Plus clichés, tu meures ?

Par Borokoff

A propos de Le grand méchant loup de Nicolas Charlet et Bruno Lavaine 

Benoît Poelvoorde, Kad Merad et Fred Testot au chevet de leur mère

A Versailles, Philippe, Louis et Henri forment une fratrie de quadragénaires qui ont toujours été très liés et sont restés proches malgré des caractères et des fortunes très différents. Un jour, les trois frères apprennent que leur mère vient d’être victime d’un infarctus. Ce drame intervient alors même que dans la vie sentimentale du cadet et du benjamin, c’est le doute pour ne pas dire un certain chaos sentimental qui règnent. Seul Louis, l’aîné, semble surnager et échapper à cette crise de la quarantaine. Du moins en apparence…

Inspiré du célèbre conte du XVIIIème siècle Les Trois petits cochons et remake d’un film québécois de Patrick Huard intitulé Les 3 P’tits cochons (2007), Le grand méchant Loup est une comédie en apparence grinçante et corrosive, amorale et satirique mais qui, à force d’accumuler et de brasser les clichés, finit par devenir assez lourde voire pénible à digérer malgré quelques rires incontestables déclenchés ça et là.

Benoît Poelvoorde et Valérie Donzelli

Triple portrait de frères que tout oppose en apparence, Le grand méchant loup met clairement et dès le début l’accent sur le personnage de Philippe, le cadet incarné par un Benoît Poelvoorde irréprochable. Philippe est incontestablement le personnage le plus fouillé et le plus profond du film, à la différence de l’aîné stéréotypé (on y reviendra) joué par Kad Merad ou du benjamin (campé par Fred Testot) Henri, personnage rêveur et tout aussi paumé que son frère dans son couple mais dont la personnalité est trop vite ébauchée, trop superficiellement brossée.

Philippe occupe un bon poste au château de Versailles mais regrette de ne pas être devenu architecte comme il aurait toujours aimé l’être. Marié, père de deux filles, ce quadragénaire qui hésite à reprendre ses études rêve d’un rebondissement dans son existence, lui qui ressent cruellement la monotonie de son existence et d’un couple qui bat de l’aile, englué dans une certaine routine et l’ennui de soirées passées devant la télévision à côté d’une épouse (Valérie Donzelli) avec qui visiblement (en apparence du moins) il n’a plus rien à dire. Là où la situation se corse, c’est lorsque Philippe va franchir le pas et coucher avec une femme beaucoup plus jeune que lui et qu’il a rencontré par hasard au château.

Linh Dan Pham et Fred Testot

Avec son scénario légèrement irrévérencieux (quoi de mieux que coucher avec une autre femme pour relancer son couple ?), Le grand méchant loup a en fait des airs de déjà-vu. Notre duo de réalisateurs semble rêver de subversif mais on sent (trop) vite leurs intentions tant ils marchent avec de gros sabots et fonctionnent avec des clichés. Mais ce qui dérange le plus dans cette comédie, c’est la surenchère de rebondissements, de coups de théâtre invraisemblables (on est dans une comédie, certes) qui finissent par lasser, retournant même le principe de la satire sur les méchants et réactionnaires cathos versaillais que constituait Le grand méchant loup contre lui-même. Soit un arroseur arrosé que la chute et la morale assez attendues et consensuelles confirment.

Dans ce film qui ne fait pas dans la dentelle, on l’aura compris, les deux réalisateurs semblent autant obnubilés qu’amusés par l’idée de nous montrer (de bien nous faire comprendre plutôt) qu’on a beau être catho et versaillais, on n’en commet pas moins des adultères voire pire, on peut avoir des « déviances » sexuelles… La démonstration, un peu appuyée et pas très subtile quand même, n’a rien de nouveau ni de très original. Elle trouve son aboutissement dans la figure lourdingue et caricaturale de Louis (Kad Merad, fidèle à lui-même en beauf et en Français moyen), archétype du Versaillais « fin de race » fermé et  coincé, symbole d’une réussite insolente. Bien sous tous rapports, irréprochable même (du moins, on le croit) dans son couple, Louis vit dans un hôtel particulier en pierre de taille. Pétri de traditions catholiques, marié à une femme aussi pincée et bigote (Zabou Breitman porte le même collier de perles que dans le divin Cuisines et dépendances, 1992) que lui, c’est le père de deux enfants tout aussi engoncés et cathos, fayots et têtes à claques. Sors de ce corps, Etienne Chatiliez…

La suite, il est inutile de la raconter, elle s’imagine aisément. Pour nous, déjà tournés vers un autre film, on a tout simplement la tête ailleurs. Ayant zappé depuis longtemps cefilm bien pensant au final. Et d’autant plus agaçant…

http://www.youtube.com/watch?v=hg2NWfcsnJo

Film français de Nicolas Charlet et Bruno Lavaine avec Benoit Poelvoorde, Kad Merad, Fred Testot, Valérie Donzelli, Charlotte Le Bon, Zabou Breitman, Cristiana Reali, Lea Drucker, Linh Dan Pham… (01 h 47)

Scénario et dialogues de Nicolas Charlet et Bruno Lavaine d’après les oeuvres de Claude Lalonde, Pierre Lamothe et Patrick Huard : 

Mise en scène : 

Acteurs : 

Dialogues : 

Compositions d’Eric Neveux :