Troisième partie de l'interview d'Ingrid Desjours

Par Phooka @Phooka_Book

On poursuit avec le tome 3 donc

A lire ou relire les "pages" précédentes :

Tome 1 et Tome 2
Ingrid, elle est toujours là !

Son texte d'intro aussi :))
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Blanc. Il n'y a que du blanc autour.Immaculé comme la page qui ne s'encre pas.Vierge comme l'esprit qui ne s'ancre plus.Et puis il y a ce silence oppressant que même les voix ne parviennent pas à habiter. Que disent-elles, d'ailleurs ? Elles parlent toutes en même temps. Certaines crient, d'autres pleurent. Mais toutes s'accordent à répéter, dans leur angoissante cacophonie, qu'il y a danger, qu'il faut s'enfuir.
Duuuuuupinette !Phooooooooka !
Ça ne veut rien dire, c'est la preuve que quelque chose ne tourne pas rond dans sa tête ! Elle se demande si tel a toujours été le cas et depuis combien de temps elle est là, à se balancer d'avant en arrière, les mains dans le dos. Quelle drôle de position ! Inconfortable. Est-elle restée coincée dans cette posture alors qu'elle essayait de se gratter le dos, ou de s'apporter un peu du réconfort que son travail en solitaire lui interdit, en essayant de s'enlacer elle-même ? Il paraît bien que quand on louche, un seul coup de vent peut vous figer dans un strabisme définitif ! Du moins c'est ce qu'on raconte aux enfants, croit-elle se souvenir... bien que les histoires pour enfants, ce ne soit pas son fort. Mais l'hypothèse ne tient pas la route : il n'y a pas le moindre courant d'air ici. C'est même un miracle qu'elle respire encore tant tout semble confiné, immobile.Elle regarde autour d'elle et soudain, elle comprend !Les murs sont capitonnés. Il n'y a pas de fenêtre. Juste une porte minuscule qui doit être cadenassée.Panique.Elle voudrait crier, mais les voix dans sa tête l'en empêchent et insistent, comme pour la mettre en garde :
DUPINETTE !!!!!PHOOKA !!!!
Ces noms-là semblent familiers. DUPINETTE ? Est-ce un code secret visant à l'avertir d'un danger imminent ? Au prix d'un effort surhumain, elle attrape les lettres au vol, s'y accroche, les mélange, les goûte et les recrache dans l'espoir de résoudre l'énigme... Dupinette = dépit tenu ? Non. Elle cherche d'autres anagrammes, se rappelle qu'après tout, c'est un peu sa spécialité, sa marque de fabrique... Mais il y a cette migraine qui menace de se déclarer si elle continue, avec des promesses de sévices si vicieux que nulle molécule, si puissante soit-elle, ne lui sera d'aucune aide. Dupinette = Tête du pin ? N'importe quoi ! C'est plutôt sa propre tête qu'elle est en train de perdre !     Mais concentre-toi, à la fin, s'invective-t-elle !Le son de sa voix la surprend un peu. Il faut dire qu'elle a plus l'habitude de se lire que de s'entendre... Mais elle continue. S'acharne. La migraine se déclare, s'installe, lui électrise les neurones un à un. Elle a le sentiment que son cerveau cogne à l'intérieur de son crâne pour s'en échapper. Dupinette, Dupinette. DUPINETTE = UN PETIT DÉ ! Dé ! Comme dans les dés sont jetés, comme dans Alea jacta est ! Comme pour dire que le destin est en marche et que rien ne pourra l'entraver... Encore moins une malheureuse en camisole !La douleur lui chignole les tempes, ses yeux sont en feu :  Pitié, que quelqu'un éteigne la lumière, hurle-t-elle enfin, à bout de forces !
Mais personne ne vient.Elle perd connaissance.
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Dans le couloir vert sapin, une femme en blouse blanche. Autour d'elle, quelques internes « hôtes » qui prennent frénétiquement des notes.     Le spécimen que nous allons observer aujourd'hui présente de grave troubles du comportement, mais cela vous fera un merveilleux sujet d'étude.     De quoi souffre-t-elle, exactement, se risque un étudiant ?  Syndrome de personnalités multiples, accompagné d'une forte mégalomanie et de pulsions sadiques.     Et quel est son crime ?     Le sujet se prend pour Dieu et crée des mondes parallèles où elle torture ses personnages comme de vulgaires poupées... Elle est dangereuse. Posez-lui toutes les questions que vous voudrez, mais ne la regardez jamais dans les yeux, c'est bien compris ? JAMAIS ! Elle pourrait vous les crever, ce ne serait pas la première fois...
Tous acquiescent en retenant leur souffle. Le médecin ouvre doucement la petite porte sur laquelle le nom de la patiente contraste en lettres de sang et s'engouffre dans la pièce, accompagnée de deux infirmiers bâtis comme des bibliothèques normandes.
  Bonjour Ingrid, comment allez-vous aujourd'hui ?  Qui... qui êtes-vous ?  Vous ne me reconnaissez pas ? Je suis la gardienne de Book en Stock et vous êtes ma pensionnaire !  Je... ne suis pas un book en stock, je suis un être humain, proteste la pauvre folle !     Bien sûr...  Qui êtes-vous, répète-t-elle ?  Vous le savez, voyons !
La patiente se concentre, le visage tordu, déformé par l'angoisse.Le temps semble s'être arrêté. Le silence le dispute aux voix qui hurlent dans sa tête. Enfin, elle risque la réponse qui l'effraie tant, lèvres tremblantes :
     Phooka ?  Docteur Phooka, la corrige la femme en blanc, avec un drôle d'accent.
Phooka. Ce n'est pas un nom ça, c'est une maladie ! Mais la malheureuse a beau mettre les lettres sens dessus dessous, il n'y aucune anagramme à ce mot. Alors elle tente les associations d'idées. PHOOKA = Fou cas ? Pour un psy, ça se défend, mais elle pressent qu'il y a autre chose, une signification plus terrifiante encore, et continue. Tant pis pour sa migraine qui ne peut, de toute façon, pas être pire. Fou cas = Fou « K » ? Fou, si on le prononce sans l'accent étrange du médecin, c'est Fu. FU-K = Fuca. FUCA !Horrifiée, elle regarde sa geôlière qui lui adresse en retour un sourire narquois.
  Eh oui, ma chère. Avec moi, vous allez en chier.
Ingrid Desjours pousse un long cri, mais personne ne l'entend. Les internes-hôtes  internautes ont tous coupé le son de leur ordinateur et commencent, imperturbables, à poser leurs questions à l'auteur.
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Bertille Crochue  en méli mélo avec Ingrid :( on commence à avoir l'habitude :D , mais pour pouvoir bien mettre en avant les différents intervenants, je mets en gros ;)
Bonjour Ingrid,
J'aime beaucoup cet exercice de questions/réponses...
Toi aussi j'ai l'impression...;-)

Oui, j'aime beaucoup échanger :)
(et j'ai l'ambition d'avoir le plus long Questions/réponses de toute l'histoire de BookEnStock :p )
(je plaisante, hein, faudrait une pancarte HUMOUR pour aider au décodage, parfois !)

Alors je me lance, pourrais-tu développer si tu le veux bien, le liminaire de "sa vie dans les yeux d'une poupée" ? Bien sur comme tous je comprends pourquoi celui-là, mais comme je suis curieuse, j'aimerais que Toi tu développes :"Parce que la colère est fille de souffrance"...

Pfiou ! Sacrée question....

Disons que ce roman est un livre sur la colère...
On vit avec sa colère, c'est une compagne qui tient chaud et qu'on nourrit - parfois un peu trop - parce qu'on sait que si on la laisse partir, c'est l'autre qui pourrait revenir. L' autre c'est la souffrance.
Tant qu'on est en colère on oublie qu'on a mal, on oublie son impuissance, on a même l'audace, la folie de croire qu'on peut changer le cours des choses.
J'aime la colère. Parce que c'est une 'sauveuse', quand elle est bien gérée, qu'elle chasse la douleur et transforme la victime en combattante. Je l'aime parce que c'est une émotion de réaction. La colère c'est spectaculaire, c'est un orage qui lave tout sur son passage. La colère c'est de la révolte. C'est le contraire de la haine. La haine prémédite, la haine rationalise, traque, a des visées destructrices. Ce n'est pas une émotion, c'est une intention.
La colère donc... mais ça reste un pis-aller. Ça reste la résultante d'une blessure profonde, d'une douleur. Ne jamais oublier qu'une personne en colère est en réalité une personne qui sanglote et qui essaie de le montrer comme elle peut...
Je ne sais pas si j'ai répondu à la question... c'est tellement intime !
En tout cas, Barbara et Marc en sont l'illustration et me renvoient à cette citation du Petit Prince : "J'aurais dû deviner sa tendresse derrière ses pauvres ruses".

Pour ce qui concerne les exergues, te viennent-ils avant d'écrire le chapitre ou lorsque le chapitre s'écrit? (tu remarqueras que je n'ai pas dis lorsque tu écris le chapitre...Sourire).
Le liminaire et les exergues sont extrêmement intéressants, quoique le mot intéressant ne soit pas vraiment adapté par rapport à ce que je pense d'eux et surtout du/des choix de l'écrivain...
Ils s'imposent après que 'la partie s'est écrite' ;-) se détachent du texte comme si certaines lettres s'échappaient des mots qu'il contient pour se réunir et former une idée globale. Comme une signature en surbrillance, une conclusion qui se retrouve au début pour boucler la boucle et donner sa couleur aux chapitres....

Une dernière question, si tu me le permets,"Le petit Prince", que représente ce livre pour Toi ?
C'est le premier livre qui m'ait touchée, à l'instar de nombreux enfants, je pense. Et un livre que j'aurais aimé écrire, à l'instar de nombreux écrivains, je suppose !
Celui qui continue de m'émouvoir, tant par sa simplicité que par ses niveaux de lecture. A mes yeux, toute la fragilité de ce qui fait la beauté de ce monde y est concentré. Et il y a plus particulièrement cette idée qu'on est responsable pour toujours de ce qu'on a apprivoisé. C'est quelque chose que je n'oublie jamais. Je tâche, dans ma vie quotidienne, d'être la meilleure possible pour mes proches, d'être là et bienveillante. Les renards et les roses sont trop précieux pour qu'on en détourne les yeux...
Merci Ingrid,
Merci Bertille !

Bertille Crochue