Projet Allocations Familiales : une ponction financière plutôt qu’une vraie réforme…

Publié le 23 mai 2013 par Albert @albertRicchi
Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault s’apprête à réformer le système d’attribution des allocations familiales. Des enseignements sur le sujet ont été tirés des échecs précédents et c’est pourquoi leur versement ne sera pas supprimé au-delà d’un certain plafond de ressources mais simplement diminué pour les familles les plus aisées.Voilà qui est assez malin mais c’est d’abord par simple souci budgétaire que le gouvernement a imaginé cette mesure qui ne mettra pas fin, loin s’en faut, à toutes les anomalies du système…
L'ensemble des prestations «familles» et «maternité», étendues depuis 1978 à l’ensemble de la population, sans condition d’activité professionnelle, représentent des sommes considérables, plus de 50 milliards € (2,7 % du PIB), versés par les Caisses d’Allocations Familiales. Les prestations familiales légales, au nombre de 7, attribuées sans aucune condition de ressources, constituent près de la moitié de l’ensemble des prestations. Parmi celles-ci, les allocations familiales, destinées à compenser les charges de famille des personnes physiques françaises ou étrangères, résidant en France, sont attribuées à partir du  deuxième enfant à charge : 129,21 € pour 2 enfants, 294,77 € pour 3 enfants, 460,32 € pour 4 enfants et 165,55 €par enfant supplémentaire.Conséquence du principe d’attribution sans condition de ressources, les familles modestes perçoivent exactement les mêmes montants que les familles aisées vivant très confortablement (cadres supérieurs, professions libérales ou autres privilégiés faisant partie des 2 millions de millionnaires en euros que compte la France !Lionel Jospin, ancien 1er Ministre, avait tenté de faire une réforme mais en fixant maladroitement un plafond de ressources couperet au-delà duquel les familles n’avaient plus droit aux allocations, ce qui déclencha à cause des effets de seuil, la réprobation de nombreuses familles.Plus subtilement, en son temps, Alain Juppé avait proposé de continuer à les verser à toutes les familles avec l’obligation de les intégrer ensuite dans la déclaration annuelle de l’impôt sur le revenu. Ce projet de fiscalisation n'a jamais vu le jour mais cette idée est reprise aujourd’hui par le député UMP de l’Eure, Bruno Le Maire.Quant à François Hollande, il a confirmé lors de sa dernière conférence de presse, que les familles dont le revenu dépasse les 5 000 euros par mois verront leurs allocations familiales baisser. Les allocations pourraient être divisées par deux au-delà de ce plafond puis par quatre à partir de 7 000 euros de revenus mensuels. 15% des Français devraient être concernés par cette réforme inspirée par le rapport Fragonard qui a préconisé de réviser les montants des aides aux familles.Avec cette future mesure, François Hollande semble vouloir atténuer l’injustice du système actuel qui, au nom d’une apparente égalité de traitement des familles, bafoue les notions de solidarité et creuse chaque jour un peu plus les inégalités sociales. Mais l’objectif principal de ce projet gouvernemental est avant tout financier et budgétaire. Il s’agit d'économiser 1 milliard d'euros à partir de 2014, n’étant plus possible, selon le Président de la République, de continuer à " assumer un déficit de 2 milliards d'euros des prestations familiales ". Et une vraie réforme ayant comme objectif principal de réduire les inégalités sociales supposait de corriger toutes les anomalies du système actuel.Quid des allocations familiales dès le premier enfant ?Les allocations familiales sont attribuées qu’à partir du deuxième enfant comme si les frais occasionnés par un premier enfant étaient négligeables. Les jeunes couples ayant un seul enfant à charge, venant de débuter dans la vie ou les couples en difficulté financière dont l’un des conjoints est au chômage, en temps partiel subi subissent ainsi de plein fouet cette injustice sociale !Cela est d’autant plus inacceptable qu’on compte aujourd’hui 8,6 millions de personnes pauvres (14,1 % de la population), au sens des critères retenus par l’union européenne (60% du revenu médian), qui vivent avec moins de 964 € mensuels. Sans compter près de 3 millions de salariés payés au SMIC (soit 1 121 € nets mensuels sur la base de la durée légale de 35 heures hebdomadaires au 1erjanvier 2013). La France reste ainsi avec cette vieille idée, nonvérifiée sociologiquement à ce jour, qui consiste à favoriser les naissances en ne donnant pas d’allocations familiales aux familles dès le premier enfant. C’est le décret-loi du 29 juillet 1939 qui a supprimé l’allocation au premier enfant au profit d’une prime à la première naissance. Mais nous avons changé d’époque depuis la seconde guerre mondiale et aujourd’hui l’éducation d’un enfant coûte aussi cher, sinon plus proportionnellement, que celle de deux enfants et plus ! Autre anomalie curieuse, si les allocations familiales sont attribuées à partir du deuxième enfant en métropole, elles sont versées dès le premier enfant dans les DOM, comme s’il y avait un principe à géométrie variable et deux catégories de Français !Quid de l’indexation des allocations sur le coût de la vie ?Le montant des allocations est fixé en fonction d’un certain pourcentage de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF). C'est ainsi que l'allocation pour 2 enfants est égale à 32% de la BMAF, pour 3 enfants à 73%, pour 4 enfants à 114%, et ce pour l’ensemble des différentes prestations familiales. Cette BMAF est revalorisée au 1er avril de chaque année mais sans tenir compte du taux d’inflation réel. Ainsi, son montant de 399 € au 1er avril 2012 est passé à 403,79 € au 1er avril 2013, soit une augmentation de 1,01 % seulement alors que le taux d'inflation était de 2 % pour l’année 2012 !Sous le gouvernement de François Fillon, la mécanique était la même : le montant de la BMAF était de395,04 € au 1erjanvier 2011, elle est passé à 399 € au 1er avril 2012, soit une augmentation de 1 % alors que le taux d'inflation était de 2,1% pour l’année 2011 !Cette indexation incomplète du montant des allocations sur le coût de la vie (c’est aussi le cas pour les salaires depuis le tournant de la rigueur en 1983…) conduit à en fait une baisse continue du pouvoir d’achat des familles et ce, dans l’indifférence générale des pouvoirs publics.Il en est de même généralement des autres prestations de Sécurité sociale (pensions de retraite, d’invalidité, rentes accidents de travail, indemnités journalières, etc.). Et comble de l’hypocrisie, la plupart des médias «bien-pensants» nous présentent chaque année ces revalorisations inférieures au coût de la vie comme de bonnes nouvelles pour les allocataires, les assurés sociaux ou les pensionnés !De plus, comme il n’y a pas de petites économies, dit le proverbe, le législateur a eu la bonne idée de grignoter encore quelques euros sur le dos des allocataires grâce à une retenue de 0,50 % opéré au titre de la contribution au recouvrement de la dette sociale (CRDS). Les montants nets réellement perçus par les allocataires sont en réalité : 128,57 € pour 2 enfants, 293,30 € pour 3 enfants, 458,02 € pour 4 enfants, 164,73 € par enfant supplémentaire. Quelle vraie réforme faire ? La solution la plus équitable consisterait à reprendre l’idée d’allocations différenciées en fonction des revenus mais selon un nouveau barème dégressif et régulier au fur à mesure que les revenus de la famille augmentent (différents montants d’allocations pouvant être fixés, sur une échelle de 1 à 5 par exemple, en fonction d’une échelle de revenus correspondants), en attribuant bien sûr les allocations dès le premier enfant et en indexant correctement chaque année la BMAF en fonction du taux réel d’inflation.Ce combat devrait être mené prioritairement par les associations familiales avec beaucoup plus de force car jusqu’à présent elles se contentent trop souvent d’une timide et rituelle dénonciation annuelle du décret de revalorisation de la BMAF.Quant au Président de la République, soucieux de faire des économies budgétaires et de trouver des ressources financières nouvelles, il serait bon qu'il se souvienne qu'il existe d’autres moyens pour réduire les déficits publics comme la lutte contre la fraude fiscale ou la réduction drastique des niches fiscales qui coûtent respectivement 60 à 80 milliards et 70 milliards d’euros annuels au pays...

Photo Creative Commons : Caisse d'Allocations Familiales (http://www.flickr.com/photos/20546789@N00/2892958508/)
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