Furosémide, Teva et les crises sur les médias sociaux

Publié le 20 juin 2013 par Allo C'Est Fini

Invité à parler ce mercredi lors de la 4e journée des clubs de l’ADETEM, j’ai abordé le thème des crises sur les médias sociaux, pour montrer que lorsque la crise se développe principalement sur le web social, il y a de fortes chances qu’elle ne dure pas; mais que c’est plutôt quand la crise naît en dehors du web social que les problèmes se posent, le web social n’étant qu’un accélérateur lors de la diffusion des dits problèmes. Parmi les nombreuses questions qui m’ont été posées, celle sur l’industrie pharmaceutique m’a particulièrement intéressé: qu’est ce qui devait être changé dans mon exposé, dans le cas précis de ce secteur?


Evidemment, le schéma que Yann et moi avions publié dans « Les médias sociaux expliqués à mon boss », tiré de la présentation de Synthesio sur les 4 typologie de marques, m’est revenu à l’esprit: nous y rappelions les 4 types de marques (sous le radar, fonctionnelles, aimées et sensibles). Les laboratoires pharmaceutiques comme Teva font partie de cette dernière catégorie, et nous indiquions fort justement que les entreprises de ce secteur, lorsqu’elles décident de s’exprimer sur les médias sociaux, doivent le faire pour rassurer un public en proie à une crainte. Crainte pour sa santé, son environnement, sa famille, son métier.

Dans le cas des laboratoires Teva, la réaction de la direction a été rapide et claire. Le rappel des boîtes de médicament a permis, je crois, de calmer le jeu et de montrer l’implication du laboratoire dans la résolution de la crise. Mais depuis, trois rumeurs se sont, me semble-t-il, développées sur le web.

  1. La première rumeur est celle dont la presse s’est fait l’écho: des personnes âgées auraient consommé des somnifères à la place d’un diurétique – le furosémide – et seraient mortes dans les heures qui suivirent. Il ne s’agit pas de rumeur, mais de faits établis, puisqu’il doit y avoir eu une autopsie suite à l’ouverture d’une enquête. .. sauf que l’autopsie, apprend-on par la presse, n’a pas permis d’établir les faits. 
  2. La seconde rumeur est assez proche de la première, elle en prend le contre-pied: il n’y aurait pas eu d’erreur de conditionnement, et il s’agirait d’une erreur humaine; Thèse corroborée par le fait qu’après avoir inspecté plusieurs milliers de boîtes, ni Teva ni l’agence française du médicament ne seraient parvenue à mettre en évidence une inversion de produits. De fait, on voit mal comment deux chaînes de production pourraient s’emmêler les pinceaux…
  3. La troisième, plus dangereuse, cherche à lier l’affaire Teva au conflit israélo-arabe: Teva est une société israélienne, et des employés (?) auraient chercher à lui nuire en procédant à cet échange. Encore faut-il que l’employé en question ait conscience de l’impact réel de l’administration de la mauvaise gélule. Mais soit, imaginons que ce soit le cas: ce serait alors catastrophique pour Teva, qui verrait la confiance des patients s’effondrer, si chaque boîte devait être suspectée d’avoir été trafiquée par soutien (!) à la cause palestinienne. Seuls quelques blogs « communautaires » reprennent cette option (jssnews, dreuz, juif.org), je ne suis pas sûr qu’ils comprennent les dégâts que peut causer ce type de rumeur.

Bref, pour l’instant, on nage dans un flou magistral. Est-ce bénéfique pour l’entreprise? Il me semble que oui. Prises une à une, chacune des pistes porte préjudice à Teva: en coexistant pacifiquement, et en laissant le doute planer, l’affaire pourra probablement se calmer et permettre une résolution loin des projecteurs médiatiques.