Le passage 18

Par Emia

18. J’étreignais un grand corps ténébreux qui bougeait à peine. Par moments, je le mordais et l’entendais gémir sans voir son visage. Sa peau s’écaillait par endroits : je retirais ces écailles avec mes ongles en songeant aux poissons des profondeurs, Léviathans, sirènes et coloecanthes.

Maladie…, appela-t-il, Maladie ! Sa chair se couvrait de serpentins pourpres et de veinules où pulsait un jus transparent, tonique et grisant, qu’aveugle, je lapais. Alors, il frémit, durcit, se dressa : je l’humiliais. Songe à la douceur…, dis-je. Mais il rétorqua : Libère-moi !

Son corps me hantait encore. Corps ! appelai-je, et il me gratta, me coupa, me pinça, m’enveloppa, me fit trembler, suer, tressauter. Nous criâmes d’horreur. Quelqu’un avançait, défiguré, en pure perte, nié, dénigré : il poussait son corps comme une valise. L’esprit est nul, dis-je, car je calculais. Le corps inonde l’âme qui inonde le corps, psalmodiait-t-il. Je ressentais un désespoir grandissant. Nous allons mourir ! m’exclamai-je. Puis je tombai.


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