« Maman, t’as eu mal quand je suis sortie de ton ventre? »

Publié le 07 mai 2013 par Fashionmama @lafashionmama


C’était un matin que rien n’annonçait différent. Un matin plutôt calme, un petit-déjeuner tout à fait normal.

Quand tout d’un coup, Tigresse n°1 me regarde avec ses yeux uniques et claironne « Maman, t’as eu mal quand je suis sortie de ton ventre ? »

Légèrement interloquée, je visionne le film de la grossesse.

Je ressens les nausées interminables du début, le teint hideux, l’humeur de chien, les larmes intarissables façon chute du niagara, les envies insatiables de pommes de terre et de gras, l’acidité qui durait toute la nuit, les combats de king boxing de bébé dans mon utérus, l’allure de montgolfière du dernier trimestre, les chevilles transformées en jambonneaux, le visage au look de grosse poire, les contractions en stoemelincks.

Je me vois dégommer des caffé latte-cookies-chantilly-caramel-cacao et m’enfiler des cornets de mayo frites (non pas l’inverse) sans pouvoir m’arrêter, me demandant si cette grossesse se terminerait un jour.

Je me vois arborer un look de plus en plus improbable au fur et à mesure que j’enfle de partout, je revois ma démarche chaloupée plus proche du dindonneau bourré que d’une femme, celle que j’étais y’a pas si longtemps que ça.

Je me rappelle avoir reluqué avec envie mes jolies jupes, mes talons et enfiler, sans pouvoir même la lacer, une vieille paire de tennis. Je me revois débarquer finalement 3 jours après le terme à la maternité, et hurler aux sages-femmes qu’une grossesse, ça dure 9 mois et pas 10, et qu’il était temps qu’on fasse quelque chose. Je visualise l’attente interminable de la fameuse grosse aiguille de la péridurale et embrasser l’anesthésiste quand il arrive enfin, le messie de ma douleur.

Je me vois réaliser pour la première fois de ma vie que tout dépend de moi. La première intégration de la responsabilité désormais éternelle.

Je revois la tête de celle qui changera à tout jamais ma vie, mon regard sur les autres, ma définition de l’amour et des priorités. Je revois ses yeux grands ouverts, sa touffe de cheveux noirs et longs, ses petits bras tous frêles, son regard profond et intense plongeant ses yeux dans les miens, me conjurant, m’appelant : « Prends-moi ».

Alors je suis revenue à table, à mon petit déjeuner, j’ai regardé ma tigresse d’amour, et je lui ai répondu « un peu ».

Elle n’a pas besoin de savoir le reste.