Incendie à Lyon dans un squat de roms : « les martyrs de Lavirotte »*

Publié le 13 mai 2013 par Asse @ass69014555
Ouest France 13 05 2013

Trois personnes, deux femmes et un enfant, selon un bilan provisoire, ont péri dans l’incendie d’une usine désaffectée qui était squattée par environ 200 Roms à Lyon.


L’incendie « violent », qui a démarré un peu avant 00 h 30 dans la nuit de dimanche à lundi, a « totalement embrasé » ce bâtiment situé rue Audibert et Lavirotte dans le 8e arrondissement de Lyon, selon le lieutenant-colonel des pompiers du Rhône Jean-Philippe Gueugneau en charge des opérations de secours.

Lors d’un point presse organisé sur place, il a précisé que « très vite les 2 niveaux supérieurs de ce bâtiment blanc se sont embrasés et l’escalier s’est effondré ». Le toit a également brûlé.

D’autres victimes ?

Des équipes cynophiles fouillent les décombres du bâtiment, qui menace de s’écrouler, pour voir s’il n’y a pas d’autres victimes, selon le lieutenant colonel Gueugneau qui a précisé que « les trois corps des victimes sont toujours à l’intérieur ».

Selon Gilberte Renard, militante de la LDH, les enfants en bas âge et les femmes enceintes étaient nombreux dans ce bâtiment. Il s’agit d’un petit immeuble de bureaux d’une ancienne usine de fabrication de petits moteurs électroniques qui s’appelle 'Leroy Somer'

« Ils dormaient souvent dans le grenier » a expliqué à Mme Renard.

Les rescapés, ont été évacués en minibus et regroupés dans un gymnase d’une école située avenue des Frères Lumière, dans le même arrondissement, ont précisé les pompiers.

La Police judiciaire a été chargée de l’enquête.


Trois morts dans l'incendie d'un squat à Lyon par ITELE

Le Monde 13 05 2013

FAMILLES DÉLOGÉES D'UN PRÉCÉDENT SQUAT


Selon Gilberte Renard, militante de la LDH, près de 200 personnes, dont des enfants en bas âge et des femmes enceintes, occupaient ce bâtiment, des anciens bureaux d'une usine selon elle. "Ils dormaient souvent dans le grenier", a-t-elle expliqué. Ces familles s'étaient installées dans l'ancienne usine après avoir été délogées d'un précédent squat du quartier de Vaise. "Ce qui vient de se passer est symptomatique de la politique de la préfecture du Rhône", a estimé Jean Philippe, militant du MRAP, "elle refuse d'appliquer la circulaire qui prévoit des diagnostics médicaux, sociaux et de sécurité, sa seule réponse est l'expulsion des squats et des campements et, à chaque fois, la situation s'aggrave."

Des accusations dont se défend la préfecture : "Le préfet de la région Rhône-Alpes rappelle que chaque jour plusieurs centaines de déboutés du droit d'asile et de sans-abri sont hébergés par l'Etat avec l'appui des associations. Néanmoins, un certain nombre de campements et de squats existent dans l'agglomération."


La voix des Rroms

Les larmes de crocodile de Valls: la France est en danger!

Samedi dernier vers midi, Tony, un Rrom habitant dans une baraque à Montreuil, s'est jeté sur les flammes de l'HLM en face pour sauver ses voisins en danger, en compagnie d'un autre voisin, Ahmed. Ils ne se connaissaient pas, mais se sont connus là, dans le feu, en sauvant des enfants. Une jeune femme interrogée par France Bleu disait plus tard "on ne les voyait pas comme voisins (les Rroms) avant, mais là, ils ont été super solidaires, ils sont venus en courant". Dimanche vers minuit, un incendie ravage cette fois-ci un squat à Lyon, dans lequel vivent des Rroms. Actuellement, le bilan est de trois morts: deux femmes et un enfant. Plusieurs autres personnes sont portées disparues et les recherches sous les décombres se poursuivent avec des chiens, en raison du danger. Manuel Valls, en visite à Lyon pour les zones de sécurité prioritaires, accompagnée par Mme. Taubira, y a fait un détour. Pour reprendre, dans un discours à peine modéré, les propositions de Louis Aliot, numéro 2 du Front National. Le "sentiment de profonde tristesse" n'a pas empêché le ministre de dire que "ces squats, comme les campements de fortune, doivent être évacués chaque fois quand ils présentent, ici comme ailleurs, de vrais dangers". Le 26 août 2012, M. Valls a signé, avec 6 autres ministres, une circulaire interministérielle sur les "campements illicites". Celle-ci préconise des diagnostics sociaux et des solutions de relogement pour les occupants de ces "campements". A l'heure actuelle, le maximum fait par les autorités (et rarement) a été de payer 2-3 nuitées d'hôtel aux personnes expulsées ou victimes d'incendies comme celui de Lyon. Après cela, les "hébergés" sont mis dehors et doivent tout recommencer, en étant chassés de partout par la police de M. Valls. Le Front National se fait un plaisir de dénoncer le "relogement en HLM" des Rroms, qui selon lui, mettraient volontairement le feu à leurs bidonvilles pour avoir ces logements que beaucoup de Français attendent depuis des années. En jetant la responsabilité sur les Rroms, en incitant et attisant des "exaspérations" de riverains derrière lesquels il s'abrite ensuite, tout ceci d'une manière lâche et non assumée ouvertement, le gouvernement français fait le jeu de l’extrémisme. N'oublions pas que le fascisme n'est pas le fait d'hommes seuls. Il est le résultat de l'infiltration des idées et sentiments qu'ils propagent et attisent parmi la population. Souvent, il commence avec un processus de déshumanisation de fractions précises de la société, supposées faibles et/ou impopulaires.


Melikah-Abdelmoumen
  Melikah Abdelmoumen née en 1972 à Chicoutimi, est une écrivaine et professeure québécoise. Spécialiste de l'autofiction, elle fait son entrée en littérature à la fin des années 1990.
  • Chair d'assaut, Trait d'union, 1999
  • Le Dégoût du bonheur, Point de fuite, 2001
  • Lima Destroy et Robinette Spa, Point de fuite, 2005
  • Alia, Marchand de feuilles, 2006
  • Victoria et le Vagabond, Marchand de feuilles, 2008
  • L'École des lectrices : Doubrovsky et la dialectique de l'écrivain, Presses universitaires de Lyon, 2011
J'aurai du mal à écrire ce matin.  Je vous préviens, mes mots seront maladroits. Ce squat, je le connais. Ces gens, je les connais. Ces enfants, je leur ai apporté des petits jouets, j'ai discuté avec certains d'entre eux qui m'ont raconté leur vie d'écoliers pas comme les autres. Mon mari et mon amie Anaïs étaient encore là, hier, à leur rendre visite pour leur faire la lecture. Nous avons discuté avec leurs parents, nous avons salué leurs voisins, nous avons rigolé dehors, devant les bâtiments, au soleil, au milieu des poubelles et des meubles éventrés, parlé du beau temps et du retour de la chaleur, comme si nous n'étions pas au milieu de la misère la plus désespérante. Nous avons discuté et rigolé même au milieu de la misère et des ordures et des meubles éventrés parce que des êtres humains qui se reconnaissent entre eux, et décident de se considérer mutuellement, de se respecter, de se saluer, savent que ce bonheur et ce partage-là valent bien davantage que le confort de celui qui est venu aider, ou que la misère de celui qui a besoin d'aide. Ce squat qui abritait près de 300 hommes, femmes et enfants roms, disséminés dans plusieurs bâtiments, dont celui de la tragédie de cette nuit, c'était celui où étaient venus se réfugier mes amis "Clara" et "Fabian". Il s'y étaient construit une cabane coquette et étonnamment sophistiquée, que Clara avait pris le temps de décorer. Chaque fois que nous venions les voir, elle avait ajouté une nouvelle touche à la décoration. Un jour, alors qu'Anaïs et moi, invitées à déguster avec eux de merveilleux cigares au chou roumains, nous extasions sur les fleurs artificielles que Clara avait trouvées et dont elle avait orné toute la petite pièce immaculée, nous nous sommes retrouvées avec chacune une énorme gerbe de fleurs artificielles sur les bras. Clara avait absolument tenu à nous les donner, puisque nous les trouvions jolies. Après une âpre négociation ("Mais Clara, nous les trouvons belles chez toi, dans ta maison, tu ne vas pas nous les donner! Il faut justement les garder, là, comme ça, parce que c'est si joli!"), nous avons fini par accepter de prendre les fleurs (et les vases avec), à une condition: "vos jours ici, dans ce squat, à Fabian et toi, sont comptés. Vous avez réussi, en si peu de temps, à vous refaire un chez-vous, en y mettant le soin que vous mettez pour toutes les cabanes successives que vous avez été forcés de quitter depuis votre arrivée en France, en 2009, mais nous le savons tous: ça ne durera pas. Alors les fleurs, nous les prenons, nous les gardons quelque part, et le jour où vous aurez enfin votre première vraie maison, nous vous les rapporterons pour la décorer." Et Fabian qui se met à rêver tout haut, pendant que Clara retient ses larmes: "Oui, Anaïs, Mélikah, juste une pièce, un terrain même, et je construis une petite maison dessus, une petite maison à nous, et j'aurai le droit de travailler, et nous ferons une grande fête, tous ensemble. Une grande fête." J'ai bien fait de reprendre les fleurs de Clara. L'îmmense entrepôt dans lequel ils avaient construit leurs cabanes, eux et six ou sept autres familles (parmi lesquels le petit S., 9 ans, aux yeux de velours, qui nous servait d'interprète roumain-français lors de conversations plus compliquées ou plus abstraites), n'est pas celui qui a brûlé cette nuit, c'était celui d'à côté (si j'ai bien compris). Mais comme les autres, ils en ont été évacués en catastophe et sans doute n'ont-ils pas pu emporter grand-chose. Tout ce qu'ils ont amassé depuis leur arrivée là-bas fin mars, après la destruction du petit squat villeurbananis où je les ai connus, ils ont dû l'y laisser. Tout est, encore une fois, à recommencer. Nous le savions, évidemment. Mais chaque fois il y avait ces moments d'amitié dans les cabanes, avec les enfants qui jouaient, les parents qui faisaient la lessive, la cuisine, venaient discuter, offrir une cigarette, dire bonjour... je ne sais pas, je pense que ces moments avaient le pouvoir à la fois magnifique et dangereux de nous faire oublier le reste. La gravité du reste. Ce que ce pays, comme tant d'autres pays d'abondance, fait à ses démunis, sans pitié, sans égard pour leur âge, leur histoire, même leur humanité. Ces pays où le cynisme a remplacé tout le reste, et où l'on préfère considérer ceux que l'on ne comprend pas comme des rats, une vermine dont il faut se débarrasser. Une engeance dont on aime à dire, avec l'arrogance et la fierté irréfléchie du con le plus glorieux, que même en n'ayant rien, elle nous vole quelque chose.  Il y a des jours où je saisirais certaines personnes par le collet pour les y trainer et les forcer à se mettre à genoux à même la terre battue pour regarder les enfants roms dans les yeux, regarder les efforts que font leurs parents même dans toute cette misère, regarder les cahiers d'école avec les exercices, le café qu'on offre aux visiteurs, les vêtements qui sèchent au soleil sur les cordes à linge de fortune, ces ordures qui traînent partout parce que la ville refuse de les ramasser, ces visages qui ont vu ce que personne, jamais, ne devrait voir, et qui trouvent néanmoins la force de vous offrir le sourire le plus radieusement timide du monde lorsque vous avez la décence de les saluer et de les regarder avec respect, avec bienveillance. Vous pensez que ces pères, ces mères, ces maris et femmes, ne s'aiment pas comme vous, comme nous? Que ces enfants qui ont vu l'immeuble flamber cette nuit, entendu les cris, appris qu'il y avait des morts, ces enfants qui errent de squat en squat et qui essaient de continuer d'aller à l'école, ces enfants dont les parents n'ont pas le droit de travailler, qui ont fui un pays où ils étaient déjà des parias, pour arriver ici et voir ces choses horribles, que ces enfants sont différents des vôtres? J'arrête. La colère m'empêche de bien écrire. Je repense à notre rendez-vous chez le dentiste avec Clara, vendredi dernier. Nous avons passé quatre heures ensemble. Elle souffrait le martyre et en avait par-dessus la tête de cette vie. "Mélikah, je n'ai pas de maison, nous ne pouvons pas travailler, et là-bas c'est pire", me disait-elle, en me tenant la main et en essuyant ses larmes. Et elle trouvait quand même  moyen de me forcer à raconter ce qui n'allait pas de mon côté. J'étais fatiguée ce jour-là, un peu préoccupée. Elle voulait que je lui raconte. J'arrête. C'est trop dur. J'arrête avec en tête une image: celle du grand sac que j'avais donné à Philippe pour Clara et qu'il devait lui remettre hier, lorsqu'il est allé avec Anaïs faire la lecture aux enfants. Il y avait plein de vêtements dont certains à revendre et à troquer pour pouvoir se sustenter avec Fabian. Mais il y avait un super beau flacon de parfum que je ne porte jamais. Je sais que Clara aime le maquillage, les longues jupes qui volent, qu'elle aime sentir bon, qu'elle aime se sentir femme.  C'est plus fort que moi, je vois le flacon de parfum, transparent, longiligne, élégant, avec cette étiquette florale, au fond d'un sac de vêtements et de chaussures, posé dans le coin d'une cabane désormais vide, au milieu des cabanes abandonnées, dans cet immense hangar où la vie a été soudain interrompue, dans l'odeur d'incendie et de mort, dans l'odeur de l'espoir qui part en fumée. Réactions de Manuel Valls et de Christine Taubira

Le ministre de l’Intérieur qui est resté une vingtaine de minutes sur place, a fait part de sa « tristesse » face au drame. Avant de tenir un message de fermeté : « les squats sont des camps de fortune. Ils doivent être évacués ici comme ailleurs car ils représentent un vrai danger aussi bien pour les populations qui les habitent que pour les riverains. Il faut poursuivre ce travail de démantèlement ». Christiane Taubira, Garde des Sceaux, qui accompagnait le ministre de l'Intérieur, a renchéri en demandant «une solution à la fois digne et efficace».

Après s’être entretenu avec les élus, Manuel Valls a eu un échange tendu avec les riverains. La visite du ministre a aussi provoqué des réactions vives du côté des associations. « Manuel Valls vient verser des larmes de crocodile alors que le squat existe depuis huit mois. Le préfet n’a rien fait, il n’a pas respecté une circulaire interministériel qui stipule que lorsqu’on a connaissance d’un squat, un diagnostic doit être engagé concernant la sécurité des lieux », a ainsi réagi Jean-Philippe, militant du Mrap.