L'été indien ... (5)

Publié le 24 juin 2013 par Asiemute


La Mère des Rêves
de Sri Aurobindo

Déesse, suprême Mère du Rêve, quand tu te tiens à
tes portes d'ivoire,
Qui sont-ils donc qui descendent vers les hommes dans
tes visions, qui s'assemblent sur le chemin des ombres ?
Rêve après rêve ils jaillissent comme l'éclair et brillent,
portant encore autour d'eux la flamme des étoiles ;
Des ombres à tes côtés flottent dans l'obscurité où dansent
les feux follets, scintillent et clignent les étoiles
et étincelle le météore errant ;
Des voix appellent leurs proches qui leur répondent ; voix
douces, elles font battre le coeur et ravissent l'âme qui écoute.

 

Que sont donc ces contrées et ces sables dorés
et ces mers plus radieuses que ne peut imaginer la terre ?
Qui sont ceux-là qui cheminent au long des vagues pourpres
s'élançant vers les plages bodrées par les falaises de ton
rivage de jaspe sous des cieux où couve le mystère,
Drapés dans un clair de lune qui n'est point de notre nuit
ou baignés de la lumière d'un soleil qui n'est point du jour ?
Qui sont-ils qui arrivent sillonnant tes Océans, avec
des voiles aux cordages non-faits de main d'homme
et que pousse un vent non-terrestre ?
Pourquoi, en une mystique ligne, s'assemblent-ils
avec ceux des plages, joignant les mains
en d'étranges et majestueuses danses ?

Toi, en haut des airs, une flamme à la chevelure
observant le tournoiement de tes merveilles
Tu maintiens la nuit sous ton antique loi, mère divine,
hyacithine, par une ceinture de beauté protégée.
Munie d'une épée de deu, attisant le désir, tu gardes
ton royaume ténébreux
Dans une douceur étoilée, la lune à tes pieds, tantôt cachée
tantôt visible entre les nuages dans l'obscurité
et la traînée de tes tresses.
A ceux-là seuls qu'il t'as plu de choisir, ô toi au coeur libre,
est-il donné de découvrir ta magie et de sentir tes caresses.

Ouvre la grille où dans leur monde de beauté sans ombre
attendent tes enfants.
Trônant là-haut sur un nuage, victorieux et fier, j'ai aperçu
Maghavan à cheval quand les armées du vent le suivent ;
Du ciel j'ai gouté les délices et les fruits
de saveur immortelle ;
J'ai bu le nectar des royaumes divins et perçu les accents
de l'étrange musique d'une lyre que nos mains
ne peuvent maîtriser ;
Les portes se sont grand-ouvertes sur les salles de fête
où résident les Dieux et les Apsaras dansent
en leurs rondes de plus en plus rapides.

Car c'est toi qu'en premier nous voyons
quand nous franchissons les bornes du mortel,
Là aux portails des royaumes du ciel tu as planté
ta baguette enchantée oscillant au-dessus de la tête du Yogi.
De toi viennent le rêve et les fantômes qui surgissent
et les lumières fugitives qui nous abusent ;
A toi est l'ombre où les visions se forment ;
des contrées célestes, par tes mains précipitées,
arrivent les âmes qui se réjouissent à jamais.
Dans tes mondes-du-rêve nous passons ou regardons dans ton
miroir magique, puis au-delà de toi nous grimpons hors
de l'Espace et du Temps vers le pic de la divine aventure.

Photos à Chennai (Madras) Inde du Sud, janvier 2011