Murena (T9) Les épines

Publié le 08 juin 2013 par Un_amour_de_bd @un_mour_de_bd

Rome, juillet 64. Le grand incendie a ravagé la ville détruisant 3 de ses 14 régions. L’empereur Néron rêve de rebâtir une ville toute à sa gloire, mais il faut d’abord trouver des coupables…

Scénario de Jean Dufaux, dessin de Philippe Delaby. Public conseillé : Adultes, grands adolescents

Style : Péplum, Aventure historique Paru chez Dargaud, le 7 juin 2013 Share


L’histoire

Rome est en cendre. Ravagée par l’incendie qu’a déclaré Lucius Murena, la ville éternelle se remet lentement de ses plaies. Rongé par le remord, Lucius s’épuise à reconstruire avec ses faibles moyens la cité et à aider ses habitants. Mais c’est l’empereur que le peuple accuse d’incendiaire. Pour éviter un soulèvement, Tigellin lui conseille de désigner une victime « expiatoire », un os à ronger. Ce sont les Chrétiens et par généralisation les Juifs que l’empereur fait enfermer dans ses geôles.
Popée, l’épouse de Néron, veut éviter le génocide annoncé de ce peuple juif qu’elle apprécie. Elle demande à Néron de ne châtier que les chrétiens qui peuvent être taxés de prosélytisme.
De son côté, Massam, l’ancien gladiateur au service de Poppée, chante à qui veut l’entendre, que le responsable de l’incendie n’est autre que Lucius Murena. Entre une tribu de fanatiques qui défie l’autorité de Rome et un patricien mal aimé, il va falloir choisir sur qui s’abattra la colère de Néron…




Du changement


Enfin, le tome 9 de Murena (Les épines) est dans les bacs. Nous avions quitté, voilà deux ans déjà, Rome ruinée par l’incendie. L’opus 8 qui clôturait le cycle s’était achevé dans la démeusure et le drame. A l’image des flammes géantes qui ravageaient la ville, symbole du combat qui oppose Lucius Murena et Néron, cet album marqua les esprits, tant il Il fut grandiose et dramatique.
« Les épines » se lit alors comme un long épilogue à cette fin de cycle. C’est le temps du deuil, de l’acceptation et de la reconstruction. Ville, comme ennemis ont trouvés la mort ou une façon de continuer à vivre avec leurs démons.
Dans ce nouveau tome, Néron se montre moins proche du côté divin et effrayant auquel il aspire tant. Lucius, lui se détourne de sa haine envers l’empereur et reconstruit, pierre à pierre, sa ville et sa vie, en réapprenant à aimer.
C’est un tome de changements émotionnels profonds que Dufaux nous narre, avec sa sensibilité et son empathie coutumière.
Sans abandonner les figures historiques, il invente un scénario chorale qui développe chaque personnage dans son propre récit, tout en restant très cohérent sur la Grande Histoire et la fiction globale. Bravo pour une telle maîtrise, une telle technique narrative !

Du sable et du sang


Le tome 9 est donc plus calme que les précédents opus qui sont montés crescendo jusqu’à l’apothéose de l’embrasement. Difficile d’aller plus fort ! C’est donc un chemin plus sage que Dufaux et Delaby empruntent là.
« Les épines » est un drame psychologique. Puisque la guerre personnelle que se livraient Lucius et Néron est suspendue le temps du deuil, Dufaux dirige notre regard vers les luttes intestines des proches de Néron. Le conseiller et ami Tigellin oriente le courroux de l’empereur vers les Chrétiens et les Juifs. Dufaux fait monter la tension en racontant comment le sort des Chrétiens (et celui de Pierre en particulier) est scellé par intérêt et pour des raisons politiques. Ce qui atteint son paroxysme dans les scènes dramatiques des condamnés de cette époque, avec chemin de croix et couronnes (d’épines) à l’appui.
Dans le registre « sanglant » (tel qu’attendu dans cette série) Dufaux et Delaby mettent en scène un combat titanesque entre les deux anciens gladiateurs (Balba et Massam). C’est un duel à mort, dans la lignée d’un « Gladiator » de Ridley Scott ou d’un « Spartacus (de HBO). Epique, exceptionnel et cruel, c’est un final digne de ces deux chiens de guerre.

Coté dessin


Difficile de ne pas évoquer le dessin de Philippe Delaby en parlant de Murena. C’est le pendant parfait que mérite le récit complexe et lettré de Dufaux. Sa mise en image est précise, forte et lisible à la fois. Immersives et impressionnantes, ses planches ne peuvent vous laisser insensible.
Avec une technique parfaite, Philippe Delaby n’est jamais pris en défaut. D’une précision quasi-maniaque, il nous offre un dessin réaliste à l’extrême. Parfaitement à l’aise dans l’expression de ses personnages, il leur donne des traits de caractères marqués, mais sans excès.
Nouvel arrivant sur la série, la couleur a été confiée à Sébastien Gérard. Prenant la suite de Jeremy (qui se consacre uniquement à sa série personnelle : Barracuda), Sébastien s’en sort bien. Sans arriver à l’extrême qualité de Jérémy, il cale son travail dans la lignée de son illustre prédécesseur, en donnant à chaque scène des ambiances et des lumières profondes et bien typées.

Pour résumer


Quel bonheur de lire la suite de cette série ! Jean Dufaux et Philippe Delaby nous offrent une fresque terrible et somptueuse ou vérité historique et fiction se mêlent dans la plus grande évidence.
Maîtrise de la narration, qualité du dessin, complexité des personnages, ces deux auteurs continuent de développer leur péplum avec une rigueur et une exigence qui vous ravira.
Des cendres de Rome jusqu’aux croix des Chrétiens condamnés, laissez-vous embarquer dans une aventure politique et humaine grandiose !