Cyrano de Bergerac qui fut tout et qui ne fut rien

Par Sergeuleski

" Eh bien ! oui, c'est mon vice.

Déplaire est mon plaisir. J'aime qu'on me haïsse.

Mon cher, si tu savais comme l'on marche mieux

Sous la pistolétade excitante des yeux !

Comme, sur les pourpoints, font d'amusantes taches

Le fiel des envieux et la bave des lâches !

- Vous, la molle amitié dont vous vous entourez,

Ressemble à ces grands cols d'Italie, ajourés

Et flottants, dans lesquels votre cou s'effémine :

On y est plus à l'aise.... et de moins haute mine,

Car le front n'ayant pas de maintien ni de loi,

S'abandonne à pencher dans tous les sens. Mais moi,

La Haine, chaque jour, me tuyaute et m'apprête

La fraise dont l'empois force à lever la tête ;

Chaque ennemi de plus est un nouveau godron

Qui m'ajoute une gêne, et m'ajoute un rayon :

Car, pareille en tous points à la fraise espagnole,

La Haine est un carcan, mais c'est une auréole !"


Pour Edmond Rostand la vie d' Hercule Savinien Cyrano, dit Cyrano de Bergerac...

....ce fut d'être celui qui souffle et qu'on oublie emportant avec lui son panache

"Moi, c'est moralement que j'ai mes élégances.

Je ne m'attife pas ainsi qu'un freluquet,

Mais je suis plus soigné si je suis moins coquet ;

Je ne sortirais pas avec, par négligence,

Un affront pas très bien lavé, la conscience

Jaune encore de sommeil dans le coin de son oeil,

Un honneur chiffonné, des scrupules en deuil.

Mais je marche sans rien sur moi qui ne reluise,

Empanaché d'indépendance et de franchise ;

Ce n'est pas une taille avantageuse, c'est

Mon âme que je cambre ainsi qu'en un corset,

Et tout couvert d'exploits qu'en rubans je m'attache,

Retroussant mon esprit ainsi qu'une moustache,

Je fais, en traversant les groupes et les ronds,

Sonner des vérités comme des éperons."