Página/12 de plus en plus sur le chemin du dialogue [Actu]

Publié le 09 mai 2013 par Jyj9icx6

Extrait de la une de l'Osservatore Romano daté d'hier
Le gros titre se traduit "Comme un vrai papa" et cela se rapporte à l'Esprit Saint
qui aime les hommes comme un véritable père.

On a beau dire, c'est émouvant... Página/12 a rendu compte ce matin du Día de la Virgen de Luján tel qu'il a été célébré à Rome hier par le Pape. Une première pour ce quotidien si franchement hostile à la religion et qui a décidément bien du mérite de s'engager comme il le fait, avec des hauts et des bas, dans un raisonnement tolérant, nouveau pour lui et dont il ne se sert pas pour draguer un nouveau lectorat. Pour tout dire, je me suis si bien habituée à ce changement de cap courageux que je m'attendais un peu à ce qu'il y ait quelque chose sur le sujet dans l'édition d'aujourd'hui. Parfois je me dis que notre presse à nous, pour longue que soit la tradition démocratique qui la fonde et dont elle se revendique, pourrait prendre sur leur marbre quelques leçons de dignité et de respect du lecteur.
Comme depuis de nombreuses semaines, c'est à la journaliste Elena Llorente, installée à Rome, que l'on doit le papier qui reprend les différentes déclarations du Pape dans la journée d'hier. Aujourd'hui, je vous livre la traduction de l'article intégral pour que vous puissiez juger de la manière dont ce quotidien accepte d'évoluer, démontrant une nouvelle fois que, de tous les titres nationaux argentins, il est le plus adapté à un mode de fonctionnement démocratique, malgré son positionnement militant parfois à la limite de la propagande (ce qu'il partage avec tous les titres sud-américains).
Francisco recordó su infancia y pidió un aplauso para la Virgen de Luján

Una misa con ecos de Argentina

El Papa habló de los excluidos del pasado y se congratuló del cambio de época: “Cuando era niño se escuchaba decir ‘a la casa de ellos no vamos porque no son casados por la Iglesia’”. Titre et chapeau de l'article de Página/12 (en pages intérieures)
François a rappelé son enfance et demandé qu'on applaudise la Vierge de Luján Une messe aux échos d'Argentine Le Pape a parlé des exclus du passé et s'est félicité du changement des temps. Quand j'étais encore, on entendait dire Chez ceux-là, nous n'allons pas parce qu'ils ne sont pas mariés à l'église. (Traduction Denise Anne Clavilier)
El papa Francisco recordó ayer en la audiencia general del miércoles a su país natal, pidiendo un aplauso especial para la Virgen de Luján, patrona de la Argentina. “En este día en el que se celebra a Nuestra Señora de Luján, celestial patrona de Argentina, ¡un aplauso para la Virgen de Luján! ¡Más fuerte! No lo escucho. ¡Más fuerte!”, dijo el Papa mientras los peregrinos argentinos que se hallaban entre los 75.000 fieles que ocupaban la plaza de San Pedro estallaban en aplausos. “Deseo hacer llegar a todos los hijos de esas queridas tierras argentinas mi sincero afecto, a la vez que pongo en manos de la Santísima Virgen todas sus alegrías y preocupaciones”, dijo el papa Francisco. Elena Llorente, Página/12
Le Pape François s'est souvenu hier à l'audience générale du mercredi de son pays natal, en réclamant qu'on applaudisse en particulier la Vierge de Luján, patronne de l'Argentine. "En ce jour où l'on célèbre Notre Dame de Luján, patronne céleste de l'Argentine, applaudissez la Vierge de Luján ! Plus fort ! Je n'entends pas ! Plus fort !" (1) a dit le Pape alors que les pèlerins argentins qui se trouvaient parmi les 75 000 fidèles qui occupaient la place Saint-Pierre éclataient en applaudissement. Je souhaite faire parvenir à tous les fils de ces terres bien-aimées argentines mon affection sincère, tandis que je remets entre les mains de la Très Sainte Vierge toutes leurs joies et leurs soucis, a dit le Pape François. (Traduction Denise Anne Clavilier)
Pero la jornada del papa argentino fue densa en estímulos y enseñanzas para su gente. Frente a una Iglesia, que en Italia y en Europa en general, es muy tradicionalista, estática y frecuentada casi exclusivamente por gente mayor, el pontífice sacó a relucir nuevas frases provocadoras para sacudir y atraer a quienes se alejaron alguna vez o tal vez nunca estuvieron en el redil católico, como los divorciados y los ateos, pero también contra los “arribistas y escaladores” y para quienes, aun dentro de la Iglesia, como las monjas, se sienten desganados o han perdido las fuerzas. En los tres actos principales de su agenda de ayer, la cotidiana misa en la capilla de Santa Marta –la residencia donde se aloja–, la audiencia privada que concedió a las monjas que participan de la Asamblea General de la Unión Internacional de Superioras Generales y la audiencia general en la plaza de San Pedro, hizo referencia a estos temas. Elena Llorente, Página/12
Mais la journée du pape argentin a été dense en encouragements et en enseignements aux siens (2). Face à une Eglise, qui en Italie et en Europe en général, est très traditionaliste, étatique (3) et fréquentée presque exclusivement par des gens âgés (4), le Souverain Pontife a sorti de l'armoire de nouvelles phrases provocatrices (5) pour secouer [le cocotier] et attirer ceux qui ont un jour pris le large ou n'ont peut-être jamais été dans le filet catholique, comme les divorcés et les athées (6) mais aussi contre les arrivistes et les carriéristes et pour ceux qui, toujours dans le sein de l'Eglise, comme les sœurs, se sentent dévitalisées ou ont perdu des forces (7). Dans les trois cérémonies principales de son agenda d'hier, la messe quotidienne dans la chapelle de Sainte-Marthe -la résidence où il loge-, l'audience privée qu'il a accordée aux sœurs qui participent à l'Assemblée Générale de l'Union Internationale des Supérieures Générales et l'audience générale sur la place Saint-Pierre, il a fait référence à ces sujets. (Traduction Denise Anne Clavilier)
Los hombres y mujeres de Iglesia que son arribistas, escaladores, que usan al pueblo, a la Iglesia, a los hermanos y hermanas –a los que deberían servir– como trampolín para sus propios intereses y ambiciones personales hacen un daño grande a la Iglesia”, dijo Francisco en su discurso a las monjas que recibió en audiencia privada en la sala Pablo VI del Vaticano. A las madres superioras y, por ende, a todas las mujeres que han consagrado su vida a la Iglesia, les habló sin pelos en la lengua –cosa bastante extraña en un papa, pero al mismo tiempo por eso muchos lo admiran– de pobreza, de obediencia y de castidad. “Pero por favor, una castidad ‘fecunda’, una castidad que genera hijos espirituales en la Iglesia. La consagrada es madre, debe ser madre ¡y no una solterona! Disculpadme si hablo así, pero es importante esta maternidad de la vida consagrada, ¡esta fecundidad!” En cuanto a la pobreza “se aprende con los humildes, los pobres, los enfermos y todos los que están en los suburbios existenciales de la vida. La pobreza teórica no nos sirve. La pobreza se aprende tocando la carne de Cristo pobre, en los humildes, los pobres, los enfermos, los niños”, les dijo, recordando además que la pobreza “enseña la solidaridad, el compartir y la caridad, y que también se expresa en una sobriedad y alegría de lo esencial, que pone en guardia ante los ídolos materiales que ofuscan el auténtico sentido de la vida”. Elena Llorente, Página/12
"Les hommes et les femmes d'Eglise qui sont arrivistes, carriéristes, qui se servent du peuple, de l'Eglise, des frères et sœurs qu'ils devraient servir comme d'un tremplin pour leurs propres intérêts et ambitions personnelles font grand tort à l'Eglise, a dit François dans son discours aux sœurs qu'il a reçues en audience privée dans la salle Paul VI du Vatican (8). Aux mères supérieures et par conséquent à toutes les femmes qui ont consacré leur vie à l'Eglise (9), il a parlé sans langue de bois (10), chose assez étrange chez un pape (11) mais en même temps c'est pour cela que beaucoup l'admirent- de pauvreté, d'obéissance et de chasteté (12). "Mais je vous en prie, une chasteté "féconde", une chasteté qui donne des fils spirituels à l'Eglise. La consacrée est mère, elle doit être père et non pas vieille fille ! Pardonnez-moi de parler ainsi mais elle est importante, cette maternité de la vie consacrée, cette fécondité !" (13) Quant à la pauvreté, "on l'apprend avec les humbles, les pauvres, les malades et tous ceux qui se trouvent dans les faubourgs existentiels de la vie. La pauvreté théorique ne nous sert à rien. La pauvreté s'apprend en touchant le corps du Christ pauvre, chez les humbles, les pauvres, les malades, les enfants", leur a-t-il dit, en rappelant de surcroît que la pauvreté enseigne la solidarité, le partage et la charité, et qu'elle s'exprime aussi dans une sobriété et une joie de l'essentiel, qui met en garde contre les idoles matérielles qui offusque le sens authentique de la vie. (Traduction Denise Anne Clavilier)
No se sabe cómo reaccionaron las madres superioras ante semejante mensaje. Lo cierto es que las mujeres tienen poco o ningún poder en la Iglesia. Las que viven o trabajan en el Vaticano no tienen gran autoridad. Se ocupan de muchas tareas domésticas, por decirlo así, como cocinar, limpiar y mantener los departamentos donde viven los cardenales o atender la centralita telefónica de la Santa Sede. Y si por casualidad un periodista se acerca a una monja para hacerle una pregunta en la plaza de San Pedro, ella sale corriendo, a diferencia de los sacerdotes, que opinan y hacen declaraciones sin problemas. Se ha hablado mucho del rol de la mujer en la Iglesia Católica pero, a diferencia de otras religiones, sigue siendo subordinado. Muchos esperan que el papa Francisco también cambie eso. Elena Llorente, Página/12
On ne sait pas comment ont réagi les mères supérieures devant semblable message (14). Ce qui est sûr, c'est que les femmes ont peu, voire aucun pourvoir dans l'Eglise. Celles qui vivent ou travaillent au Vatican n'ont pas grande autorité. Elles s'occupent de nombreuses tâches ménagères, pour ainsi parler, comme faire la cuisine, le ménage, entretenir les appartements où vivent les cardinaux ou tenir le petit standard téléphonique du Saint-Siège. Et si par hasard, un journaliste s'approche d'une sœur pour lui poser une question sur la place Saint-Pierre, elle part en courant, à la différence des prêtres, qui s'expriment et font des déclarations sans problème (15). On a beaucoup parlé du rôle de la femme dans l'Eglise Catholique mais, à la différence d'autres religions (16), il reste subordonné. Beaucoup espèrent que le Pape François change aussi cela. (Traduction Denise Anne Clavilier)
En la misa en Santa Marta, el Papa recordó su infancia y lo retrógrados que eran los católicos entonces. “Cuando yo era niño se escuchaba decir a las familias católicas: ‘No, a la casa de ellos no podemos ir porque no son casados por la Iglesia’, o porque son socialistas, o porque son ateos. Era como una exclusión. No se podía ir”, dijo haciendo referencia a su vida en Buenos Aires, tal vez en la década del 50, antes del Concilio Vaticano II de los años ’60 que cambió un poco la vida de la Iglesia. “Ahora, gracias a Dios, no se dice más así. La Iglesia ha cambiado en estos últimos 50 o 60 años. El cristiano que quiere llevar el Evangelio debe ir por este camino y ¡escuchar a todos!”, concluyó el pontífice. En Italia, aunque existe el divorcio desde los años ’70, la Iglesia siempre fue muy cerrada con los divorciados, no permitiéndoles, entre otras cosas, tomar la comunión si se habían vuelto a casar. Pero el papa Francisco, consciente de la profunda crisis por la que atraviesa la Iglesia en este sentido, ya encargó a monseñor Vincenzo Paglia, responsable del “ministerio” vaticano que se ocupa de la familia, redactar un documento con nuevas soluciones para los divorciados. Aun existiendo la ley del divorcio, hasta hace algunos años la mayoría de la gente se separaba pero nunca llegaba al divorcio, tal vez precisamente por razones religiosas. Pero ahora las cosas son diferentes y Francisco, por lo visto, está decidido a “construir puentes”, como él dice, para acercar a los que están del otro lado. Elena Llorente, Página/12
A la messe à Sainte Marthe, le Pape a rappelé son enfance et à quel point les catholiques étaient alors rétrogrades (17) Quand j'étais enfant, on entendait dire dans les familles catholiques : non, chez eux, nous ne pouvons pas nous rendre parce qu'ils ne sont pas mariés à l'Eglise. Pour parce qu'ils sont socialistes ou parce qu'ils sont athées. C'était comme une exclusion. On ne pouvait pas y aller, a-t-il dit en faisant référence à sa vie à Buenos Aires, peut-être dans les années 50 (18), avant le Concile Vatican II des années 60, qui a changé un peu la vie de l'Eglise (19). Aujourd'hui, Dieu merci, on ne parle plus ainsi. L'Eglise a changé ces 50 ou 60 dernières années. Le chrétien qui veut porter l'Evangile doit prendre ce chemin et écouter tout le monde !, a conclu le Souverain Pontife. En Italie, bien que le divorce existe depuis les années 70, l'Eglise a toujours été très fermée aux divorcés, en ne le permettant pas, entre autres choses, de communier s'ils se remarient (20). Mais le Pape François, conscient de la profonde crise que traverse l'Eglise dans ce domaine, a déjà chargé Monseigneur Vincenzo Paglia, responsable du ministère du Vatican qui s'occupe de la famille, de rédiger un document avec de nouvelles solutions pour les divorcés (21). Bien que la loi du divorce existe, jusqu'à il y a quelques années, la majorité des gens se séparait mais n'allait pas jusqu'au divorce, peut-être justement pour des raisons religieuses (22). Mais aujourd'hui les choses sont différentes et François, pour ce qu'on en voit, est décidé à construire des ponts, comme il le dit, pour rapprocher ceux qui sont de l'autre côté (23). (Traduction Denise Anne Clavilier)

Extrait de
l'Osservatore Romano
Article sur la fête
de la Vierge de Luján

Comme on le voit, ce rapport très favorable repose sur beaucoup de malentendus qui pourraient se révéler très douloureux si ces intellectuels de la gauche argentine s'arrêtent là au lieu de continuer à se questionner, mais en attendant, quel chemin parcouru depuis Con una ayudita de mis amigos, ce gros titre du 12 juillet 2010, paraphrasant une chanson des Beatles (With a little help of my friends) où Página/12 avait voulu donner une image démoniaque du Cardinal Bergoglio...
Pour aller plus loin : lire l'article directement sur le site de Página/12 lire l'article de News VA (en français) sur l'audience des Supérieures générales lire l'article de News VA (en espagnol) sur le même sujet, avec quelques différences (vous constaterez que les propos retenus par Elena Llorente ne sont pas repris puisque ce n'est pas considéré comme central dans ce discours) lire le discours intégral en italien (publié par la salle de Presse du Vatican) lire l'article de News VA (en français) sur l'homélie de la messe d'hier à la Maison Sainte-Marthe Sur l'Osservatore Romano daté d'hier, les articles correspondants, très développés, sont en pages 1, 5 et 7 (rédigés en italien, of course !). Voir ci-contre.
Dans la même édition de ce matin, Elena Llorente écrivait aussi un article sur la condamnation en appel de Silvio Berlusconi, dont on sait bien qu'il ne la subira jamais, ne serait-ce que parce qu'en Italie on n'écroue pas les personnes d'un certain âge et qu'il l'a déjà atteint.
(1) Pour la déclaration exacte et complète, voir mon article d'hier (citation, traduction et liens vers les communiqués en espagnol et en français du Vatican lui-même). (2) L'emploi de l'expression su gente montre que la journaliste prend de la distance. Elle ne fait pas partie de ce troupeau, comme on dit dans les Evangiles. En France, comme la querelle entre croyants et non croyants s'est beaucoup adoucie depuis 1905, on dirait sans y voir malice ni ambiguïté "à ses ouailles", une expression qui vient tout droit du vocabulaire pastoral (ouailles = brebis). Su gente, c'est "sa famille", "ses proches", "son monde". (3) Description surprenante de l'Eglise européenne perçue par une Sud-Américaine. Les catholiques européens ont, pour leur part, l'impression inverse, ils croient volontiers que les églises latino-américaines sont plus conservatrices et très proches des Etats (lorsque ceux-ci sont gouvernés à droite, comme au Chili ou en Colombie actuellement). Comme quoi, la modernité n'est qu'une apparence ou une facilité de langage dans ce domaine. La différence de perception d'un continent à l'autre est un fait culturel et non pas religieux. Il est vrai aussi que les Argentins (de gauche) croient volontiers que l'Eglise italienne est très réactionnaire, sans rien y connaître. (4) Cette interprétation tenace repose, me semble-t-il, sur deux erreurs de méthode : d'abord les journalistes se focalisent sur les paroisses des grandes villes et sur les messes du dimanche matin (alors que les jeunes des grandes villes fréquentent d'autres messes, celles du samedi soir et du dimanche soir par exemple et vont aussi dans les couvents et les monastères -où il y a pas mal de jeunes, retraitants ou fidèles de passages - et dans leurs aumôneries où ils se retrouvent dans une même classe d'âge car nos sociétés souffrent, dans tous les domaines, d'une faible cohabitation entre les générations). La seconde erreur relève de l'idée préconçue qui empêche de douter et donc d'observer la réalité. On part du principe que l'Eglise est un truc de vieux et ce n'est pas la peine d'observer puisqu'on sait déjà. Mais regardez la tête des gens sur la place Saint-Pierre le mercredi matin et le dimanche midi ou des fidèles aux chemins de Croix du Vendredi Saint partout en Europe et vous allez vite changer d'avis. (5) Si elle trouve ces paroles provocantes, c'est peut-être parce qu'elles bousculent ses propres certitudes sur l'Eglise, selon elle une structure déconnectée du temps présent. Les propos du Pape lui montrent peut-être une Eglise immergée, au contraire, dans notre aujourd'hui. Les catholiques pratiquants se sentent non pas provoqués ni rappelés à l'ordre mais orientés vers l'essentiel par ce type de déclaration. Et les catholiques éloignés semblent se sentir interpellés comme le montre la diversité des gens qui fréquentent en grand nombre la place Saint-Pierre alors que cette idée ne leur traversait pas l'esprit auparavant si l'on en croit la foule actuelle et le public plus clairsemé d'avant le 11 février dernier. (6) La journaliste mélange ici des choses différentes, un accident de la vie d'une part, un choix spirituel de l'autre. Et je suis sûre que ce n'est pas volontaire. C'est son ignorance du fait religieux qui lui fait tout mélanger. (7) Interprétation erronée d'une phrase du Pape adressée aux 900 supérieures générales d'ordres et de congrégations réunies en congrès international à Rome (nullement destinée à les secouer ou les remettre au travail mais à les encourager sur le chemin exigeant qu'elles ont choisi en répondant à leur vocation religieuse). A noter qu'en espagnol courant, on emploie le terme monje/a (moine/moniale) pour tous les consacrés qui suivent une règle (en mélangeant dans un même concept les cloîtrés, moine/moniale, et les non cloîtrés, religieux, -se). On dit aussi cura pour prêtre (au lieu de sacerdote). (8) L'intégralité du discours est disponible en plusieurs langues par écrit et en vidéo sur le site du Vatican. Tout est rassemblé sous l'onglet News VA qui ouvre un véritable portail d'information sur l'actualité au jour le jour (le français fait partie des langues disponibles). (9) Elles ont avant tout consacré leur vie à Jésus Christ. La confusion éclaire toute la surprise qui suit. C'est parce que Elena Llorente ne voit pas la personne de Jésus Christ qu'elle fait un contresens. (10) Littéralement sans cheveux (au pluriel) sur la langue. Comme quoi, les expressions idiomatiques se ressemblent sans avoir la même signification. "Avoir un cheveu sur la langue", en francés, significa pronunciar mal los s y z. (11) Parce qu'elle ne connaît pas les réalités spirituelles qui soutiennent ce discours. Le changement de Benoît XVI à François ne concerne que le vocabulaire. François emploie peu de termes techniques. En bon jésuite qu'il est, il utilise le langage du quotidien. Et les journalistes, en général très ignorants sur les religions, ont l'impression de s'y retrouver, mais cela se fait encore avec beaucoup d'approximation. (12) Les Papes n'ont jamais parlé d'autre chose à des consacrés réguliers étant donné qu'il s'agit là des fondements même de leur état de vie. (13) Il est peu probable que son auditoire ait été choqué ou offensé par ces propos. Le Pape sait que ses interventions sont scrutées par les journalistes. Il est probable que c'est pour eux qu'il emploie ce vocabulaire simple et qu'il utilise ces recettes de la rhétorique qui permettent d'attirer l'attention sur les points importants grâce à des formules d'introduction ("excusez-moi si", "si je puis m'exprimer ainsi", "si vous me permettez l'expression", "ne croyez-vous pas que", "on pourrait ainsi dire que"...) C'est du grand art. Et ça marche puisque ça retient l'attention de cette journaliste extérieure à l'Eglise. (14) Elena Llorente ne regarde pas les vidéos. La réaction se perçoit à la vidéo. Mais il ne faut pas être grand clerc pour deviner comment un tel discours a pu être reçu par un tel public : avec un enthousiasme et une joie profonde. (15) L'impression ainsi donnée est effectivement désastreuse pour les journalistes non croyants. Mais les religieuses concernées ont sans doute peur d'être mal interprétées par la presse dont l'ignorance crasse des choses de la foi est constatée tous les jours par les croyants. Il est donc possible qu'elles choisissent une attitude de prudence. Les prêtres, eux, ont pour fonction de prendre la parole en public, ne serait-ce que pour délivrer l'homélie du dimanche, et à travers le sacrement de réconciliation, ils ont l'expérience de différents niveaux de perception du message évangélique à travers le discours des pénitents. Ils ont plus d'expérience de cette ignorance et savent mieux comment en tenir compte. Qui plus est, c'est un fait général en Occident, les femmes ne s'expriment, professionnellement, que ce sur quoi elles sont compétentes, alors que les hommes n'hésitent pas à parler même lorsqu'ils n'ont pas de compétence particulière sur un sujet. Il y a quelques jours à peine, il y avait une série d'articles sur Radio Vatican et sur l'Osservatore Romano consacrés à la place des femmes dans l'Eglise et les responsabilités qui leur sont ou doivent leur être confiées sont abordées d'une manière très franche et très valorisante pour le sexe dit faible ou second. Rien à voir avec ce qui est dit là. Mais Elena Llorente semble lire davantage La Reppublica que l'Osservatore Romano. (16) Lesquelles ? Comment ? Sous quelles formes ? (17) Vous allez voir que le Pape n'a pas mentionné leur caractère rétrograde mais leur intolérance. Là encore, les deux éléments n'ont rien à voir l'un avec l'autre. Et là encore, la confusion est significative, elle explique en partie les malentendus qui suivent. (18) "Quand j'étais enfant". Or le Pape est né en 1936. Donc il ne parle pas des années 50 mais de la décennie précédente... C'est extraordinaire comment les idées préconçues nous empêchent de faire des raisonnements simples, ici un simple calcul de dates. Pour comprendre, elle a besoin de partir sur des spéculations qui égarent son propos et sa propre compréhension de la source qu'elle commente. (19) Pas "un peu". Beaucoup. Profondément même. Au point d'entraîner le schisme des intégristes de Mgr M. Lefrebvre, qui n'ont jamais accepté l'ouverture de l'Eglise vers l'œcuménisme (dialogue priant entre toutes les confessions chrétiennes) et vers les non-chrétiens et ont consommé leur rupture après la première rencontre inter-religieuse d'Assise organisée à l'initiative de Jean-Paul II. La nostalgie de la liturgie en latin, que l'on a tant monté en épingle, c'est de la petite bière à côté de l'ouverture au monde non catholique pour cette branche-là du christianisme, aujourd'hui définitivement détachée de l'Eglise catholique romaine. Benoît XVI a bien essayé de leur tendre la main mais ils ont craché dessus. (20) Où l'on voit que ces questions, qui ont beaucoup agité le monde médiatique en Europe entre la renonciation de Benoît XVI et l'élection de François, ne sont vraiment pas des questions cruciales pour l'Eglise universelle. Cette Sud-Américaine, qui vit en Italie, croit même qu'elle est une spécificité de ce pays. En fait, le problème touche très peu l'Amérique du Sud où le divorce reste très rare chez les catholiques pratiquants. La journaliste semble même ignorer que cette discipline canonique est la même partout et ni sur quoi elle repose. En France par exemple, dans les excellents talk-shows de France 5 notamment, les théologiens avaient beau dire et répéter que le sujet allait très peu jouer sur le conclave, nos journalistes ne voulaient pas en démordre et là, on le voit noir sur blanc : les Sud-Américains (mais aussi les Africains et les Asiatiques) ne se préoccupent pas le moins du monde de la non-communion des divorcés-remariés, il n'y en a pas chez eux. (21) C'est une rumeur qui s'est répandue dans la presse italienne et qui a été démentie le 25 avril dernier par un communiqué qui n'exclut pas ce type de réflexion à l'avenir mais affirme que rien n'est en préparation sur le sujet (voir le démenti du Vatican en français, qui renvoie aux consignes données par Benoît XVI courant 2012 : il faut faire un effort d'imagination  pour accueillir fraternellement et intégrer dans les structures catholiques les personnes touchées par cette interdiction des sacrements). On voit ici qu'Elena Llorente s'informe essentiellement dans la presse italienne, de gauche et athée. (22) Si c'est le cas, ce serait une belle hypocrisie. Etre séparé de corps et en ménage avec un amant ou une maîtresse, c'est comme être divorcé-remarié, on est adultère au même degré dans les deux cas. Et se comporter ainsi pour passer la question morale et disciplinaire par perte et profit, c'est prendre Dieu pour un crétin. Je pense qu'il s'agit plutôt d'éviter un reste de stigmatisation sociale quand il faut se déclarer divorcé(e) pour une démarche quelconque. En matière religieuse, c'est le genre de comportement qui peut se comprendre dans une société où la pression sociologique, le qu'en dira-t-on du voisinage vous forcent à aller à l'église (encore que le voisinage voit bien avec qui vous partagez votre toit) mais dans notre société occidentale déchristianisée, je doute que cela puisse avoir une influence assez forte pour qu'on en voit les effets dans les statistiques démographiques. (23) Certes mais ça ne veut pas dire faire des concessions à l'air du temps et aux idées à la mode, au détriment de valeurs aussi fondamentales que le témoignage de la fidélité (image sur terre de la fidélité de Dieu vis-à-vis de l'humanité). Le divorce n'est pas près d'être accepté comme norme dans l'Eglise catholique.