Modèle social français : la fin des haricots

Publié le 07 juin 2013 par Copeau @Contrepoints

Si désormais plus aucun domaine n’échappe à la frénésie réglementaire de l’État providence, nous parvenons bientôt aux limites du système.

Un billet d'humeur de Marc Suivre.
C’est un fait entendu, le monstre tentaculaire qu’est devenu l’État, au fil des expérimentations hasardeuses de la gauche, et du manque de courage politique de la droite, est aujourd’hui  incontrôlable. Plus aucun domaine n’échappe à la frénésie réglementaire de l’État Nounou qui, « pour notre bien » se mêle toujours et davantage de ce qui ne le regarde pas. Cette spécificité bien française, d’une soviétisation toujours plus poussée de la société, n’échappe à personne… sauf aux Français. Nombre de nos compatriotes sont intimement persuadés qu’ils vivent dans un « enfer ultra libéral » et que seuls leurs dirigeants éclairés sont capables de les prémunir contre les ravages de  la finance apatride et mondialisée. Il n’est qu’à lire les tombereaux de stupidités journalistiques vendus aux ignorants comme de l’analyse économique, pour se rendre compte que nous vivons sur une autre planète, ou plutôt que l’URSS n’est pas morte en 1990, mais survit chez nous, grâce aux héritiers de Jaurès (de Jospin à Hollande en passant par Chirac et Raffarin).

Le culte de l’État providence

D’une gauche aveuglée par une idéologie mortifère qui ne sait que se mirer, tel Narcisse, dans l’eau trouble de ses boniments, à une droite émasculée par son indigence intellectuelle et programmatique, tous nos politiciens n’ont de cesse que de louer l’État comme certains, sous d’autres latitudes (ou sur France inter), invoquent Mao et le « Petit Père des Peuples ». Cette valeur totémique refuge se double, chez nous, d’une prétendue permanence historique qui veut que de Colbert au Gosplan (pardon le Commissariat général au plan), les Français n’ont dû leur salut qu’aux efforts de l’État centralisé. Que cette analyse, fortement marxisante, ne résiste pas à un minimum d’analyse ne rebute personne. Le fait que sans la Révolution et sa « dérégulation », l’État royal aurait été bien en peine de présider au décollage industriel du XIXe siècle, ne trouble aucun esprit suiviste. En France, c’est bien connu, en dehors de l’État il n’y a que le vide, la loi de la jungle et l’arbitraire de l’argent.

C’est au nom de cette ineptie que nous avons, année après année, renforcé le Moloch administratif. Il faut dire que nos politiciens et notre administration entretiennent des liens de consanguinité tellement poussés, qu’ils feraient passer les Bourbons d’Espagne pour des pratiquants zélés de la mixité raciale. Tout le mal vient précisément de cette proximité. Selon le vieil adage qui veut que les moutons ne se tondent pas tous seuls, comment voulez-vous que des dirigeants, qui n’ont comme seul horizon professionnel que celui de fonctionnaire, se mettent à être raisonnables et intelligents ? De là, cette frénésie réglementaire et législative qui n’a, au final, d’autre résultats que celui de dilapider en agents publics, l’argent durement exigé en impôts.

Le scandale de la France protégée

C’est que dans notre beau pays, l’État n’est véritablement providentiel que pour une seule catégorie de Français : les fonctionnaires. Les autres suent sang et eau pour leur garantir un nombre ahurissant de privilèges, du reste très soigneusement cachés. C’est  dans ce pays, qui voue un culte délirant à l’égalité, que se trouvent en réalité concentrées les plus grandes disparités possibles en matière de droits (en dehors de la Corée du Nord et de Cuba). Il y a d’un coté ceux qui les ont tous et de l’autre ceux qui les leur payent par leurs impôts, leurs charges ou leur absence de travail, nous y reviendrons. Par charité nous ne mentionnerons pas plus que ça les enseignants à qui il faut bien deux semaines de « travail », pour approcher des trente-cinq heures quand ils ne sont pas tout simplement en vacances (deux semaines toutes les six, plus deux mois l’été). Attardons-nous un peu sur ces salaires, prétendument de misère, qui sont servis aux forçats du service public. Ils ne sont inférieurs au privé que dans les postes de cadre dirigeants, et ce pour une raison simple : il y a moins de dirigeants dans les entreprises que dans l’administration. À armée mexicaine : salaires mexicains… Pour la masse des agents, souvent sans qualification, ou si peu, il vaut bien mieux « travailler » dans le public : sans être bien meilleure, la paye y est au moins garantie à vie !

Autre injustice et non des moindres : les régimes de retraite. Au nom de la pénibilité de leurs tâches harassantes, les salariés du public partent bien plus tôt que dans le privé. Comme ils n’ont pas d’accident de carrière (comprendre de période de chômage), ils arrivent avant les autres au nombre de trimestres requis. Mais l’injustice ne s’arrête pas en si bon chemin. Leurs pensions sont aussi bien supérieures (1 500 € en moyenne contre 1 100 €, soit un tiers de plus). Là où le salarié du privé verra ses 25 meilleures années prises en compte pour le calcul de sa pension, le fonctionnaire lui, se la verra calculer sur ses six derniers mois d’activité. En ce domaine, ne nous leurrons pas ! Ce n’est pas parce qu’un rapport semble donner raison à la Commission Européenne en prônant une timide évolution vers la prise en compte des dix meilleures années que nous y viendrons. Rocard avait déjà pointé ce hiatus du doigt en 1990. Voyez où nous en sommes vingt-trois ans et quelque mille milliards de dettes plus tard…

Après le coup d’État : le hold up permanent

Toute cette générosité de l’État envers ses servants à un coût, et celui-ci est démentiel. La source de nos déficits n’est pas tant à rechercher dans la fraude fiscale que dans le détournement massif de fonds publics auquel se livre chaque année l’État, au bénéfice exclusif des fonctionnaires. Si le travail est si cher, c’est aussi et surtout parce que les régimes généraux (ceux des salariés du privé) sont appelés à contribution pour financer les largesses consenties aux régimes spéciaux  des fonctionnaires et assimilés : EDF, SNCF, RATP et autres monopoles publics (sans parler des intermittents du spectacle -1,5 milliards pour seulement 100 000 bénéficiaires).

Dernier exemple en date : le pillage éhonté qui vient d’être commis sous nos yeux par François zéro, le Mandrake des finances publiques, au détriment des Caisses d’Allocations Familiales. La branche famille n’est pas déficitaire en raison des largesses, pourtant sujettes à caution, dont le système fait preuve à l’égard des nouveaux arrivants d’outre-Méditerranée qui se trouvent pris en charge, avec leur nombreuse descendance, bien avant d’avoir commencé à cotiser. Son déficit est uniquement causé par la rapacité de l’État qui pique dans le tronc des familles, pour alimenter sa boîte à promesse non financée. Voilà comment les socialistes nous annoncent, toute honte bue, qu’au nom de la nécessaire lutte contre les déficits (auto générés) il devient urgent de « faire payer les riches ».

Le riche voila l’ennemi

Tout à sa mission de réconciliation et d’apaisement après les déchirements de l’ère Sarkozy, François Hollande n’avait pas plus tôt fini de permettre à tout le monde de se marier qu’il a décrété une autre grande cause nationale : ces salauds de riches n’ont pas besoin des allocs pour vivre. C’est une évidence de même portée que celle qui consiste à constater que les pauvres n’ont pas plus besoin de HLM ou du RSA pour vivre. Ils ont juste besoin de salaires décents. Seulement les leur donner, suppose de baisser les charges et donc de tailler dans les dépenses pour y parvenir. En clair, cette politique implique de diminuer drastiquement le nombre de fonctionnaires : impossible, impensable ! Si nous ne doutons pas que la France ferait plus qu’y survivre, le PS, lui, y laisserait sa peau. Il devenait donc urgent de réagir. Le premier réflexe de « l’ennemi de la finance » fut donc de mettre les allocs sous condition de ressource. « Malheur à toi, horrible putois profanateur des idéaux d’universalité constitutifs de l’âme socialiste depuis Queuille » lui ont immédiatement rétorqué ses « camarades » restés socialistes. Et le mou de Tulle de revenir dessus. Seulement en l’occurrence le fourbe Parthe n’a feint de reculer devant ces (ses) fossiles que pour mieux lancer sa flèche.

Après nous avoir savamment enfumé, par média interposé (tout larcin de pareille ampleur nécessite des complicités actives), sur l’insondable déficit de la branche famille, l’homme qui n’aimait pas les riches a décidé de les taxer encore davantage. Tant est si bien que le « pauvre » couple avec deux ados à charge qui gagne plus de 5 000 € (cette limite est très provisoire gageons que d’ici peu elle descende) va se voir taxer au nom de la préservation de l’universalité des prestations familiales. Là où l’on touche au sublime, c’est que le même couple avec un seul enfant, qui n’a jamais rien perçu de sa vie en provenance de la CAF, mais qui a toujours cotisé, va se voir aussi mis à contribution, par le biais de la baisse du quotient familial. « Que ces salauds de nantis se taisent, ils n’ont pas à la ramener, il y a tellement plus pauvres qu’eux », nous expliquent, en substance, des journalistes qui eux, bénéficient d’un abattement supplémentaire de 35% (un complice a toujours un intérêt à l’être). C’est un peu comme si on expliquait aux smicards français que leurs jérémiades sont indécentes au prétexte qu’ils pourraient être Grecs ou Espagnols… C’est déjà ce que l’on fait ? Ah bon, désolé, au temps pour moi.

Trop d’impôt tue l’impôt mais fait prospérer la fonction publique

Avec plus de 45% de prélèvements opérés chaque année sur la richesse nationale, la rapacité de l’État n’est plus à démontrer. Le problème c’est que les pompeurs qui nous gouvernent nous ont toujours justifié leur voracité au nom de l’indépassable modèle français de protection sociale. En l’occurrence, il s’agit de nous vendre un système à la Madoff où les nouveaux entrants payent des sommes modestes (un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître) pour subvenir aux besoins forcément croissants des générations précédentes, à mesure que l’âge leur vient. Même en sortant de l’ENA on peut comprendre que la liste des bénéficiaires s’allongeant du fait de leur nombre et de leur préservation, il allait être demandé plus aux cotisants. Après avoir nié cette réalité pendant trente ans, les énarques qui nous gouvernent ont entrepris depuis une quinzaine d’années de rationner les prestations. Là où la logique qui prévalait au début de l’aventure aurait dû les conduire à répartir ces efforts sur tous, nos braves fonctionnaires, par pur désintérêt c’est évident, n’ont fait porter cet effort que sur les salariés du privé.

Les faux droits ainsi garantis aux fonctionnaires et assimilés sont à l’origine de la diminution conséquente des prestations servies aux autres, mais, bien plus graves, ils sont aussi à l’origine du chômage de masse. En effet, et nous avons trop souvent tendance à l’oublier, le poids de cette « protection » sociale repose principalement sur l’employeur : d’où un coût du travail prohibitif, des délocalisations à répétition, une désindustrialisation galopante et au final le chômage record qui découle de tout cela. Quel l’on ne s’y trompe pas, ce n’est pas la faute de la mondialisation si nous avons plus de trois millions de chômeurs. Il n’y a pas de dumping social qui vaille. Il n’y a là que les conséquences d’un système d’irresponsabilité généralisée où l’argent public est joyeusement dilapidé au profit électoral (dans le meilleur des cas) d’une petite clique d’élus. Que les victimes de ce « transfert » de richesse subissent leur sort sans broncher, est à mettre au nombre des miracles produits par l’acharnement à ne jamais enseigner l’économie aux enfants et à l’uniformité de la pensée journalistique qui conduit 90% de cette profession à voter à gauche.

Seulement à trop tirer sur la corde, elle finit par se voir avant de se rompre. Nous en sommes précisément aujourd’hui, au stade qui précède la rupture. Les salariés du privé voient clairement que ce qui leur a toujours été présenté comme une assurance (maladie, chômage, vieillesse) n’est en réalité qu’une ponction sans fin qui leur garantit de moins en moins de droits. La famille vient d’être dépouillée et les « riches » (on l’est vite par les temps qui courent) un peu plus pressurés pour combler les trous. Personne ne se fait plus d’illusion sur une retraite qui ne suffira pas à subvenir à ses besoins. Il ne reste plus que la maladie qui fasse encore illusion dans l’univers Potemkine créé par notre élite administrative. Ne nous leurrons pas, au train où vont les choses, Hollande ne va pas tarder à rationner aussi les soins. Il réfléchit à rembourser les dépenses en fonction des revenus. Vos cotisations étant assises sur votre salaire : plus vous gagnez, plus vous cotisez et moins vous êtes remboursé. Elle n’est pas belle la vie chez les socialistes ? Encore un petit effort dans cette solidarité unidirectionnelle à la grecque et il en sera enfin définitivement fini du mythe de l’assurance sociale universelle. Sous couvert d’une nouvelle définition de la solidarité que l’on qualifiera alors de « citoyenne » (avec de la vaseline, ça passe toujours mieux), les moins pauvres seront sommés de payer toujours plus pour que les nécessiteux, certifiés conformes par l’administration, puissent bénéficier de ce à quoi ces salauds de riches n’auront justement plus droit.

Conclusion

Nous allons donc bientôt atteindre les limites du système. Déjà un certain nombre de courageux entreprennent de regagner leur liberté, en sortant de l’assurance maladie qui n’est plus un régime obligatoire depuis que la Cour de justice européenne en a récemment décidé ainsi. En effet, tous les régimes sociaux français sont des régimes professionnels de sécurité sociale et non des régimes légaux. En d’autre terme, il est donc maintenant loisible à tout un chacun, de s’assurer (au sens réel de ce mot) auprès de compagnies spécialisées pour ce type de risque. Vous trouvez cela aberrant et vous vous dites que seul l’État est capable de procéder à ce type de couverture ? Tentez d’oublier trente secondes que vous êtes Français, quittez le conditionnement qui vous a été inculqué dès votre plus jeune âge et réfléchissez. Votre voiture est-elle assurée par l’État ? L’assurance sur la vie est elle un monopole public ? Pourquoi ce qui fonctionne pour l’automobile ou la mort ne pourrait pas fonctionner pour l’humain et le vivant ? Parce que l’homme se dérègle à mesure qu’il vieillit et que la logique assurantielle de ces salauds de capitalistes laisserait mourir nos vieux alors que mugiraient dans nos campagnes ces féroces soldats de la finance mondialisée ? Les assureurs n’assurent-ils que les voitures neuves ? Les mauvais conducteurs sont-ils tous en défaut d’assurance ? Non, ils payent juste plus cher, mais pas en proportion des dégâts qu’ils occasionnent, car les bons conducteurs compensent. Ces salauds de capitalistes n’ont pas inventé l’eau chaude, ils se contentent de rationaliser les processus de mise en œuvre de collecte et d’indemnisation. Ils sont plus regardants quant aux conditions dans lesquelles ils engagent leur argent, ils gèrent avec rationalité leurs frais généraux et ils passent des accords avec des prestataires pour diminuer leurs frais et ceux de leurs assurés. Pourquoi voulez-vous qu’il en soit autrement en matière de retraite, de chômage ou de maladie ?