La beauté - Charles Baudelaire (1821-1867)

Par Helmous

Aphrodite, dite Vénus de Milo, Marbre de Paros,
île des Cyclades - Grèce (216 x 60 x 65 cm)


La beauté
Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s’est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Éternel et muet ainsi que la matière.
Je trône dans l’azur comme un sphinx incompris ;
J’unis un coeur de neige à la blancheur des cygnes ;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.
Les poètes, devant mes grandes attitudes,
Que j’ai l’air d’emprunter aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d’austères études ;
Car j’ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles !
Charles BaudelaireLes Fleurs du mal
Charles-Pierre Baudelaire est un poète français, né à Paris le 9 avril 1821 et mort dans la même ville le 31 août 1867.  La Beauté est tiré du recueil de poèmes "Les Fleurs du mal" qui intègre la quasi-totalité de la production poétique de Charles Baudelaire depuis 1840.
Œuvre majeure de Baudelaire, publiée le 25 juin 1857 et rééditée en 1861, Les Fleurs du mal sont l’une des œuvres les plus importantes de la poésie moderne, empreinte d’une nouvelle esthétique où la beauté et le sublime surgissent, grâce au langage poétique, de la réalité la plus triviale. L'œuvre exerça une influence considérable sur Paul Verlaine, Stéphane Mallarmé ou encore Arthur Rimbaud.