Les chics types (3)

Publié le 10 juin 2013 par Hongkongfoufou

Par l'élève Moinet

Michel, Dan, Jimmy, Marc, Ric… Les jeunes gars du style rétro

Ce mois-ci : Jari dans "Le troisième goal"

 

Driiiing ! Debout les gars ! C’est l’heure des braves ! Réveillez le chic type qui sommeille en vous. Sortez vos Vedette. Sortez vos Jeune Europe de vos étagères alourdies. Soufflez sur la poussière trop longtemps entassée. Flattez la couverture. Ecoutez craquer la reliure. Tournez le papier jauni. Installez-vous dans le salon de votre hôtel, dans le fauteuil de votre pension de famille, sur le lit de votre garçonnière (les seuls endroits où un chic type digne de ce nom se doit d’habiter, appartements et maisons n’étant faits que pour survivre en famille). Draguez une mine. Détournez un missile nucléaire. Redressez une trajectoire. Tâclez un ours mal léché. Secourez la veuve et l’orphelin. Sans froisser votre costume ni votre amour propre. Sans vous salir les mains. Le défi est grand et le coup d’audace. La série est noire, mais le triangle bleu et le diable rouge.

Sortez vos Récréabull. Il y en a trois. Comme les petits cochons. Mais ? C’est quoi ces couleurs de supermarchés ? C’est quoi ces couvertures ? Et celle-là ? C’est la première case de l’album ! Ah les cochons ! Rasseyez-vous, c’est un mauvais moment à passer. 25, heu 24 ans d’attente et tout ça pour ça ! Le pauvre Jari ne méritait pas ça. Dire que depuis le 3 mai 1962 traîne une magnifique couv’ du journal Tintin (une Jari cover, anglaise, pas écossée). Tout est là. Tout était là. Typo, compo, fringues. Du sportswear avant l’heure. Ah le scapulaire de nos deux héros. Ah les genouillères du "portier". Ah le maillot en jersey - très extensible - à col roulé, il fait une petite brise. Ah la culotte matelassée sur les flancs pour amortir la réception du formidable plongeon impulsé grâce à une demi-douzaine de bons crampons coniques bien vissés dans la tige de chaussures en forte vachette à bouts rapportés, portées sur des bas de tricot de coton à côte "derby". Dommage qu’il ne porte pas une casquette Banania, ou Soda Verigoud, elle a dû s’envoler sans doute. Bref, détourner un ballon, en extension, comme ça, du bout des doigts, sans gants, le sexe à coté ça doit être nul.


D’ailleurs, c’est à croire qu’une malédiction pèse sur les épaules de notre valeureux champion. Rappelez-vous la poignante confession de Jimmy Torrent au professeur Noël. Oui, oui, celui-là même qui recueille le champion anglais après son accident. "Les parents de Jari sont morts alors qu’il était encore bébé… Lorsque la tante qui l’avait recueilli est décédée à son tour (…) il est venu habiter chez moi et je n’ai eu aucune difficulté à être nommé son tuteur." Juste retour des choses. Le recueilli recueillant, quoi. De quoi se recueillir. En tous cas, bel exemple de qualités physiques et intuitives précoces. On est champion ou on ne l’est pas. J’en connais qui se sont retrouvés chez les Thénardier pour moins que ça, un balai à la place de la raquette, ou à l’A.J Auxerre, période Guy Roux (la meilleure). Aussi, pas étonnant que ce soit, une fois n’est pas coutume, l’enfant qui sauve l’adulte de la noyade dans la scène finale. Une sorte de rédemption aquatique particulièrement spectaculaire et symbolique. On peut quand même regretter que Jari ne soit pas accouru avec une trousse de première urgence. Un antiseptique ainsi qu’une bande Velpeau et quelques épingles à nourrice auraient été judicieux sur les plaies superficielles provoquées par les écorchures salées. Inutile qu’elles enflent et se remplissent de pus. De plus, un vieux pneu attaché à une corde aurait pu faire office de bouée de fortune. Attention qu’il n’arrive pas sur la tête de la victime. Fou-rire et bonne tasse assurés. Mais ce n’est pas tous les jours que l’on sauve la vie de son tuteur.

Amnésie, vengeance, rancune, dopage, trafic, drogue et droguistes, pompes et pompistes, lampes et lampistes, mods et modistes. N’en jetez plus. Rien ne lui sera épargné. Pour notre plus grand plaisir. Il n’aura manqué que notre champion de tennis se fasse racketter. Une vraie malédiction.

La suite c’est un vrai roman-photo. Comme ceux que lit madame pour se détendre après avoir fait la vaisselle. C’est un bon paquet de buts, de cravates, de points d’exclamations et un climat d’inquiétude sous-jacent particulièrement bien rendu. Et si c’était un signe ? Avant-coureur, pour cette histoire qui se termine par une course (un 220 yards !). Et si une menace pesait aussi sur m… C’est vrai que… Ah encore un mauvais moment à passer. Et si je passais à trois Librax ® par jour ? Allo docteur ?

A quand la réédition de ce grand classique du style rétro ? Regardez Jari dans une attitude à la Angus Young (10 ans plus tôt !) avec sa célèbre Gibson SG aux cornes du diable. Légère, maniable, offrant une grande liberté de mouvements aux apprentis rockers. Le Diable rouge n’a qu’à bien se tenir.

 

Une planche du maître, aussi travaillée qu’un coup droit, à plat, de Stan Smith ou de François Jauffret.