Double poursuite et contradiction de décisions

Publié le 13 juin 2013 par Jbcondat

Malgré le principe non bis in idem qui voudrait que l’on ne puisse être poursuivi ou puni deux fois pour des faits similaires, on sait qu’en matière d’infraction boursière et d’abus de marché, comme le délit d’initié ou la manipulation de cours, la France autorise qu’une personne fasse l’objet de doubles poursuites : par l’Autorité des marchés financiers (AMF) et par le juge pénal. Cette dualité de poursuite peut conduire à conjuguer deux sanctions à l’encontre de la même personne pour les mêmes faits. Mais qu’en est-il lorsque les deux autorités de poursuites ne parviennent pas aux mêmes conclusions ? Dans le cas de l’espèce, un dirigeant a été sanctionné par l’AMF et la Cour d’appel de Paris pour diffusion d’informations fausses ou trompeuses lors de l’introduction en Bourse de sa société. Plus tard, un juge d’instruction saisi des mêmes faits a considéré qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre pénalement ce même dirigeant. Ce dernier a saisi la Cour de cassation de cette contradiction, invoquant l’article 618 du CPC (annulation de l’une ou des deux décisions en présence d’une contrariété de jugements). Les deux décisions semblent inconciliables puisque la première déclare le dirigeant coupable d’un fait de diffusion d’informations trompeuses au marché et la seconde décision le déclare non coupable. Sans grande surprise, la Cour de cassation vient de rejeter l’argument considérant que les deux décisions ne sont pas inconciliables dans leur exécution. Autrement dit, la Haute Cour admet que deux décisions de justice puissent statuer différemment, voire à l’opposé, sur les mêmes faits. Pour encourir l’annulation, l’inconciabilité suppose que les deux décisions ne puissent recevoir simultanément exécution. En effet, même si elles semblent incohérentes juridiquement, l’important est que techniquement, leur exécution soit possible. La possibilité ainsi confirmée pour l’AMF et le juge pénal de trancher différemment sur des mêmes faits démontre une fois encore ce que la coexistence de deux autorités de poursuites constitue pour le justifiable : un double péril.

Sources : Les Echos, p. 32, 6 mars 2013.