L’être-soi du dirigeant politique

Publié le 02 juillet 2013 par Tchekfou @Vivien_hoch

Un extrait de Karl Jaspers (1883 – 1969), psychiatre et philosophe allemand, qui se dit lui-même « existentialiste chrétien », nous livre un passage sur l’accession au pouvoir des hommes politiques, et leur rapport aux concurents et à leur propre « être-soi ».  

 « Il n’arrive plus à personne, actuellement, d’être appelé à une fonction dirigeante à cause d’une naissance privilégiée : maix chacun doit commencer par se procurer lui-même une place élevée dans ce mécanisme ; aussi cette acquisition d’une position de puissance est-elle liée à des comportements, des instincts, des jugements de valeur qui menacent l’être-soi authentique dans la mesure où celui-ci est la condition d’un commandement conscient de ses responsabilités.

Il arrive parfois que la chance et le hasard puissent porter un individu ; mais, en général, les vainqueurs ont des dispositions qui ne tolèrent pas que les gens soient eux-mêmes ; ils cherchent donc – sensibilisés de façon infaillible à l’égard de tels êtres – à les repousser par tous les moyens : ils les considèrent comme des impudents, des particularistes, des hommes bornés et inutilisables ; ils mesurent leurs œuvres avec des étalons absolus que l’on ne peut utiliser sans mauvaise foi ; ils les soupçonnent personnellement, ils interprètent leur comportement de façon à les présenter comme des provocateurs, des auteurs de troubles, des individus qui menacent la paix de la société et dépassent les limites admises.

Comme l’avancement n’est permis qu’à celui qui a sacrifié son être-soi, ils ne veulent le laisser à aucun de ceux qui suivent le bénéfice de l’être-soi. »

Karl JaspersLa situation spirituelle de notre époque, p. 60