de savoir où on va et pourtant on doit rapidement se décider. C’est essentiel de savoir pourquoi on choisit un titre et ce que l’on veut en faire. Et si celui qui choisit ne parle pas japonais c’est difficile.

La preuve se fait dans les chiffres puisque parmi les éditeurs bien placés ou en croissance, en dehors de Pika, on retrouve Kurokawa, Ki-oon : des maisons avec des éditeurs bilingues… Ce n’est pas uniquement à cause de ça bien sur, mais ça joue.

Entre France et Japon : dialogues et relations éditoriales

On sait que la Kodansha a des liens historiques et privilégiés avec Pika. Tu travaillais d’ailleurs chez Kodansha avant d’arriver chez Pika… Comment définir ce lien ?

Alors il faut bien préciser que Pika n’appartient pas à Kodansha, mais à Hachette. Il ne faut surtout pas faire la confusion avec le rapport maison mère – maison fille de Shueisha et Kazé.

De plus, j’aurais très bien pu travailler chez Shôgakukan et néanmoins me retrouver à ce poste… Ou au moins il m’aurait demandé de venir. Surtout que je n’étais pas en CDI chez Kodansha, je travaillais pour eux en freelance, depuis 4 ans.

Le lien est plus historique (Le partenariat Pika – Kodansha avait débuté dès Manga Player, l’ancêtre de Pika, NDLR). Il y a des gens qui se connaissent depuis longtemps, qui s’entendent bien, et ça continue… Pour notre plus grand bénéfice.

Pour continuer sur le dialogue entre éditeurs français et japonais… On a bien vu que les succès nippons ne font pas forcément des succès français. Est-ce que les éditeurs japonais en ont pris conscience ?

Cela fait maintenant plusieurs années que le business de la licence existe, donc on a pu créer des relations de confiance et ils écoutent les arguments de la personne en face. De plus il y a maintenant suffisamment d’exemples qui leur prouvent que le succès n’est pas automatiquement transférable du Japon à la France.

Je ne sais pas quel image les japonais et les éditeurs japonais ont en France mais je trouve qu’ils sont ouverts à la discussion et qu’on peut avancer avec eux, même sur des sujets difficiles. Ça prend du temps, mais le dialogue existe.

De l’extérieur il est assez difficile de savoir sur quel pied danser. Grégoire Hellot de Kurokawa, expliquait il y a peu qu’ils sont devenus plus coulants sur certaines choses et plus exigeants sur d’autres. Kim, tu n’es pas revenu en France depuis longtemps mais toi, Laure, as-tu perçu cette évolution ?

Laure : Effectivement il y a des changements.

Kim : Disons déjà qu’ils demandent plus d’effort de promotions.

Laure : Ils sont plus vigilants. Mais en même temps, si tu t’y prends bien, ils te permettent plus de choses. C’est toujours beaucoup de contraintes et beaucoup de boulot parce qu’ils font plus attention à ce que l’on fait.

Ils sont plus exigeants mais accèdent à plus de demandes s’ils sont satisfaits du travail en fait ?

Laure : Voilà, c’est mon ressenti sur ces dernières années.

Magazine de prépublication et ligne éditoriale

Venons en maintenant à ton cœur de métier : le choix des licences. Que ce soit sur le plan personnel ou professionnel est-ce que tu as des magazines de prépublication japonais préférés ?

Travaillant avec Kodansha, on regarde beaucoup dans le Weekly Shônen Magazine, forcément.  Je pense qu’il y a beaucoup de potentiel dans le magazine Morning, comme on peut le voir ici avec Jésus et Bouddha par exemple. En plus Morning est un magazine très tourné vers l’international, très ouvert. C’est l’un des services éditoriaux manga avec le plus de personnes chez Kodansha mais aussi l’un de ceux qui est le plus à l’affut de nouvelles choses.

Niveau shôjo… C’est un marché plus compliqué. Il y a Nakayoshi un magazine où l’on retrouve Shugo Chara qui a bien marché et c’est celui qui a vu naître Sailor Moon, tout de même !

Ensuite Shogakukan publie des choses intéressantes dans le Sunday. Leurs seinens sont plus destinés aux salary-men japonais, c’est donc plus compliqué pour le marché français, même si on retrouve des choses intéressantes dans le Sunday Gene-X. Ils ont pas mal de choses intéressantes en shôjo mais… En fait on reçoit assez peu de magazines de chez Shogakukan et c’est une des choses que je vais changer d’ailleurs, parce qu’on a eu beaucoup de succès avec Black Bird du Betsucomi. Je pense que c’est quelque chose à creuser.

Ensuite on a Kadokawa… C’est quand même beaucoup plus otaku, c’est beaucoup plus compliqué de trouver quelque chose qui peut marcher en France. Square Enix on travaille assez peu avec eux, ils n’envoient pas de magazine donc il reste encore des étapes à passer.

Puisque l’on parle de magazine, revenons sur l’un de ceux que tu as cités : Morning. On a l’impression que ce magazine est fait pour nous car beaucoup de ses titres ont rencontré le succès chez nous : Vagabond, Billy Bat, Jésus & Bouddha, Cesare… Qu’est-ce qui fait que ce magazine semble si bien s’accorder avec le public français ?

Aaah, bonne question ! J’ai justement rencontré monsieur Furukawa qui a été pendant très longtemps rédacteur en chef de Morning et qui m’expliquait que c’est un magazine qui essaye de voir ce qui se fait à l’étranger pour intégrer les éléments intéressants dans ces œuvres. Ils acceptent des mangakas qui n’ont pas forcément un trait manga caractéristique et qui se rapproche parfois de la BD Franco-Belge ou du Comics, dans une version plutôt underground. Ils possèdent quelques œuvres fortes que l’on suit depuis des années comme Shachô Shima Kosaku – qui dure depuis des années – et qui fonctionnent bien et leur permet d’essayer des choses différentes à coté.

Je pense que c’est cette ouverture au monde qui leur permet de toucher un lectorat plus large, y compris le notre.

Si on en vient au catalogue Pika, et ta ligne éditoriale. On a parlé tout à l’heure de tes ambitions sur le seinen… Quid du shônen ?

Le shônen reste une valeur sure du marché français, on ne va pas l’abandonner. Fairy Tail par exemple, est une excellente série. Je suis une grande fan de l’auteur, encore plus depuis que j’ai eu l’occasion de le rencontrer.

L’avantage du shônen est qu’il est lu par tout le monde : très jeune – dès 8 ans – et par les adultes, par les garçons et par les filles. Néanmoins, je pense qu’il y a de plus en plus de nuances à l’intérieur de ce secteur : certains se rapprochent du seinen, comme L’attaque des Titans pendant que d’autres restent pour les plus jeunes, comme Kingdom Hearts.

Je continue d’ailleurs de chercher des shônens un peu plus gores, car ces œuvres plus sombres ont plus d’avenir que les shônens avec des histoires d’amour par exemple, comme Ah ! My Goddess.

Mais on ne perd pas de vue l’objectif principal qui est de faire un catalogue pour tout le monde, en développant un catalogue pour les plus petits et – via les seinen ou les shônens plus matures – pour les plus grands. C’est ça ma mission : élargir la cible de Pika.

Et pour élargir ce public vous avez également lancé une collection consacrée à la fantasy : Black Moon Graphics…

Tout a commencé avec Twilight. Avec le système de fonctionnement du groupe Hachette, on a pu le sortir en France et aux Etats-Unis en même temps. C’était un titre un peu ovni mais il a fonctionné et on a senti une demande d’un lectorat féminin un peu plus âgé avec des titres plus sombres… Qu’on ne retrouve pas vraiment dans le manga justement. La représentation féminine est très différente entre les Etats-Unis et le Japon.

Ces titres nous permettent donc de toucher des filles qui ne se retrouvent pas forcément dans les shôjos.

Black Moon Graphics est une extension de la collection Black Moon du groupe Hachette qui s’occupe de Twilight, Sublimes Créatures et ça nous permet de faire le lien pour séduire le public par le coté graphique.

Mais on vient juste de commencer et nous restons donc très prudents. Sur 2013 on va continuer et nous en sortirons un après Sublimes Créatures. Par contre je suis très sélective sur les titres.

La recherche du manga universel et la gestion des titres de niches

Fairy Tail est arrivé en 2008 et Pika en profite aujourd’hui en termes de ventes, en se plaçant au niveau de Kana. Mais depuis l’arrivée de Fairy Tail, on n’a toujours pas vu de nouveaux blockbusters…

En France certes mais au Japon de nouvelles séries phares sont en train d’arriver, comme L’attaque des Titans justement. Mais effectivement, on ne retrouve plus le souffle de l’aventure qu’on pouvait ressentir auparavant.

Ce qui se passe actuellement au Japon est très intéressant : les éditeurs sont à l’affut. Par contre on peut constater que le marché s’émiette, il y a de plus en plus de niches, comme les light novel par exemple, ou les histoires d’une héroïne mais qui peut aussi intéresser un public masculin qui achètera tous les produits dérivés autour pour qu’ils fassent ensuite tout leur argent là-dessus.

Mais il n’y a plus l’universalisme qu’on a pu constater sur One Piece ou Naruto qui sont arrivés au même moment, ou même sur Fairy Tail qui est arrivé un peu plus tard.

Mais…Réfléchit

Je sens un frémissement ces temps-ci. Certains magazines essayent de retourner aux bases, comme le Weekly Shônen Magazine, qui recherche un nouveau Fairy Tail. Ils ont de toute façon besoin d’une licence forte, car les ventes des magazines continuent de s’éroder et ils ressentent les effets de cette crise. Ils ont essayé pendant un certain temps de chercher des niches mais ce n’est pas aussi efficace, donc ils tentent de revenir à des fondements plus solides, à plus d’universalisme. Mais ils n’ont pas encore trouvé et pour l’instant en France on reste victime de cet état de fait.

On évoquait tout à l’heure de titres difficiles, dont la publication est parfois ralentie. Dans une interview précédente tu expliquais que les réimpressions ne sont pas envisageables pour de trop faibles tirages…Où est située cette limite ?

Le problème se rencontre pour les séries qui se vendent à moins de 1 000 exemplaires. Et il y en a !

En France c’est un sujet sur lequel on travaille justement, pour trouver une façon de faire des petites réimpressions afin que tout le monde soit content, les fans de la série en premier lieu. Pour nous c’est toujours un investissement et l’argent qui est mis dans une réimpression c’est une somme qui ne sera pas investie sur la promotion de titre qui touche davantage de gens.

C’est un équilibre délicat à trouver.

Dans les années à venir j’espère qu’on pourra trouver un compromis pour abaisser ce seuil d’impression avec l’évolution des techniques et la réduction des couts. Mais ce n’est pas encore pour tout de suite, malheureusement.

Passons maintenant à un titre d’actualité et à un challenge intéressant sur le plan éditorial : Chihayafuru. Ce titre porte sur le karuta, un jeu très marqué par la culture japonaise et qui représente donc de multiples problématiques sur la traduction, le format, la présentation au marché français… Comment vous avez choisi le titre et comment vous avez abordé son adaptation ?

C’est une très bonne question ! (Rires)

J’adore ce titre mais je dois t’avouer qu’au départ je ne connaissais rien au karuta. Néanmoins je me suis aperçue que ça n’avait pas d’importance. Ce titre revient, comme on l’évoquait tout à l’heure, aux bases de l’universalité du manga. Il peut plaire aux filles comme aux garçons, de 12 à 25 ans et plus parce qu’il y a une vraie passion, du suspens, de l’émotion, de l’amitié… Le karuta n’est qu’un prétexte.

À la base l’auteur n’a fait que du karta en club au lycée, et donc ne s’y connaissait pas trop non plus dans le domaine, c’est son éditrice qui est une passionnée et qui fait du karta en compétition qui lui a soumis l’idée. Et, comme les japonais sont forts pour faire des mangas sur tout et n’importe quoi, elle s’est lancée.

Je pense même que son coté non-professionnel a été un plus pour le manga, afin d’éviter des situations de jeu trop complexes. Elle ne mettait que les situations à sa portée, et donc plus à la portée de tout le monde. Quand on lit le bouquin, on apprend les règles très progressivement et assez facilement, mais on peut très bien zapper cet aspect, on comprend quand même l’histoire. Les relations entre personnages restent le point essentiel du titre.

C’est ce type de raison qui ont fait le succès de titre comme Hikaru no Go d’ailleurs.

Un bon parallèle pour un titre qui vient de s’achever : Kings of Shôgi, un thriller qui se déroule dans le monde du shôgi professionnel… Quel bilan sur ce titre, a-t-il rencontré le succès ?

Kim : Pas vraiment. Le cas est néanmoins différent, car on est sur un seinen cette fois-ci, mêlé à un thriller. Je n’étais pas encore en place mais je sais que Pika a beaucoup travaillé sur la collaboration avec la Fédération Française de Shôgi. On a beaucoup mis en avant le shôgi, le fonctionnement du jeu, etc. Mais là aussi le shôgi n’était qu’un prétexte.

Laure : Et du coup on n’a pas assez mis en avant le fond de l’histoire, ce coté polar-thriller qui est finalement plus universel.

Kim : Une erreur qu’on ne fera pas sur Chihayafuru. On fera plus light sur le jeu et on insistera sur les personnages.

Finalement on voit donc que la thématique d’un manga peut passer en second plan…

C’est vrai que si l’histoire est bonne et que les personnages réussis c’est le principal.

Néanmoins on entend souvent les éditeurs réfléchir à deux fois avant de se lancer sur certains types de manga comme le furyo par exemple, ou le shônen sportif. Personne ne ferme la porte mais on sent qu’il y a tout de même certaines barrières…

Effectivement quelques types de mangas sont plus épineux. Je pense que le problème fondamental reste la représentation des rapports humains dans ces mangas. C’est ça qui définit la crédibilité ou non d’un manga en France.

Le furyo par exemple, pose un souci : on parle de personnages dont le but est de se bagarrer. On n’est pas vraiment dans ce trip en France. Même chose avec le hentai japonais un peu trash où le personnage est excité par une scène de viol.

Il y a des différences de vision sur les rapports homme-femme bien souvent, mais aussi sur les rapports sociaux … Pour l’avoir vu de près au Japon, la femme japonaise décrite dans les manga a des objectifs dans la vie qui ne sont pas les mêmes que la femme française : se marier, avoir des enfants et arrêter son travail, mais pas du tout une envie d’indépendance. Ce sont des choses qui sont difficiles à accepter chez nous.

Je pense que les limitations sont surtout là. Si on peut se retrouver dans les personnages on peut prendre n’importe quel genre d’univers…

Quid de la politique d’auteur ?

Lorsque l’on pose la question « est-ce que le nom d’un mangaka peut faire vendre ? », les réponses divergent… Quel est ton point de vue ?

La question est difficile, ça dépend beaucoup des auteurs !

Si on prend l’exemple des CLAMP on s’aperçoit que leur nom a fait vendre mais que ce n’est plus aussi vrai maintenant…

En fait au-delà du nom de l’auteur, il y a aussi une question de timing. Si on relance un auteur qui était très connu il y a dix ans, on n’a absolument aucune garantie que le titre fonctionne. La nouvelle génération de lecteur qui est arrivée se moque bien du succès passé du mangaka.

Si on prend l’exemple de Fujisawa le succès semble perdurer…

Oui, mais quand il reste sur l’univers de GTO, qui fait partie des œuvres intemporelles. De plus on a pu sortir en même le nouveau GTO shônen 14 Days ET une réédition en volume double du premier GTO, pour tous ceux qui ne l’avaient pas connu. On avait donc une œuvre récente et une nouvelle et c’est comme ça que ça a bien pris.

Après je pense qu’il en faut pas se reposer sur le nom de l’auteur. Fujisawa reste un bon exemple puisque ses autres séries n’ont pas vraiment bien marchés.

CLAMP c’est un peu compliqué car il y a des variations énormes entre leurs séries.

Maintenant il y a tellement de moyens de s’informer sur une série, ne serait-ce que par les previews, que les lecteurs ne vont pas s’arrêter au nom de l’auteur et vont se renseigner sur l’histoire. Pour les lecteurs français je pense que le plus important reste le scénario puis le dessin mais le nom de l’auteur en soit n’est pas suffisant.

Le questionnaire manga

Pour finir, voici 8 questions pour connaître un peu mieux Kim Bedenne…

1.   À quel titre dois-tu ton premier souvenir de manga ?

Réfléchit… Je pense que ça doit être Ranma ½

2.   Quel est celui qui t’a donné ta plus grande émotion ?

Compliqué ça… En fait il s’agit d’un manga qui n’est pas encore publié en France, par Takashi Nagasaki (le scénariste de Billy Bat), qui se nomme: Dias Police. Il est publié dans le Morning, lui aussi !

3.   Le manga que tu donnerais à lire à ton pire ennemi

Kim : (Rires) Ah ce n’est pas facile ça ! Le plus pourri ?

Laure : Ou alors un qui n’a pas de fin !

Kim & Laure, en cœur : X de CLAMP ! (Rires)

4.   Un blockbuster sur lequel tu n’as jamais vraiment accroché ?

One Piece.

5.   A l’inverse quel est le flop que tu trouves injuste ?

RéfléchitNodame Cantabile

6.   Un titre pour mieux comprendre Kim Bedenne ?

Aaah, un où je me retrouve… Je dirais les mangas de Zelda.

7.   Un titre qui est chez l’un de tes concurrents que tu aurais aimé avoir dans ton catalogue ?

Les vacances de Jésus & Bouddha

8.   Et pour finir : quel est le titre que tu attends le plus ?

Le prochain shônen des CLAMP. J’ai lu et beaucoup aimé Tsubasa Chronicle, je pense qu’elles ont un vrai talent dans ce domaine.

Merci !

Remerciements à Kim Bedenne et Laure Peduzzi pour leur temps et leur réponses détaillées et leur bonne humeur ! Remerciements également à Leang Seng et Danielle Gueugnot pour les photos (© Paoru.fr), que vous pouvez toutes retrouver dans le panorama complet ci-dessous :

Retrouvez nos interviews éditeurs en manga et japanime :

Manga

Doki-Doki (mai 2012)

Glénat (mars 2009, décembre 2012)

IMHO (avril 2012)

Isan Manga (mars 2013)

Pika (avril 2013)

Kana (novembre 2012)

Kazé Manga (avril 2011 – janvier 2012)

Ki-oon (avril 2010 - avril 2011 – janvier 2012 – janvier 2013)

Kurokawa (juin 2012)

Ototo – Taifu (octobre 2012)

Tonkam (avril 2011)

Japanimation

Black Bones (décembre 2012)

Wakanim (Juin 2012)