Plein de vie (joie du cinéphile et autres petits plaisirs retrouvés…)

Par Borokoff

A propos d’Oh Boy de Jan Ole Gerster 

Tom Schilling et Ulrich Noethen

Il y a des films comme ça, des films qui dégagent assez d’énergie pour vous redonner espoir et envie tout simplement de parler de cinéma et d’y retourner. Des films qui vous font sortir de la dépression, en tout cas du marasme de cinéphile qui était le mien depuis des mois et que je confie ici sans pudeur mais sans m’étendre dessus non plus, mon blog n’étant pas un canapé de psychiatre…

Je n’avais plus d’enthousiasme, donc, disais-je pour aucun film, et encore moins de goût pour en commenter un sur mon blog. J’étais triste et résigné, abattu et incapable de mouvoir ma plume sinon pour la planter dans la lie d’un certain désenchantement pour ne pas dire la fange d’une démotivation générale…

Et puis, il y a eu ce déclic, cette parenthèse enchantée d’Oh Boy. Premier film de l’Allemand Jan Ole Gerster (connu pour ses clips et ses slogans publicitaires), Oh Boy décrit la journée et l’errance de Niko (Tom Schilling, inconnu au bataillon), jeune Berlinois au visage d’ange (on pense à Edward Furlong) et proche déjà de la trentaine.

Michael Gwisdek, Tom Schilling

Un jeune homme rêveur et un brin paumé dont la journée commence par une succession de déconvenues et autres épisodes malencontreux à ranger dans la collection « pas de bol » voire à narrer sur le site VDM…

Mais bientôt, ces petites misères du quotidien qui arrivent à Niko (un psychologue refuse de lui rendre son permis de conduire sous prétexte qu’il est encore « trop fragile psychologiquement », une serveuse refuse de lui servir un café car il lui manque quelques cents, sa carte bleue est avalée par un distributeur, etc…) s’accumulent au point de tourner au cauchemar et de faire penser à After Hours de Scorsese, à un univers qui tendrait à devenir mental chez Niko (s’agit-il d’un rêve, de la réalité ou de fantasmes concernant ses visions ?), du plus moins perçu comme tel par le spectateur.

Frederike Kempter

Cette piste pourtant s’avère bientôt être fausse. Car le film, en noir et blanc, peuplé de musique jazzy, est beaucoup moins sombre qu’il n’y parait, beaucoup plus porté vers la vie et un optimisme teinté d’humour voire d’auto-dérision chez son réalisateur qui n’hésite pas à se moquer voire à mettre à mal la rigidité des Allemands en matière de blagues. L’ami et le personnage qui accompagne par exemple Niko, tout au long de ses pérégrinations nocturnes, est un géant un peu simplet et comique qui contrecarre l’allure et le physique gringalet du jeune homme, à l’allure plutôt sérieuse et de petite taille. De même, la manière dont le voisin de Niko raconte la misère de son couple et de ce qu’est devenu son quotidien a quelque chose de burlesque voire de grotesque, comme lorsqu’il joue tout seul au baby-foot dans sa cave.

Frederike Kempter, Marc Hosemann et Tom Schilling

Oh Boy est une déambulation poétique, une flânerie tentée de métaphysique. Il aurait pu s’appeler 24 heures dans la vie d’un jeune homme à la recherche désespérée d’un café et de lui-même si le titre n’avait pas pris toute l’affiche. Niko est un jeune homme en manque de repères et qui cherche sa voie, lui qui a abandonné ses études de droit depuis deux ans sans l’avouer à son père. Le jeune Allemand manquerait-il d’ambition, d’envie de vivre ? Serait-il un brin désabusé, voire qui un personnage qui n’aurait plus goût à rien, un peu comme le héros d’Oslo, 31 août, de Joachim Trier (adaptation du Feu-Follet de Drieu la Rochelle). Ou bien serait-il un romantique comme le voyou joué par Belmondo dans A bout de souffle de Godard, à qui le film rend hommage explicitement ?

Rêveur, Niko est un jeune homme au regard clair profond qui semble pourtant garder les pieds sur terre. Deux rencontres avec des personnes âgées seront décisives dans son parcours, deux rencontres qui lui apporteront à la fois des repères, des phares, des balises dans le brouillard qu’il traverse. On pense alors au sublime Eastern Plays de Kamen Kalev et à la rencontre du jeune Bulgare et d’un vieil homme qu’il a rencontré dans la rue et chez qui il s’est endormi.

Et on se prend à rêver nous aussi, rêver comme croire en la belle vie qui attend ce jeune Allemand dont on ne doute pas, au delà de toutes ses errances, qu’il trouvera sa voie tant il semble animé par un feu intérieur et une vie débordante en lui.

Merci donc à Oh Boy qui m’aura aidé à retrouver dans le noir, à tâtons, un chemin dont j’avais indéniablement perdu la trace : celui des cinémas…

http://www.youtube.com/watch?v=AeRgDp2mM-4

Film allemand de Jan Ole Gerster avec Tom Schilling, Friederike Kempter, Marc Hosemann (01 h 30)…

Scénario de Jan Ole Gerster : 

Mise en scène : 

Acteurs : 

Compositions de Cherilyn MacNeil et The Major Minors :