321ème semaine politique: la France est-elle menacée de dissolution ?

Publié le 29 juin 2013 par Juan

Hollande va échouer, diront les plus optimistes. Il a échoué, renchérissent les pessimistes. Le Hollande-Bashing est à peine moins vivace. Mais Hollande suit son chemin. Il engrange quelques bonnes nouvelles, parfois fragiles. Le Front national dissout la droite de l'intérieur. La gauche est tétanisée ou clivée. La France politique est-elle
Tétanie européenne
Hollande termine un sommet européen. Le gouvernement économique de l'Europe est à nouveau reporté de quelques mois. Doit-on s'en réjouir ?
Hollande récuse encore quelques morceaux de phrases dans une résolution commune: il ne veut pas de consignes trop précises sur la réforme des retraites. Barroso et son fidèle Rehn exigeaient un relèvement de l'âge légal de départ à la retraite et une stabilisation des cotisations. Hollande obtient gain de cause, nous explique BFM.  Mais il ne fanfaronne pas: "les moyens pour atteindre ces objectifs, devaient être laissés aux États",  et les réformes "dans le dialogue social".
Se battre sur des mots dans un texte que l'on aura oublié dans quelques mois, est-ce désormais le seul combat qui nous reste ? Non. Hollande n'est plus l'Européen d'hier, et c'est tant mieux.
Hollande enterre le déploiement de quelques lignes TGV. Il s'en explique, ça défoule. L'ancienne équipe avait gentiment, une décennie durant, promis des lignes à qui le demandaient. La facture est astronomique, près de 250 milliards d'euros.
José-Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, cristallise enfin une détestation politique transpartisane et trans-nationale. En France, Arnaud Montebourg, Alain Juppé et Claude Bartolone l'ont vertement tancé. Nicole Bricq, ministre (socialiste) du commerce extérieur a résumé: Barroso "n'a rien fait de son mandat". En Allemagne, on le trouve "inefficace". Pascal Lamy, patron de l'OMC, et qui fut paraît-il socialiste il y a bientôt un siècle, est venu à son secours. Ces gens-là sont les véritables fossoyeurs de l'idée européenne. L'Europe n'est pour eux qu'un facilitateur de destruction sociale et de précarisation de l'emploi.
Au Portugal, le pays natal de Barroso où ce dernier n'a laissé que le souvenir de son incompétence quand il en était le premier ministre, c'est la grève général ce 27 juin.  Cela fait des années que l'on juge l'homme nuisible et inefficace. Qui l'a donc sauvé ? L'infernal couple Merkozy qui l'ont remis en selle pour un second mandat en 2009.
La Croatie, dans une démarche que d'aucuns jugeront folle, rejoint l'hôpital européen ce 1er juillet. "Nous savons à quoi nous nous engageons" commente son premier ministre. Son prédécesseur conservateur avait engagé une privatisation générale des chantiers navals. Vu de Paris, on s'indigne du symbole. Mais ce serait oublier que ces chantiers étaient aussi gangrenés par la corruption, autre fléau du pays. L'ancien premier ministre déchu par un "printemps de Zabreg" est désormais en prison.
La Serbie voisine a obtenu l'examen de son adhésion. Quel parti "néo-lib" se cache donc derrière cette démarche ?
Dissolution française
Le chômage se stabilise, provisoirement. Toujours 3,2 millions de sans-emplois, sans compter tous les autres. Toujours 400.000 nouveaux inscrits, et presque autant de sorties de Pôle emploi. Un gigantesque va-et-vient qui dissout le lien économique. Toujours 40% de chômeurs de longue durée..  On pointe vers l'ampleur des radiations et cessations d'inscriptions - 10.000 de plus. On pourrait insister sur la hausse de même ampleur du nombre de reprises d'emplois - 7.000 de mieux. Qu'importe cette dispute de chiffres. Le gouvernement ne fanfaronne pas. Ayrault s'inquiète au contraire. Il a raison. Hollande évoque "2 à 300.000 postes vacants" qui ne trouvent pas preneurs à Pôle Emploi. Sarkozy le disait déjà, mais il en déduisait qu'il fallait virer ces "fainéants" de l'indemnisation chômage. Hollande demande au contraire qu'on améliore la formation des demandeurs d'emploi. C'est une différence énorme que Mélenchon fait mine de ne pas voir.
En Europe, ils sont plus de 26 millions à chercher du boulot. Six milliards d'euros pour subventionner l'emploi des jeunes ont été promis, jeudi, par les 27 chefs d'Etat et de gouvernement d'ici 2015. Un montant "ridiculeusement limité" commente un journaliste portugais.
La dette publique poursuit sa trajectoire, 91% du PIB à fin mars; 37,3 milliards d'euros de plus en un trimestre, pour atteindre 1.477,2 milliards. Elle dissout nos espoirs d'investissement. Il n'y a plus d'argent dans les caisses.
La Cour des Comptes s'alarme encore, cette fois-ci du déficit public. Il serait de 4% à la fin de cette année à cause de la récession. Ayrault confirme que "ce que dit la Cour des comptes est vrai". Il est d'une "franchise incroyable" s'étonne, horrifié,  Jean-Pierre Elkabach sur Europe 1, vendredi 28 juin. Bernard Cazeneuve, ministre du budget, complète: "Ce que dit la Cour des Comptes n'est pas alarmiste mais mesuré et correspond à la réalité de la situation".
Cette franchise est la meilleure attitude qui soit. Elle nous change de l'autruche précédente. Elle force chacun à s'interroger sur la suite. A droite, la critique est maladroite. Il faut les comprendre, l'UMP est en passe d'être digérée placidement par le Front national. Et personne ou presque n'ose prendre le programme du mouvement frontiste pour ce qu'il est, d'une bêtise crasse et d'une promesse de souffrance sociale insoutenable.
L'aveugle Fillon demande à Hollande qu'il sorte de son déni de réalité. Le gars n'a pas vu 600 milliards de dette supplémentaire grossir son propre bilan de premier collaborateur de Nicolas Sarkozy. Quelle crédibilité... D'autres réclament des coupes sombres, suivant l'avis de la Cour des Comptes, si possible et surtout dans les dépenses sociales. On est à peine surpris.
La misère et la précarité, comme sortie de crise ?
A gauche, certains critiquent le cercle connu mais vicieux: austérité, déficit, austérité. Ils y voient la preuve qu'il faut de la relance. le premier levier serait une augmentation des salaires et des minimas sociaux. Mais le raisonnement ne vaut qu'à l'échelle européenne. La relance nationale n'existe plus sauf dans la ruine et le protectionnisme. On espère des soutiens de la Grèce (mais plutôt SYRIZA que le PASOK), de l'Italie (avec qui ?), ou d'Allemagne (où le SPD est donné perdant aux élections de septembre maintenant qu'Angela Merkel a capturé dans son programme les promesses de salaire minimum et de dépense publique).
L'autre levier serait la dépense publique: l'Etat ne devrait pas contracter ses dépenses. Il devrait même se comporter en "employeur de dernier ressort", pour reprendre l'expression de l'économiste Hyman Minsky. Le gouvernement Ayrault promet au contraire de réduire les dépenses de l'Etat en valeur absolue l'an prochain. Soyons précis: la baisse sera modeste, deux milliards d'euros. Mais cette inflexion reste historique. Concernant l'emploi, les effectifs resteront globalement stables, comme promis.
Desserrer l'étau, favoriser les relocalisations, protéger ce qui peut l'être, telle semble être la stratégie suivie, tant bien que mal et souvent de façon peu lisible, par l'actuelle équipe au pouvoir. On devine
 que Hollande craint de déstabiliser un retour à la croissance auquel il ne croit pas tant que cela par ailleurs; qu'il hésite à injecter trop de carburant dans un moteur qu'il juge défaillant.
Et si la croissance ne revenait pas

"Les égouts des affaires débordent..."
L'expression, juste et factuelle, est de Jean-Luc Mélenchon. Il part à Perpignan tenir meeting.
Deux parias font leur psy-show à la télévision, toute l'après-midi du mercredi. Le premier était directeur général du FMI. DSK cause de l'évasion fiscale et du contrôle des banques à une commission sénatoriale, filmé et retransmis par toutes les chaînes d'information. Il confie son pessimisme, critique l'inaction des Etats, se moque des incantations contre la Finance. Le second était ministre du budget, viré en mars, inculpé en avril. Jérôme Cahuzac n'est même plus député. Il a renoncé. Son mandat a été récupéré par un UMP après une finale contre le Front national. 
La France politique semble tétanisée par cette dissolution de l'espoir. Les abstentionnistes dépassent les votants du second tour. Mercredi, Cahuzac est auditionné plus de deux heures par une commission d'enquête pour ne rien dire. 
Nicolas Sarkozy veut revenir. Vendredi, le parquet de Bordeaux requiert le non-lieu contre lui et Eric Woerth dans l'affaire Bettencourt, "faute de preuves". Il faut avouer que l'abus de faiblesse contre vieille dame était une charge bien rude contre l'ancien monarque. Après tout, il se pourrait bien qu'André et Liliane Bettencourt avaient librement consenti à financer illégalemebt la campagne de Sarkozy en 2007, n'est-ce-pas ?
Mais la grosse affaire est ailleurs, elle s'appelle Tapie. L'ancien patron redevenu millionnaire grâce à l'arbitrage privé orchestré par Nicolas Sarkozy dans le litige qui l'opposait au Crédit Lyonnais termine 96 heures de garde à vue par une mise en examen pour escroquerie en bande organisée. Après l'ancien dircab de Lagarde, l'un des trois juges et le président du CDR, il est le 4ème mis en cause pour les mêmes motifs. On attend Claude Guéant et François Pérol à la barre.
Bien sûr, il est présumé innocent. Mais les mêmes éditocrates qui ne trouvaient rien à redire aux 45 millions de "dédommagement moral" que l'homme récupéra en juillet 2008, s'indignent aujourd'hui de ce scandale qu'ils qualifient d'Etat. Il faut écouter pour les croire les Christophe Barbier et autre Franz-Olivier Giesberg.
Eric Woerth est rattrapé par cette histoire, d'après Laurent Mauduit de Mediapart: la police aurait mis la main sur un courrier de l'ancien ministre du budget de Sarkozy adressé aux avocats de Bernard Tapie pour négocier le traitement fiscal de leur client... En Sarkofrance, les plus riches aimaient négocier leurs impôts au sommet de l'Etat. Même Henri Guaino l'avait convenu sur un plateau de télévision début juin.
L'escroquerie est bien totale.