Aujourd’hui…

Par Hirondellina

Ce matin, je me suis levée, après une nuit sans sommeil, le cœur serré par une tristesse infinie, en pensant à cette journée… En plus, il faisait un temps magnifique… Et moi, qui n’aime que le soleil, cela a ajouté, à ma peine, de ne pouvoir en profiter…

Je n’avais pas faim, mais il a fallu que j’avale quand même quelque chose, pour limiter les dégâts…
Sur le trajet, dans la voiture, je n’ai pas dit un mot, et mon andalou, a respecté ce silence. J’avais mille questions, qui se bousculaient dans ma tête… J’avais, pourtant, presque déjà toutes les réponses, mais malgré tout, j’avais la sensation atroce d’aller complètement vers l’inconnu…
A un moment donné, je me suis dit que j’avais été d’une stupidité sans nom, pour avoir donné mon accord à tous ces mois de galère, qui allaient suivre… Mais avais-je vraiment le choix ? N’aurait il pas été plus monstrueux encore de refuser, plutôt que de me plier ?

En arrivant, après les inévitables formalités administratives, mes jambes tremblaient… Je n’avais qu’une idée en tête, m’enfuir de cet endroit…
Dans le long couloir, j’enrageais, en me répétant sans cesse : « Mais qu’est-ce que je fais là ??? »
Si seulement j’avais pu m’enfuir…

Je suis arrivée dans la petite salle d’attente… Une femme était déjà là. En me regardant, elle a souri, d’un sourire un peu complice, parce que nous étions là, toutes les deux pour la même chose… J’ai détesté ce regard. Je ne me sentais en rien proche d’elle, et j’ai détourné les yeux, sans répondre à son sourire.
Je me suis assise, en tenant toujours très fort la main de mon andalou, et je me suis sentie honteuse. Alors, j’ai regardé à nouveau cette femme, et comme pour m’excuser un peu, je lui ai juste dit : « c’est la 1ère fois »… Elle s’est levée, est venue s’asseoir, sur la chaise vide, à coté de moi. Elle a mis sa main sur mon bras, et m’a dit « Ne vous inquiétez pas, cela va aller… moi, c’est la  3ème fois »…

J’ai été bouleversée par ce geste si compatissant, d’une inconnue, qui deux minutes auparavant, m’était tellement indifférente…
Je me suis mise a pleurer, sans pouvoir m’arrêter… A ce moment là, quelque chose en moi, a changé. Je crois que j’ai pris conscience, que j’ai accepté enfin, que elle et moi, toutes les autres et moi, avions quelque chose en commun…

Peut être qu’à ce moment là, le déni  s’est un peu envolé, comme les hirondelles à l’automne…

Et puis ensuite, on est venu me chercher, et cela a duré des heures et des heures…

J’avais apporté de la lecture, mais je n’ai pas pu lire. Mon andalou et moi sommes restés, pendant toutes ces heures, serrés l’un contre l’autre… Je sentais combien il aurait voulu être à ma place, et j’ai pensé, une fois encore, combien j’avais de la chance, de l’avoir à mes côtés…

Pendant ce temps interminable, nous avons parlé, encore et encore… Nous avons parlé du présent, mais aussi beaucoup de l’avenir… De nos projets, de notre futur voyage de noces, de tout ce que nous ferions après

Tout cela, a été enfin terminé…

Au retour, comme a l’aller, je n’ai pas parlé. Je me suis concentrée sur ce que je ressentais, me demandant si quelque chose, dans mon corps avait changé. Pas grand-chose, en fait, à part une certaine lassitude, et une bonne migraine…
A la maison, je me suis allongée sur le canapé. Pendant que mon andalou me préparait un thé, j’ai entendu les enfants rentrer. J’ai fermé les yeux, pour ne pas croiser leurs regards, et répondre à leurs questions. Je voulais rester dans ma bulle, avant que les « ennuis » commencent… Les « ennuis », mot banal, pour parler des effets secondaires… J’ai senti un petit bisou, sur l’épaule, et j’ai entendu « elle dort »…
Je ne dormais pas, je pensais juste à demain, après demain… à celle que j’allais devenir, ou que j’avais peur de devenir… à cette femme, dans la salle d’attente, seule, avec un visage si creusé… Je pensais aussi à quel point, peut être, ma vie allait changer, et à ce que j’allais pouvoir retirer de tout cela…

Comme beaucoup, je m’attache à certaines dates… Des dates heureuses…

Le mois de mai, est pour moi, un mois très heureux, parce que c’est le mois de ma rencontre avec mon andalou, et ce mois de mai 2013, est d’autant plus important que le nombre d’années est particulier…

Le mois de mai sera maintenant un mois moins joli…
Il est des dates dont on veut se souvenir, parce que le bonheur y est associé. Et puis, il y a d’autres dates que l’on voudrait oublier, parce qu’elles marquent un avant et un après

Si j’écris ces quelques lignes ce soir, c’est dans l’intention de les relire, un jour, le jour où ce cauchemar aura pris fin… Je le fais,  pour garder une trace de ce jour que j’aimerai déjà effacer, mais qui existe, de ce jour fantôme, 1er jour de beaucoup d’autres…

Aujourd’hui, 7 mai 2013, c’était ma 1ère chimio…