Quand Hollande pactise avec ces diables d'entrepreneurs

Publié le 01 mai 2013 par Juan

C'est un réflexe, inutile mais inévitable.
Quand François Hollande a reçu 300 "entrepreneurs", riches ou moins riches, dans le salon Murat de l'Elysée, on a compris que la chose ferait sonner quelques cloches. Sur Twitter et ailleurs, ce fut d'ailleurs le tintamarre. Car certains, à gauche, pensent encore la politique comme une action exclusive et sans partage, uniforme et sans facettes: à les entendre, si Hollande s'occupe des entrepreneurs, cela signifiait nécessairement qu'il délaisse les travailleurs. Ce serait un signal, qu'il a choisi. Comme pour mieux les provoquer, quelques figures émérites de l'entrepreneuriat version libérale tels Charles Beigbeder ou Arnaud Dassier affichaient leurs mines réjouies dans le Salon Murat de l'Elysée.
Hollande "donne du grain à moudre aux pigeons" commente Libé. "Mélenchon décrypte les cadeaux de Hollande au patronat" ajoute L'Humanité.
Qu'avait donc osé notre président de la République ?
Il avait conclu les Assises de l'entrepreneuriat, organisés depuis janvier par la ministre Fleur Pellerin.
Ces assises avaient débouché sur 44 mesures, détaillées sur le site du ministère. Nous en retiendrons 4.
1. Simplifier le régime fiscal des plus-values de cession, avec la création de deux régimes: le régime commun (abattement de 50% après deux ans de détention, 65% après 8 années); le régime "incitatif" avec abattement à 50% après un an de détention , 65% après quatre ans,  85% après 8 ans. Ce dernier est réservé aux départs à la retraite du dirigeant, aux Jeunes Entreprises Innovantes, aux cessions intra-familiales; aux cessions de titres de PME de moins de 10 ans. Toutes les plus-values de cession de part ou de société seront donc soumises à la taxation, alignée sur le barème de l’impôt sur le revenu, mais avec les abattements susvisés. C'est un sujet sensible. Mélenchon attaque vite: "Il faut décourager l’argent vite placé qui rentre et qui sort." Certes, mais le problème du financement des PME est ... urgent. L'argent "vite placé qui rentre et qui sort" est d'abord - et massivement - ailleurs: en Bourse.
2. Supprimer l'indicateur 040 qui "étiquetait" les dirigeants de PME ayant subit l'échec.
3. Sensibiliser les élèves à l'entreprise.
Hollande reprend l'idée des Assises, un programme éducatif "sur l’esprit d’initiative et l’innovation" mis en place de la sixième à la terminale, et dans l’enseignement supérieur universitaire, avec, notamment, davantage de stages qu'aujourd'hui. Dans Libération, la présidente de l’Association des professeurs de sciences économiques critique la mesure qu'elle juge "réductrice".
"C’est moins dangereux qu’une intervention sur les programmes eux-mêmes, comme certains lobbys avaient essayé de le faire par le passé, et ce, dans toutes les matières. Mais c’est une vision plutôt réductrice de l’entrepreneuriat." Marjory Galy
Pour d'autres, cette mesure est comme un chiffon rouge. Sur France Inter, Jean-Luc Mélenchon dénonce l'amalgame qui serait fait entre l'esprit d'entreprise et la "cupidité". Et d'expliquer, non sans raison, qu'"une entreprise ce n’est pas que des actionnaires, c’est un collectif, un projet humain, un savoir faire". Certes, mais pourquoi tant de craintes ?  Pourquoi penser que sensibiliser des élèves à l'entreprise - sous toutes ses formes - est si dangereux ? Pourquoi critiquer avant de connaître ?
4. Mobiliser davantage l'épargne. La France a un pactole, mais il est planqué dans les bas de laine des épargnants. Le gouvernement augmente les plafonds de versements sur les PEA (à 150 000 euros); et autorise des versements complémentaires jusqu'à 75000 euros pour l'acquisition de parts de PME. Les deux catégories seront soumis aux prélèvements sociaux et à l’impôt sur le revenu à un taux dégressif jusqu'à l'exonération au-delà de 5 années de détention. Ces mesures s'adressent aux particuliers.
Qui pense aujourd'hui que les plus petites de nos entreprises ne sont pas précarisées par la crise ?