[Impressions] The Walking Dead Telltale Games (PS3): effroi et deshumanisation

Par Neodandy @Mr_Esthete

Ce n’est pas un nom que l’on entend souvent, mais The Walking Dead tend à s’imposer comme une référence et ce, dans de nombreux domaines. Il a connu le format du Comics; a été porté à l’écran par une Série TV éblouissante et connait une nouvelle forme par le travail de Telltale Games à s’inspirer à la fois de l’histoire du Comics pour un résultat d’ordre cinématographique. The Walking Dead fut consacré en 2012 par la Presse … Mais quand est-il du côté des joueurs ? Explications d’un périple inoubliable qui risque, à son tour, de devenir "culte". Détails sans concessions.

Un décor poncif; un regard inédit.

Des zombies, des hommes qui survivent et qui, dans un déluge de violence, essayent de se sortir d’une invasion d’innommables choses … On l’a déjà vu de multiples fois. Et pour cause, depuis plus de quarante ans, la cause Zombie se répand avec l’un des pionniers au cinéma : George Andrew Romero et son long-métrage La Nuit des morts-vivants. ("Night of the Living Dead")

Lee Everett, le "héros" de The Walking Dead le devient comme beaucoup par défaut et par surprise. En cours de transfert pour une prison Américaine suite à un crime passionnel, il s’apprête à subir sa peine … Mais l’inattendu change et bouleverse le personnage. Et le joueur. La voiture de police heurte, avant même la possibilité d’avertir le conducteur par une QTE, "quelque chose".

Lents et défigurés, nos survivants les nommeront par la suite les "Rôdeurs". (Traduits par "Walkers") Seulement voilà, et l’on s’en aperçoit très rapidement, ces choses ne visant qu’à se nourrir de chair, ne sont qu’un prétexte scénaristique pour permettre au joueur et, quelque part, spectateur, pour mettre un accent terrible sur les personnages, leurs relations, leurs choix, et, peut-être même, leur "place" dans ce monde. Univers en déliquescence et qui perd de son sens et de ses prétendues valeurs.

Lee Everett, aux premières minutes du jeu, rencontre la jeune Clementine. Restée seule à la maison avec sa Nounou, elle est l’une des pierres angulaires du jeu en ce sens où la plupart des décisions prises par le joueur via Lee Everett consisteront, très régulièrement, à rentrer en contact avec elle via des choix de dialogues. Incroyablement résistante, elle attend patiemment le retour de ses parents; elle rencontrera Lee qui deviendra par la suite et ce, quelque soit le chemin opté durant votre partie, "son protecteur".

A huit ans, elle est confrontée aux pires scènes, à l’atroce et à une société devenue hostile à de nombreux égards : la nécessité de la violence pour se défendre, les choix inévitables et parfois lourds de conséquence vis-à-vis des autres survivants … Clementine est un élément central de la narration dans ce sens où la caméra du jeu, si elle ne se concentre par sur cet être fragile, se concentre sur sa perception des choses. Les gens connus ne sont plus les mêmes qu’hier et ce contexte où la survie à un prix est une vie où chaque jour est une peine : souvent morale; elle est aussi physique. (Problèmes d’approvisionnement, impossibilité de changer des vêtements portant l’odeur et les traces des Rôdeurs …)

Ne nous méprenons pas : si The Walking Dead par Telltale Games est un jeu tenant du genre "Point’N Click", la grande réussite de ce genre en apparence simple, est de proposer de multiples possibilités qui rendent le jeu interactif quitte même à donner des dimensions de "Comics en temps réel".

On pourrait penser qu’il suffirait de manier Lee pour récupérer une clef et s’échapper d’une pièce pour créer de l’émotion. Le Point’N Click va loin. Beaucoup plus loin dans ses possibilités.

Faites vos choix, subissez les conséquences.

Dès le premier épisode lancé, un  petit message apparaitra et vous indiquera que le jeu évolue en fonction de vos choix. L’un des points forts du titre en question est de vous permettre en quelque sorte de mener l’aventure selon votre perception et votre sensibilité par des choix possibles et, bien entendu, un temps limité signifié par une barre blanche qui s’écoule au fil des secondes.

Dépêchez-vous d’être armé … En bougeant la caméra, en prenant une cartouche puis votre arme. C’est aussi cela, The Walking Dead : acteur de sa propre survie

Telltale Games a réussi un pari risqué : celui de proposer une apparence très simple, celle du Point’N Click, tout en permettant au joueur de s’investir et donc de prendre une part active quasi sans temps morts. En outre, le format opté d’un épisode coupé en 7 chapitres est un parfait rythme afin de permettre au joueur de poursuivre l’aventure, de s’arrêter, de réaliser une partie assez courte pour découvrir la suite ou, au contraire, de continuer jusqu’à la fin de l’épisode. L’idée clef fut celle d’une pensée simple : proposer une expérience impliquant les émotions et non pas seulement des choix sans saveurs et ôtés de sens.

Chaque choix effectué, aussi banal que d’aller récupérer une radio (Episode 5) n’entraine pas les mêmes situations que si vous aviez décidé de la laisser au milieu de la horde de rôdeurs. Cependant, on se rend compte que certaines décisions, elles sont assez rares mais existent, sont incontournables et, quelque soit votre choix mène à une seule et même conclusion. (Cf. Episode 2 – Situation du personnage de Larry) Du coup … Le fait de vanter le jeu comme une expérience totalement évolutive et changeante à chaque instant tombe, parfois, à l’eau. L’évènement en question revient, cependant, souvent au cours des épisodes à suivre, en reprochant les actes aux personnages concernés ce qui a le mérite d’être un rappel du choix opté.

Il n’est pas rare que dans la manière de jouer, le joueur ne soit pas seulement confronté à des choix ou à la récupération d’objets lambdas, mais forcé à tirer, à viser sur ces Zombies, à utiliser une hache ou d’autres armes récupérées sur place. Et de ce côté, Telltale Games nous surprend. Sans concession, le joueur tout comme la jeune Clementine, se confronte à des scènes sans censure et sans concessions où le gore accapare votre attention, vous rend sensibles par la succession d’actes inhumains.

Rassurez-vous, aucun spoil concernant le scénario – surprenant - du titre; mais sachez que l’épisode 2 est une parfaite illustration lorsque notre groupe de survivants est accueilli dans un Ranch idyllique …

Le choix d’une inspiration tirée du "Comics Américain".

Graphiquement, vous l’aurez aperçu, le jeu revendique ses inspirations certaines par des graphismes rendant hommage aux coups de crayon des créateurs du Comics Walking Dead. Tout à fait convenable, adapté au jeu, on sent que la dimension graphique permet davantage d’offrir de la suggestion – souvent très crue – bien plus qu’une véritable vitrine graphique. L’épisode 5 nous appuie dans cette réflexion; au moment où l’un des survivants mentionnent "Des milliers de rôdeurs" pour finalement apercevoir de nombreux ennemis suggérés et une dizaine de monstres actifs.

Inspiration issue de la "Bande-Dessinée", mais qui ne semble pas suivre pour autant l’ordre chronologique des Tomes parus à ce jour par Delcourt en France. Pour avoir lu le Tome 1 "Passé Décomposé", seul le personnage de Glenn apparait sous des traits parfaitement reconnaissables et, selon toute logique, sa présence dans la Bande-Dessinée laisserait apercevoir The Walking Dead comme étant les prémices de cette transformation des morts en "Rôdeurs".

"Raconte-moi une histoire !"

Le Scénario de The Walking Dead repose sur les Hommes en tant que tel après un évènement qui, selon notre interprétation, révèle les activités des uns rapportés aux intérêts personnels d’autres individus. La survie se complexifie d’autant plus qu’elle est un jeu où faire le choix de révéler votre passé peut devenir une arme tranchante se répercutant jusqu’à la fin du jeu.

Chaque épisode a le grand mérite de renouveler l’attention du jouer/spectateur avec, si ce n’est pas un nouveau rebondissement, il s’agit d’une transition progressive du rythme de l’aventure. C’est-à-dire que dans un premier épisode où il s’agirait de "connaitre son ennemi", il s’agira ensuite d’organiser un quotidien … Pour autant est-il viable ? Quelles sont les autres solutions ? Pour quelle(s) raison(s) puisque l’humanité vire à sa déchéance morale et reproductive ?

Un travail admirable de narration permet à la fois de placer le duo Lee/Clementine dans une dynamique d’amitié/protection tout en les intégrant aux progressifs personnages rencontrés, des portraits variés, des intérêts distincts. Par expérience, nous pourrions juste voir quelques temps morts au sein de l’épisode 3 (Moments du Camping-Car/l’Enquête) et un élément fortement prévisible dans l’épisode 2, centré sur ce lieu très réjouissant de la ferme préservé de toute menace … Ajoutons, en tant que léger bémol, des ellipses narratives que l’on peut deviner mais non expliquées : nous pensons notamment à l’arrivée d’un nouveau survivant nommé "Mark" dans l’épisode 2, absent dans le 1er épisode. Il est également possible de relever quelques coquilles dans l’écriture des dialogues, mais ce ne sont que de légers détails de lettres accolés ou parfois l’oubli d’un mot. L’exemple le plus frappant étant celui des paroles prononcées par Kenny, dans l’épisode 3 : "Je ne entendre parler personne!"

Cette trame scénaristique si efficace est également due à des scènes extrêmement fortes que l’on imaginerait difficilement dans ces situations, à commencer par la place même de l’homme parmi les siens, hostiles à sa présence et souhaitant conserver à titre d’une communauté restreinte les derniers moyens de survie possibles. (Episode 4 & 5 - La Communauté de Crawford) Se profilent des thèmes non loin d’une réflexion plus vaste sur ce qu’est l’Homme ou plutôt, sur  ses travers que l’on aimerait plutôt ne pas affronter dans de telles situations. Et, il me semble, qu’à de nombreux aspects, cette suggestion est volontaire et supplante les êtres jugés volontiers "débiles" que sont les rôdeurs. (Molly – Survivante, les qualifie même de "Geeks")

On a aimé :

+ Le Scénario : des Zombies comme excuse, la deshumanisation comme fait.
+ La sensation de jouer à un Comics interactif.
+ La force de suggestion : graphique et scénaristique.
+ Des choix importants et influents. (Laisser vivre – ou non – un camarade; agir pour sa propre santé; permettre ou non la vérité …)
+ Les personnages : divers et variés.
+ Plus fort qu’un Point’N Click : la sensation d’une aventure à vivre.
+ L’apparence d’un jeu simple et à la trame convenue; une expérience complexe et propre à interroger le joueur.
+ Un suspens tenu du début jusqu’à la fin.
+ Un jeu entièrement traduit en Français lorsqu’acheté en boite.

On a détesté :

- Quelques ellipses narratives inexpliquées : Mark ?
– Des choix parfois dirigistes : deux solutions pour une même conséquence. (Cf. Situation de Larry Episode 2)
– Quelques passages à vide. (Notamment au cours de l’épisode 3.)

Inutile d’en dire plus : The Walking Dead par Telltale Games est, sur le Blog La Maison Musée, un véritable coup de cœur qui vous permettra sans doute, si cela n’est pas déjà fait, d’aborder l’univers par un jeu rempli de qualités. Ces dernières ont le mérite d’être variées, et, au final, d’être une expérience vidéoludique qui ne paie pas de mine en apparence d’après son genre, d’après ses graphismes, d’après son scénario au 1er coup d’œil banal ou tellement visité qu’il n’aurait pas attiré votre regard. Le jeu de l’année 2012 ne ment pas : il est incontestablement un mélange de différentes inspirations, de différents styles (Comics pour les graphismes; cinématographique pour sa manière de suivre l’aventure) mais bien une production inédite qui, par le temps, sera peut-être amenée à être un exemple d’inventivité.