Frédéric Brandon : Voyage au bout de la ligne

Publié le 08 juin 2013 par Pantalaskas @chapeau_noir

C’est une expérience rare à laquelle ce coup de chapeau est adressé. Initiative personnelle d’un peintre, essai quelque peu confidentiel jusqu'à maintenant, presque secret et pour tout dire souterrain. Frédéric Brandon, peintre, habite Montreuil. Comme beaucoup de Montreuillois, il utilise le métro pour circuler dans Paris. Cette pratique quotidienne est à l’origine de cette idée : explorer, comme peintre, cette ligne N° 9 . Trente huit stations traversent Paris d’Est en Ouest de Montreuil à Boulogne sur une courbe passant par St Martin actuellement désaffectée et en son sommet par Havre Caumartin et Chaussée d’Antin.  Elle est mise en service en 1922. Elle est devenue la première ligne à desservir la banlieue parisienne en 1934 à l’Ouest et en 1937 à l’Est.

Chroniques métropolitaines

Station Charonne   Frédéric Brandon  2013

Avec ce concept, Frédéric Brandon s’est lancé dans un voyage commencé il y a presque trois ans maintenant. Alors que d’autres se sont risqués à aborder la traversée de l’Atlantique à la rame ou la mythique Croisière Jaune, le peintre s’est engagé  dans cette aventure souterraine au gré de ces trente huit stations qui n‘ont rien d’un chemin de croix. C’est une plongée à la fois dans une ville et dans l’histoire que révèle cette randonnée.
Si cette ligne N° 9  a presque un siècle, certaines stations sont associées à des moments marquants de notre époque. Pour preuve, la station Charonne rappelle la manifestation du 8 Février 1962, pendant la guerre d'Algérie,  alors que le préfet Papon donne l’ordre de charger : huit morts. Charonne porte la marque indélébile de cette tragédie.
Parfois l'histoire du métro croise l'histoire personnelle du peintre. Ainsi la station Buzenval commémore cette bataille meurtrière livrée aux Prussiens le 19 janvier 1871, bataille où périt le peintre Henri Georges Régnault. Le grand-père de Frédéric Brandon professeur aux Beaux Arts, mort en 1944, figure aux côté d’Henri Régnault sur la plaque commémorative de la cour des Muriers de cette même école où Frédéric y a d’ailleurs fait ses études.

Station  Sain-Martin  Frédéric Brandon  2013

Les croquis du peintre ne négligent pas Saint-Martin, une station oubliée, sans histoire, où les rames ne daignent plus s'arrêter. Comme si une nature sauvage avait repris le dessus sur la civilisation, les tags se sont multipliés sur les murs de ce lieu déserté.
Les carnets de Frédéric Brandon retracent à travers cette ligne N° 9 , comme ceux d'un Kerouac sur la route 66 des USA, l'histoire d'une capitale. Des quartiers populaires aux "beaux quartiers", de l'est à l'ouest, la chronique du peintre nous renvoie à notre mémoire collective.
Brandon prend le métro dans "sa" station : Robespierre. C 'est dire si son voyage entre de plain-pied dans l'Histoire. La station Maraichers, elle, témoigne d'une  période disparue. Une ligne qui passe par République et Nation  ancre définitivement cette légitimité historique.

Station  Iéna   Frédéric Brandon   2013

Peinture séquentielle

Ce n'est pas la première expérience de peinture séquentielle de Frédéric Brandon. Il y a quelques années, il poursuivait déjà avec la série des "Clowns" cette volonté de décliner un tel panoramique. J'ai évoqué cette réalisation dans l'article "Frédéric Brandon: moi, moi toujours moi". Beaucoup de ses clowns reprenaient les traits de ses proches et de ses amis dans une ronde jubilatoire.
Après ce périple troglodyte, Frédéric Brandon veut donner à sa création sa véritable dimension:   produire en 80 x 240 cm l'ensemble des maquettes en technique mixte, peinture acrylique, fusain, pastel, et impressions pigmentaires pour les objets et accessoires, bancs, sièges, panneaux de signalisation etc.
Cette ambition là n'est pas la plus facile à réaliser mais la plus légitime.  A chacun ses nymphéas.

Photographies: Frédéric Brandon

Ligne M 9
Monte de Sèvres- Mairie de Montreuil
2010-2013

Frédéric Brandon