André Chamson, le Gaulois des Cévennes

Par Amaury Piedfer
L’Académicien André Chamson fut un homme d’honneurs et de pouvoirs. Diplômé de l’Ecole des Chartes en 1924, à 24 ans, il mène une brillante carrière de Conservateur de Musée, avant d’être promu Directeur des Archives de France en 1959, poste qu’il détient jusqu’en 1971. Décoré de la Croix de Guerre (1939-1945) et de la Médaille de la Résistance, André Chamson est aussi reconnu pour ses talents d’écrivain : il est élu en 1956 à l’Académie française.
Toute son œuvre littéraire se nourrit, plus encore que de sa remarquable érudition, de son amour profond pour sa terre natale, celle de ses ancêtres : les Cévennes. André Chamson est né à Nîmes (Gard), d’une famille protestante originaire de la montagne cévenole à laquelle il resta viscéralement attaché toute sa vie. L’essentiel de sa production littéraire est ainsi une ode dédiée à sa petite patrie : la terre, les roches, les puissants massifs forestiers, mais aussi les hommes et leurs passions, leurs caractères parfois durs comme le granit, parfois tendres comme le calcaire, forment la charpente de ses récits. L’exaltation, sans aucun doute, est le sentiment qui anime l’auteur et qui lui donne cette incroyable capacité à donner du sens aux événements les plus anodins en apparence ; l’exaltation conduit aussi le jeune André à entretenir des liens particulier avec le domaine de la nature sauvage :
« Nous parlions peu. Nous allions vite. Sans économie ni prévoyance. Pressés de quitter les régions où l’homme était maître, les jardins dominés par les réservoirs, les vignes alignées comme des courbes de niveau, les potagers où balancent les tournesols... nous tendions les jarrets, nous penchions la tête, anxieux de nous trouver face à la montagne, dans 1a montagne, avides d'entrer au pays des légendes et de trouver enfin, face à nos yeux, en plein visage, droit sur nous, à pleine bouche, la tempête annoncée par le garde.
Cette approche de la montagne, de la région sauvage, se faisait en plusieurs paliers, en plusieurs étapes. Il y avait (je m'en souviens encore avec la même fièvre de plein air, une fièvre faite par la simple chaleur du corps au contact du vent froid) plusieurs moments pendant lesquels nous nous sentions entrer dans un monde nouveau. C’était comme un détachement progressif de la vie étroite de la petite ville et la découverte d'une vie nouvelle. »

L’Aigoual, 1930
Chamson livre à ses lecteurs plus que ses sentiments intimes : c’est toute une vision du monde et de la vie qui se dégagent de ses fresques vivantes et imagées. Les principaux chemins empruntés sont ceux des souvenirs d’une enfance enracinée (L’Aigoual ; Les Quatre Elements), des épopées familiales (Le Crime des Justes ; Roux le Bandit ; Adeline Venician), de récits d’hommes pris dans les grands mouvements de l’Histoire (Les Hommes de la Route ; L’Auberge de l’abîme). Et c’est toujours à travers le spécifique, le particulier, l’original, que Chamson parvient à atteindre une forme d’universalité : c’est d’abord en connaissant les hommes, en observant la vie des siens, en cherchant à comprendre son Histoire, que l’on peut espérer échapper aux jugements erronés ou superficiels et comprendre les hommes en général.
Ce protestant convaincu, grand amateur d’humanités, a un regard enchanté sur le monde : il voit la vie et le sacré partout, et partout l’une et l’autre sont indissociables. La beauté du monde se déroule naturellement à celui qui veut bien voir, à celui qui prend le temps, à celui qui ne ménage pas ses efforts, qui ne recule pas devant la souffrance pour découvrir ce qui n’est pas immédiatement offert. Un vrai guide, ou du moins un éveilleur, pour celui qui cherche à se dépasser, un ami bienveillant qui ne dicte rien mais invite à Devenir ce qu’on est, comme il l’affirme dans l’essai qui porte ce titre, publié en 1961.

Le Mont Aigoual dans les Cévennes, auquel André Chamson était viscéralement attaché

Profondément amoureux des Cévennes, Chamson fut aussi un patriote français, comme le démontre son parcours personnel, mais aussi son livre Nos ancêtres les Gaulois (1958), dans lesquels il renoue avec la mystique nationale chère à la République, en un temps où celle-ci ne s’était pas encore perdue dans un universalisme abscons et mortifère.
Il n’est pas question de donner ici une bibliographie complète de l’auteur, tant l’œuvre est abondante, mais on rappellera cependant que les éditions Omnibus ont réédité une grande partie de ses romans en deux volumes intitulés très justement « Le livre des Cévennes ».
Pour sa biographie officielle de l’Académie française : cliquez ici.
Le site de la radio Canal Académie propose une liste complète des ouvrages d’André Chamson et de sa fille, Frédérique Hébrard, ainsi qu’une émission où cette dernière parle longuement de son père et du pays cévennol : cliquez ici.

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Amaury Piedfer....