Christer Strömholm

Publié le 07 mai 2013 par Lifeproof @CcilLifeproof

Au mois de mars dernier, je suis allé voir l’exposition Post Scriptum présentant les travaux photographiques en noir et blanc de Christer Strömholm, au sein du C/O Berlin. C’était le dernier jour et aussi la dernière fois que je voyais des photos au sein de ce musée renommé et ô combien apprécié de tous les amateurs de photographie moderne et contemporaine. Effectivement, le C/O déménage et rouvrira à la rentrée prochaine, ici : Amerika Haus, Hardenbergstr. 22-24, 10623 Berlin. Après quasiment 7 ans d’activité dans cette vieille poste gardée en l’état, en plein centre de Berlin, il a été décidé que le bâtiment serait vendu à quelque promoteur immobilier. Je ne m’attarderai pas sur le sujet et résumerai la chose comme suis : c’est du GRAND n’importe quoi !


Christer Strömholm "Arles" 1949

Bref, j’en reviens à notre suédois et les présentations s’imposent : Christer Strömholm naquit en 1918 à Stockholm et étudia la peinture à l’académie des arts de Dresden. En 1938, il quitta l’Allemagne pour travailler en tant que coursier au service des Républicains en Espagne et sympathisa avec les anarchistes. Entre 1939 et 1940, il participa à la guerre entre la Finlande et l’Union Soviétique, puis intégra la résistance norvégienne jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. En 1946, Christer Strömholm étudia aux Beaux-arts de Paris où la photographie devient son médium de prédilection. Plus tard, il fonda la Fotoskolan avec Tor-Ivan Odulf, une école de photographie dont il fût le directeur durant dix ans (1962-1972). En 1981, il participa au Festival d’Arles et gagna la médaille d’or, il obtint le prix Haseblad en 1997 et nous quitta en 2002 à Stockholm.

Voici comment Christer Strömholm envisageait son rapport à la photo : "Working with the photographic image is my way of living. When I think about it and look at my pictures more closely, they are all - each in its own way - nothing but self-portraits, a part of my life."

Lorsque l’on voit la façon qu’il avait d’être proche de son sujet, de le respecter, de gagner sa confiance, d’entrer en empathie, en résonance avec lui, tout en évitant l’intrusion, l’indiscrétion, le voyeurisme, cette définition devient plus claire. Le "Je est un autre" de Rimbaud prend ici tout son sens. Qu’il photographie des enfants qui jouent, l’intimité des couples, des transsexuels, des artistes connus, des personnes défigurées par la guerre, l’idée est que l’on se voit toujours dans le portrait d’autrui. Nous pouvons y reconnaître nos forces et nos faiblesses. Photographie existentialiste ? Peut-être… Subjective ? C’est certain. Ces clichés granuleux, contrastés, graphiques, pris seulement avec la lumière disponible, regorgent d’instantanés tour à tour mélancoliques, heureux, poétiques … qui sonnent familiers malgré l’éloignement. Autrement dit le non-familier contient tout de même une part de familiarité suffisamment grande pour susciter le rapprochement, l’empathie. De la photographie qui rend son contenu sensible, accessible directement, sans concept élaboré à lire pour mieux embrasser ce qui est donné à voir. De la photographie à vivre en prise direct, si l’opportunité vous en est donnée, car en petit, à travers un écran, les sentiments décrits tout au long de cet article passent nettement moins bien. 


Christer Strömholm "Puta de Mallorca" 1959

Ce fût de nouveau une très belle exposition au C/O Berlin, sans trop de monde (bizarrement pour un dernier jour) et où planait une atmosphère tranquille. Sans doute due à la combinaison des multiples  impressions délivrées par le travail de Christer Strömholm, du lieu lui-même et de sa fermeture inéluctable. 

Cyril